Madder Mortem - Desiderata

Chronique CD album (54:48)

chronique Madder Mortem - Desiderata

Sans doute Desiderata est aidé par le fait que ce soit lui qui m'a fait plonger dans la marmite Madder Mortem à l'époque de sa sortie, en 2006, pour qu'il récolte ainsi le suffrage maximal dans la note. D'autant plus qu'à cette époque, j'arborais dix-sept printemps et étais encore en plein phase d'apprentissage/apprivoisement de ce que pouvait être le metal dans son sens le plus large. Autant dire que tous les mouvements d'avant-garde lorsque tu es encore en train de digérer les caractéristiques des différents sous-genres, ça me passait un peu au-dessus du haricot. Et pourtant, commencer par celui-ci est certainement la carte de visite la plus simple car, avec ce quatrième opus, les Norvégiens misent tout sur l'accessibilité. Étonnant d'ailleurs alors qu'ils honorent un début de collaboration avec Peaceville plus enclin à accepter des choses bigarrées par rapport à l'énorme écurie que représente Century Media à laquelle ils appartenaient auparavant. Après, il faut bien comprendre également : parler d'accessibilité avec Madder Mortem, c'est tout de même assez relatif car nul doute que les radios n'iront pas se bousculer pour les diffuser sur les ondes FM. C'est qu'il y a eu un chouïa de calibrage mais ça reste toujours aussi singulier.

 

Et vraiment, quand j'ai posé à l'époque mes mains sur cet album acheté totalement par hasard sans même en avoir entendu une seule note concrète – à défaut d'en avoir vu des élogieuses inscrites dans les colonnes de magazines – ça a été un sacré coup dans l'estomac, entre coup de foudre et fascination. J'aurais été à ce moment-là incapable de justifier pourquoi tant cela me semblait étrange : une recette extravagante jamais entendue auparavant qui se révèle pourtant foutrement accrocheuse. Et maintenant que je me le réécoute avec l'oreille aguerrie de la graine de chroniqueuse, je n'en suis que d'autant plus impressionnée.

 

Pas besoin d'aller voir au-delà de « My Name Is Silence » présenté comme le single-vitrine en plus d'ouvrir les hostilités : intro heavy pour partir vers un micro-break conduisant sur des couplets aussi tordus que groovy, où chant et musique sont totalement décalés avant de partir sur un refrain hyper catchy et plus consensuel à tendance pop sous hormones. Un titre qui se suffit à lui-même pour dire que Desiderata se présentera comme un album blindé de curiosités extravagantes, entre moments hyper accrocheurs, tendance tubesque – « Plague On This Land » où certaines lignes vocales rappellent un titre des B52's (!) version rageusement dépressive, le refrain hyper puissant de « Evasions », « M For Malice », le riff principal de « The Flood To Come » – et frasques plus atmosphériques, certaines amenant par ailleurs de jolies transitions en terme d'ambiance (« Dystopia » introduisant de jolie manière « M For Malice », « Cold Stone » tout en progression amenant une intensité tribale que l'on retrouve ensuite sur « Hypnos »). Même si la part doom qui était omniprésente sur All Flesh Is Grass a été totalement évincée (à peine la retrouve-t-on dans le final de « Hangman ») au profit d'une plus grande dynamique générale, on retrouve malgré tout sans mal la patte Madder Mortem dans ses rapports de relief et de progression crescendo/decrescendo de puissance et d'intensité. Un aspect progressif moins alambiqué que ce que l'on pouvait entendre sur son prédécesseur, Deadlands, mais toujours aussi porteur de dimension épique (« Desiderata », « Hypnos », « Sedition »), voire d'explosion de folie pure avec « Changeling » et son final dantesque et totalement hystérico-possédé faisant bien comprendre que sa vocaliste ne cite pas Mike Patton en influence dans le vent. Une Agnete enfonçant d'ailleurs encore une fois le clou de son talent mésestimé injustement car quand bien même son registre est à mille lieux des divas d'opérette en vogue à cette époque dans le metal sympho, elle parvient à se montrer aussi technique que certaines, si ce n'est plus selon les cas d'ailleurs (sa maîtrise du vibrato, bon sang de bonsoir !).

 

Un peu de la même manière que Deadlands en son temps, Madder Mortem se permet même de teaser sur ce qui nous attendra par la suite, à savoir un « Hangman », feutré, classieux et jazzy en diable progressant sur une conclusion alliant mid-tempo mélancolique et puissance, montrant les influences jazz que les Norvégiens mettront en avant dans la suite de leur discographie. On imagine également que cela pouvait être par mesure de précaution au cas où Desiderata n'était pas assez varié et aussi inclassable qu'il ne pouvait l'être sans. Ce qu'il était déjà mais bon, on n'était plus à ça près, d'autant plus que cela ferme la marche de manière posée de jolie manière pour un album magistral, maîtrisé, sans temps mort futile, ni même de faute de goût. Les Norvégiens n'ont jamais apporté autant de cohérence dans leur propos malgré sa largesse de ratissage de styles et d'influences. Ou comment prouver que l'on peut simplifier/calibrer son registre sans perdre de vue son identité et intégrité et le sublimer par la même occasion.

photo de Margoth
le 11/03/2018

2 COMMENTAIRES

cglaume

cglaume le 11/03/2018 à 10:43:55

Un bel OVNI que je ne connaissais pas du tout (si ce n'est vaguement de nom): merci pour la découverte!

Margoth

Margoth le 15/03/2018 à 18:34:52

De rien ;)

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