Mortuary - The Autophagous Reign

Chronique CD album (46:47)

chronique Mortuary - The Autophagous Reign

On ne laisse pas Bébé dans un coin que disait ce beau gosse de Patrick Swayze dans Dirty Dancing. On pourra appliquer l'adage très aisément pour les compatriotes de Mortuary. Un groupe qui est considéré comme culte au sein des vieux de la vieille au sein du death français aux côtés de Loudblast, Massacra, Agressor ou encore Mercyless, c'est également – et malheureusement – celui qui s'est le moins développé du lot, malgré le fait qu'il ait toujours fait son petit bout de chemin sans jamais être passé par la case séparation, et ne se contente d'un simple statut d'estime de niche. Injustement, on l'a donc laissé dans un coin et j'ai eu l'occasion de le vérifier par moi-même directement en live : ce bébé-là n'a pas le joli minois de Jennifer Grey, encore moins son côté civilisé à rester tranquillement prostré au coin de la pièce. Au contraire, laisser Mortuary s'exprimer dans un minuscule bar de quartier paumé, c'est comme tenter de faire rentrer un troupeau de mammouths dans un 10m²... Autant dire, ça fait mal et ça ne se passe pas sans fracas. Encore heureux que Mamie Gisèle avait enlevé ses belles pièces de porcelaine murales avant, c'est qu'il aurait pu y avoir de la casse en bonus. En plus de devoir ramasser les miettes de mère-grand.

 

Il n'en fallait pas plus pour se ruer sur leur nouveau méfait, The Autophagous Reign, trônant dans un coin du merch'. Et là, tu rentres, tu te passes le bousin au calme chez toi et tu n'espères qu'une chose : que tes voisins ne viennent pas frapper à ta porte. La porcelaine du bar du coin de la rue, on s'en contrefiche un peu mais lorsqu'il s'agit de ton appart' qui pourrait être dévasté, c'est un peu une autre paire de manche. Pire, s'il s'agit de la vieille rombière du rez-de-chaussée qui aurait l'audace de venir tambouriner pour quémander de baisser le volume, un uppercut pourrait très aisément se perdre avec un tel fond sonore. On retrouve dans The Autophagous Reign tout ce qui faisait la réussite d'une prestation sur les planches : c'est comme si les enceintes crachaient littéralement une meute de fauves qui sauteraient à la gorge de sa proie. A comprendre, de la fureur et de l'agressivité à pleine balle qui te prennent directement à la jugulaire. Et ce n'est pas parce qu'il y a deux ou trois lignes de piano en début et fin de « Memorial In Vivo » qu'il faut avoir l'impression de passer à de la musique de chambre. C'est toujours bourrin et ce n'est jamais fin. Mais putain que ça reste jouissif et intense tout de long en toute circonstance. L'efficacité et le sens du groove qui fait toujours mouche également. C'est qu'en y regardant de plus près, on pourrait se demander si Mortuary ne serait pas comme un père spirituel caché pour Benighted, tant l'on y retrouve le même genre de vibes, le côté schizoïde en moins.

 

Mortuary a l'audace de montrer aussi que ce n'est pas parce qu'on a de l'âge qu'on est forcément bon pour la casse. Au contraire, il retire de son cursus de la bouteille et une pleine maîtrise de ses moyens. Rien à voir avec une bande de pépés séniles bons pour l'hospice. Au contraire, The Autophagous Reign nous prouve que leurs géniteurs nous enterreront sans doute tous. Il n'y a qu'à voir l'urgence d'un « Recycled », agression gratuite pure et simple, pour s'en convaincre. Mais par-delà de la brutalité, il y a aussi le facteur savoir-faire qui rend la galette aussi impressionnante : les exercices de solos sont expédiés avec une efficacité heavy (ou thrashy de la vieille école) confondante et les petits breaks jouant sournoisement dans les variations, quitte à briser les genoux et surtout sortir des carcans death ne manquent pas. C'est que les mecs doivent leur bonne conservation grâce à quelques petites influences thrash, black, voire hardcore, donnant ainsi à leur répertoire une certaine fraîcheur. Le fait d'avoir une production tout droit issues des terres de l'est, à savoir la Pologne au sein d'un studio à qui l'on doit de belles frasques de Vader ou encore Behemoth, entre autres, renforce d'autant plus ce dernier constat. Et ne rend le propos que d'autant plus net et percutant, comme si ces vieux briscards entraient (enfin) dans la cour des grands. Fini l'underground qui bave, bonjour le beau son des pros. Plus qu'à espérer que ce The Autophagous Reign d'une qualité et inspiration surprenantes vis-à-vis d'une telle longévité de carrière – trente ans, quasiment mon âge tout de même ! – ainsi que sa récente union avec une structure plus établie (XenoKorp) hisse Mortuary à la place qu'il mérite. Dans la cour des grands donc. Avec des superficies autrement plus adaptées à leur profil de mastodonte. C'est qu'on n'a pas à laisser Mortuary dans un coin, bordel !

photo de Margoth
le 06/02/2020

1 COMMENTAIRE

cglaume

cglaume le 06/02/2020 à 12:54:53

Utiliser Dirty Dancing pour parler de Mortuary, je dis oui !!! :)

AJOUTER UN COMMENTAIRE

anonyme


évènements