Mayhem - A grand declaration of war (remaster)

Chronique CD album (46:02)

chronique Mayhem - A grand declaration of war (remaster)

Peu de femmes ont compté dans ma vie. Mais P. aura eu un impact très important sur mon adolescence et mon entrée dans la vie d'adulte.

 

Elle a certes pris mon pucelage une soirée de Juillet sur la terrasse d'un ami sous les yeux d'un fox-terrier un peu trop curieux : difficile d'effacer ce souvenir de ma mémoire. Mais, quelques mois auparavant, elle m'avait initié au black-metal, ce que je ne peux pas vraiment oublier non plus.

 

En 2002-2003, pour une raison sans doute scolaire, elle m'avait invité à venir chez elle avant de passer dans sa chambre.

Bien qu'émoustillé à l'idée de découvrir le "jardin secret" d'une fille pour qui je tentais de dissimuler quelques sentiments naissants, je remarquai sur son lit défait, un disque à la pochette brutale et explicite.

 

 

M'observant les yeux fixés sur sa couche, Pa. se pencha gênée pour y reprendre d'un geste brusque un soutien-gorge que je n'avais même pas remarqué :

-Hey mais t'as jamais vu un soutif !? me dit-elle entre agacement et amusement laissant apparaître son sourire Colgate.

-Ben, euh, non, enfin si, mais c'est quoi ça ? lui répondis-je en pointant du doigt un album inconnu.

-Tu connais pas MayheM ? T'arrêteras d'écouter Limp Bizkit après avoir entendu ça.

 

Elle ouvrit le digipack pour en retirer le disque qu'elle introduisit dans son lecteur.

 

Le néo-metalleux que j'étais en fut troublé.

Non seulement parce que j'apprenais que ce disque lui avait été offert (ou prêté -ma mémoire faillit-) par son copain (qui, en plus, avait le permis et une voiture, je ne pouvais pas lutter) mais ce qui me parvenait aux oreilles était nouveau. Quant au digipack, il était magnifique. Mon regard était à la fois attiré par les yeux clairs de ma camarade de classe et le livret, très soigné, dont je devinais le travail en lien avec la musique.

J'avais jusqu'alors une image assez négative du black-metal : un monde qui n'était pas fait pour moi.

Les rares concerts du genre que j'avais pu faire se résumaient à un bruyant vacarme porté par une voix dégueulasse et hurlante, le tout joué par des musiciens plus doués pour se maquiller que pour maîtriser leurs instruments.

De rares expériences d'écoutes de groupes populaires (ou locaux) dans ce style m'avaient laissé insensible.

 

Mais pas cette fois.

 

Sorti en Juin 2000, A grand declaration of war fut une révolution. Une véritable révolution sonore, aussi bien pour le groupe que pour le black-metal. Une révolution qui a marqué son temps et qui perdure aujourd'hui.

Jamais un groupe de black-metal n'avait sonné comme ça. Un son encore inégalé (en dépit des réussites d'Orde ad chaos et Chimera sur ce point), à la clarté clinique et à l'ambiance violemment glaciale qui sied au concept de ce disque : la guerre.

 

Revenons à ce que je ne savais pas avant cette découverte chez Pau.

Il y avait eu en 1994 chez MayheM De Mysteriis Dom Sathanas, monument du black pour d'innombrables fans. Je peine encore à m'y intéresser, gêné par cette voix qui ressemble au cri d'une girafe en train de crever. C'est avec ce premier album, ce premier indispensable d'un genre, puis avec notre album en 2000 que MayheM crée une scission : les fans de trve black-metal et le black-metal avant-gardiste.

C'est, en tout cas, le regard que j'ai depuis cette époque sur cet univers musical et culturel.

 

Bref. AGDOW est un album mythique de sa genèse jusqu'à sa sortie chez Season of Mist. À ce sujet je t'invite à lire l'excellente interview (d'une non moins passionnante série) chez les collègues de Metalorgie sur cette signature et son contexte pour le groupe et le label il y a près de 20 ans.

 

Tout a été dit sur cet album. Tout et son contraire.

C'est sans doute là qu'on reconnait le génie : des années après sa sortie, ce disque fait encore discuter, divise, interroge. 

Mais au-delà de l'excellente écriture, pourquoi se farcir un remaster ? 

 

Le riffing de Blasphemer est sans doute le plus passionnant qu'il ait jamais écrit. Tordu, complexe, mais, à force d'écoutes, on perçoit le lien entre les pistes et on dessine le concept avec plus de clarté et de finesse. Un génie de composition qui ne nécessitait pas de remaster.

Tout comme cette batterie, à la limite de l'humanité, tant elle était triggée, traficotée. Et pourtant, elle correspondait parfaitement à ce qu'il fallait pour ce disque : inhumaine, violente, MECANIQUE, à l'image des guerres "modernes".

Le chant de Maniac est également singulier. Il joue parfaitement la comédie, prend des airs grandiloquents, s'exprime en spoken words avec des paroles qui ne méritent pas un Nobel de Littérature mais qui collent à l'ambiance musicale. Entre sa voix claire et son chant black, crié, hargneux, haineux, douloureux, "malaisant", il livre sa meilleure prestation derrière un micro en studio.

 

Définitivement, c'est dans son écriture, son ambiance, sa globalité que AGDOW est mythique. Il l'est aussi pour déplaire autant aux fans de black qu'il peut l'être par ceux, qui, comme moi, n'y connaissent toujours rien, ou ne s'y intéressent qu'à de rares occasions. Mais, il est mythique.

 

Alors pourquoi se farcir un remaster quand un enregistrement vieux de près de 20 ans est intemporel ?

Pour les retouches sur la basse ? Eventuellement. Plus ronde, plus vibrante, plus lourde. Soit.

Pour la guitare ? Inutile. Imperceptible.

Pour le chant ? Un léger bidouillage sur deux-trois passages dont on aurait largement pu se passer.

Pour corriger la batterie ? Quelle erreur ! Elle sonne PRESQUE comme toutes les batteries du moment.

Pour le passage Indus / goth / Drum'n'bass de "A Bloodsword and A Colder Sun" ? Mouais, les apports sont limités.

 

La valeur de cette version "remixed re-issue" est donc discutable. Comme tout ce qui l'a été pour ce disque. 

Tout est trop lisse. Trop polissé. Et même trop fini (sur un album pourtant bien abouti). Totalement l'inverse de ce qu'est MayheM qui s'exprime aussi dans une certaine démesure, avec un esprit foutraque. On a l'impression que ce son tente de canaliser et corriger ce qui pourrait prêter à polémique, faire lever des sourcils dans son écriture.

Sauf. Sauf que cette version n'est pas inutile pour d'autres raisons.

La première est qu'à défaut de ne rien apporter de nouveau et d'important, elle est une excellente occasion pour une nouvelle génération de découvrir un album hors-du-commun.

La seconde est qu'on a une nouvelle pochette signée Glyn Smyth (qui a notamment fait celles de Subrosa) à 1000 lieues de l'originelle (elle, qui fit chouiner les puristes pour sa clarté, le logo en blanc !), mais elle mérite le coup d'oeil...bien qu'elle ne soit plus un élément qui compte dans l'abord du disque (surtout avec le choix dispensable d'y inclure de l'iconographie religieuse)

 

Généralement, ce qui n'a aucun but artistiquement est donc à des fins pécuniaires. Parce qu'il faut bien manger pour les acteurs d'une chaîne d'un disque et parce qu'après tout, cela ne fait pas de mal : il suffit de ne pas écouter cette version et profiter de la précédente. Surtout lorsqu'elle est l'occasion de se rappeler d'une fille inoubliable prénommée Pauline.

photo de Tookie
le 06/01/2019

10 COMMENTAIRES

Xuaterc

Xuaterc le 06/01/2019 à 12:02:05

"ressemble au cri d'une girafe en train de crever", pour cette phrase, tu seras condamné à la lapidation lente à coups de gravillons. Mais tu seras gracié pour le reste de ta chronique...

cglaume

cglaume le 06/01/2019 à 13:55:37

Haha, avant de lire le comm' de Xuxu, j'allais faire la même citation :D. Perso j'adore De Mysteriis... Et je n'ai jamais écouté cet album, sorti à une époque où le Black commençait à me gaver et où je n'avais pas assez d'argent pour tout écouter. Ce serait une bonne idée que j'en profite pour l'écouter, histoire que je m'enxuxuïfie un peu plus :)

Margoth

Margoth le 06/01/2019 à 18:31:05

Je me souviens que j'avais acheté cet album pour une bouchée de pain en Norvège (quasi à domicile donc), ça reste aussi l'un des albums de black m'ayant le plus marqué quand bien même De Mysteriis... reste un de mes référentiels.

el gep

el gep le 08/01/2019 à 18:08:11

Grand Album!!!
Mais tu me laisse sur ma faim voyeuriste, Tookie!
Qu'est-il advenu du Fox Terrier curieux?
P. a-t-elle couché avec toi alors qu'elle était encore avec son copain?
Comment tout cela s'est-il terminé?

sepulturastaman

sepulturastaman le 08/01/2019 à 20:07:52

Tookie, j'ai jamais compris qu'un mec aussi brillant que toi se sous-estime autant.

Tookie

Tookie le 09/01/2019 à 14:51:28

@Xuxu @Cglaume : Je vous rappelle que je suis plus emo-screamo-lopette que fan de black, ce disque est une exception dans ma discothèque...

@El Gep : J'avais une réponse fantaisiste dans laquelle nous avions fini par faire un ménage à trois avec le chien suite à sa participation active (puis passive puis re-active) à nos ébats. Mais, je vais répondre de manière très terre à terre :
-Elle était séparée depuis quelques semaines lorsque nous avons échangé nos fluides. J'ai un code de conduite et n'aurais jamais pu faire ça avec une fille en couple (juste parce que j'aurais eu peur de me faire péter la gueule)
-Le chien s'est lassé rapidement. Ce que j'ai compris sans le prendre personnellement sur notre prestation : est-ce que tu mates les chiens en train de niquer pendant de longues minutes ? Non (enfin, j'espère, sinon c'est chaud). Ben, je pense que c'était donc normal qu"il se soit désintéressé de nous.

Tout ceci s'est terminé sur cette histoire sans lendemain. Je ne savais pas trop comment gérer mes sentiments face à cette personnalité qui me semblait plus assurée et mature que moi. Je n'ai donc pas cherché à renouveler l'expérience (enfin, avec elle hein), même si l'envie manquait pas. J'ai pu reparler avec Pauline grâce aux réseaux sociaux (avant sa désinscription) il y a 10 ans. Elle était devenue la fille que j'imaginais qu'elle deviendrait : une réussite dans le monde pro et surtout un esprit toujours vif, mais elle s'était éloignée de la sphère metal et du black.
Je n'ai plus eu de contact avec elle pour x raisons (déjà parce qu'elle s'en branle de moi et n'a jamais émis le désir de me reparler) notamment parce que cette petite histoire appartient à une adolescence loin derrière nous...


@Sep' : Ben euh...merci ! Ça m'touche ! Ben, écoute, je ne le fais pas exprès, mais, je suis content de ne pas renvoyer le sentiment d'un trou de balle sûr de lui...en espérant pour autant ne pas verser dans le misérabilisme...

el gep

el gep le 09/01/2019 à 18:25:59

Took', je suis ému!
Et parler de ça pour illustrer une chro' de "Grand Declaration Of War", c'est trop, vraiment trop pour mon petit cœur...
Ça me fait penser que je dois toujours écrire une chronique sur Jane's Addiction où je voulais y mettre tout mon Aaaamour et ma Naaaaïveté. Je crois que tes expériences (notamment celle avec le fox terrier) vont m'aider dans cette tâche immense. Vous allez souffrir.

Xuaterc

Xuaterc le 10/01/2019 à 16:46:18

"je suis plus emo-screamo", justement, les chant de canard qui se coince les roupettes dans la commode de mamie, ça doit te parler ;-)

Xuaterc

Xuaterc le 10/01/2019 à 16:49:01

@Margoth "pour une bouchée de pain en Norvège", dans mon souvenirs, les CD étaient hors de prix quand j'y suis allé, j'avais du payer environ 200 Francs (oui oui) chaque Eld d'Enslaved et Jerusalem de Sleep

Margoth

Margoth le 14/01/2019 à 10:57:47

@Xuxu : Oui, effectivement, j'avais remarqué que les prix en Norvège n'étaient pas donnés. Mais va savoir, peut-être parce que j'avais été envoyée dans le grand nord désertique du pays pas si loin de la frontière russe ou peut-être que le magasin en question s'était décidé à brader ses fonds de réserve, toujours est-il que j'avais eu cet album avec un t-shirt Emperor pour une vingtaine d'euros (en tout), ce qui n'était finalement pas si cher vu les prix pratiqués usuellement là-bas.

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