Myrkur - Mareridt

Chronique CD album (38:19)

chronique Myrkur - Mareridt

Une nana qui a fait de la pop. Une nana qui a joué les mannequins pour Chanel et diverses couvertures de magazines. Cette même nana annonçant monter un nouveau projet musical centré autour du black metal. Bien entendu, il n'en fallait pas plus pour faire s'élever toute la connerie des trve blackeux qui, dans un souci de conservatisme, entremêlent railleries et menaces de mort. Une chance que tout le monde ne soit pas aussi zélé car cela fait belle lurettes qu'on aurait jeté ce genre d'idiots au bûcher en les affichant avec une croix gammée insérée dans un pentagramme sur la poitrine. C'est qu'une petite inquisition d'hurluberlus bousillant toute l'image d'un style musical pourtant riche, ouvert et laissant un champ de possibilités folles ainsi que de toute la communauté gravitant autour, ça ne ferait peut-être pas forcément de mal...

 

Après, ils peuvent toujours jouer les mécontents mais les faits parlent pour eux : Amalie Bruun a fondé Myrkur et malgré tout « le démérite » de la manœuvre, Garm (Ulver) a quand même suivi la demoiselle dans ses balbutiements sans broncher en tant que producteur. Bon, en même temps, c'est une femelle, nul doute qu'elle a dû coucher pour y arriver diront les mauvaises langues de serpent frappés de misogynie mal placée. A dire vrai, on s'en branle un peu car on se penchera uniquement sur le résultat. M a déboulé en 2015, imposant un mélange improbable entre pop éthérée et black metal cradingue, foutrement anarchique dans sa distillation et placement, passant continuellement du coq à l'âne abruptement. Et pourtant, il s'en dégageait quelque chose d'un point de vue émotionnel faisant qu'on pourrait parler de « diamant brut » expérimental qui n'attendait que d'être poli. Mausoleum, galette live, sortie l'année suivante, montrait un autre exercice de style, en reprenant le recueil de M et de l'EP éponyme (2014) en retranchant complètement toute notion de black metal. Des titres qui prennent une dimension religieuse allégée au maximum via une interprétation acoustico-capella de cathédrale. Là encore, pas inintéressant, même si tout le côté païen présent dans le répertoire de base donne comme un petit goût délicieusement blasphématoire dont il appartiendra à chacun de le juger comme plaisir coupable ou véritable péché.

 

Si Mausoleum n'a pas été suffisant afin que les black metalleux les plus « intègres » lâchent le morceau, Myrkur nous livre aujourd'hui un nouvel argument afin qu'on lui fiche définitivement la paix avec Mareridt. Dans ce second album, on quitte totalement les sphères black dans son sens le plus strict, autant dire que les débats n'ont plus forcément lieu d'être et l'on pourra sans peine accuser les plus hargneux d'acharnement totalement gratuit. Non, il faut voir en Mareridt, un opus tournant autour de la pop éthérée atmosphérique en premier lieu. Entrecroisant souvent le chemin du folk et parfois la véhémence du black metal, deux composantes uniquement présentes en toile de fond par simple souci de couleur. Voilà d'ailleurs peut-être ce qui explique en grande partie la différence de perception avec le compatriote Winter des Eternels dont je vous recommande chaudement la lecture de sa chronique, tant ses reproches – loin d'être déconnants – pourraient donner une évolution potentiellement intéressante au projet d'Amalie Bruun si des fois elle venait à le prendre au mot.

 

Pour cette seconde monture, la demoiselle a également changé de producteur, s'amourachant maintenant de Randall Dunn (Wolves In The Throne Room) lui ayant concocté un son bien plus propre que sur son prédécesseur, permettant de se délecter pleinement de l'émotion foisonnante. C'est tout l'enjeu de Mareridt : mettre en musique des émotions avec une sensualité toute féminine. Amalie Bruun nous conte ici ses cauchemars, à mi-chemin entre la réaction à chaud et à froid puisque basé sur des prises de notes concoctées au réveil, période où le recul et la phase d'interprétation n'ont pas entièrement englobé les sensations brutes. Le format court des titres renforcent pleinement le support, faisant davantage penser au déroulement d'un patchwork de pages de journal intime plutôt qu'un véritable voyage introspectif.

 

L'approche typiquement féminine rappellera d'une certaine manière certains travaux de Liv Kristine. A la différence que si la Norvégienne se complaît à partir dans des délires sombres et romantiques, très victoriens dans l'âme, la Danoise préfère aborder la thématique du sombre par un côté torturé. Liv Kristine montrera la rose dans son ensemble en appuyant le côté floral, Amalie en montrera principalement les épines et ses pétales fanées tombant au sol. Les épines par les quelques emballements de machine qui lorgnent vers un black d'écorché vif tout en retenue (« Måneblôt », le pont de « Ulvinde », le riff principal de « The Serpent » et d'« Elleskudt »), les pétales par la mélancolie languissante (« Crown », « Ulvinde »...). La complicité de Chelsea Wolfe (« Funeral ») renforce d'autant plus la féminité de l'ensemble et impressionne par une alchimie naturelle désarmante, telle la réunion de deux alter-egos complémentaires. Mais par-delà d'un côté dépressif omniprésent, Mareridt nous conte également ces quelques moments de lucidité combative, principalement mise en forme par le côté pagan/folk typiquement scandinave (« Gladiatrix », « Kætteren ») pouvant rappeler les approches folk contemplatives d'un Falkenbach. L'utilisation d'instruments traditionnels renforce comme une image de quête de soi-même dans le retour aux racines, même si le mal psychique, prenant presque des airs psychotiques, n'est jamais bien loin dans ces tentatives de lutte (« Børnehjem » et cette voix trafiquée rappelant Yolandi de Die Antwoord).

 

Si Winter trouvait l'évolution plutôt fainéante, je la trouve au contraire plus que décisive : si au final, Mareridt n'apporte pas foncièrement d'éléments musicaux nouveaux par rapport à M, ce second opus apporte un sérieux équilibrage dans la recette. Les divers aspects s'enchevêtrent et donnent un ensemble homogène et extrêmement harmonieux, ce qui manquait cruellement dans M. Ce qui hypnotise et fascine d'autant plus l'auditeur. Certes, il reste encore énormément à faire en terme d'évolution – et l'on sent pertinemment qu'on approche énormément du fantasme d'Amalie de sortir un album purement folk – et la marge de manœuvre est d'ailleurs très vaste. Mais quoique l'on pense du personnage, que l'on soit acquis à sa cause ou non, Mareridt enfonce d'autant plus le clou que Myrkur possède une aura musicale et artistique très particulière, à l'instar d'Ulver, Alcest ou encore Dead Can Dance, que peu peuvent se targuer de posséder.

 

NB : C'est assez rare que je souligne ce fait mais quitte à investir dans la galette, n'hésitez pas à lui préférer son édition deluxe comprenant quatre titres bonus, très loin d'être des chutes de studio insignifiantes, même si leur éviction s'explique par leur côté hors-sujet. Notamment « Kvindelil », second duo avec Chelsea Wolfe, où la collaboration s'avère d'autant plus convaincante que celle présente sur l'album classique.

photo de Margoth
le 04/11/2017

5 COMMENTAIRES

Xuaterc

Xuaterc le 04/11/2017 à 11:54:52

Nettement meilleur que le premier en effet, que je trouvais chiant comme la doc technique d'un Fixie (pourtant la présence de Garm m'avait appâté).
Sympa de voir la comparaison avec Die Antwoord, je ne suis pas le seul à le penser du coup.

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 04/11/2017 à 12:27:29

"cela fait belle lurettes qu'on aurait jeté ce genre d'idiots au bûcher en les affichant avec une croix gammée insérée dans un pentagramme sur la poitrine" : yeah l'idée du siècle !!!!!! Sinon très bonnes chro pour un album très moyen.

cglaume

cglaume le 04/11/2017 à 13:24:06

C'est beau ces jumelages inter-webzines :D

Xuaterc

Xuaterc le 04/11/2017 à 14:42:01

https://images.duckduckgo.com/iu/?u=http%3A%2F%2Fimages6.fanpop.com%2Fimage%2Fphotos%2F33300000%2FGoten-Trunks-Fusion-dragon-ball-all-fusion-33379377-855-482.png&f=1

Margoth

Margoth le 07/11/2017 à 09:54:55

Non, Xuartec, tu n'es pas le seul à avoir perçu du Yolandi dans le traitement de la voix et j'ai cru entrevoir sur un autre webzine après rédaction que cette chronique qu'un autre chroniqueur en avait fait mention également ;)

Je me disais bien Cromy que tu n'aurais pas pu t'empêcher de réagir à ma petite boutade d'introduction (mais au moins, ça m'a permis de faire débarrasser le plancher à ces quelques rares personnes dans ce délire qui entachaient ma liste d'amis fesse-de-bouc, ça a été très utile !).

Lapinou, ça commence par de la mention et ça va finir en échange inter-webzines, faut se méfier ;)

AJOUTER UN COMMENTAIRE

anonyme


évènements

  • Devil's DAY #2 à Barsac (33) les 18 et 19 mai 2024
  • Bongzilla + Tortuga + Godsleep à Paris, Glazart le 14 mai 2024
  • Seisach' metal night #5 et les 20 ans de COREandCO !
  • Seisach' metal night #5 et les 20 ans de COREandCO !