Nine Million Witches - The Rapture

Chronique CD album (31:34)

chronique Nine Million Witches - The Rapture

« BB Brunes, c'est le renouveau du rock ! »

 

Je ne sais pas pourquoi mais même une décennie plus tard, je ne peux m'empêcher de rigoler de cette annonce prophétique de ce cher Philippe Manœuvre. Et le pire, c'est que malgré le fait que cette vague rock juvénile bobo parisienne s'est éteinte, il trouve encore matière à s'en défendre : « On s’est fait taper par tout le monde. Des gros connards dont le boulot est de casser ont trouvé que c’était scandaleux, mais ce sont des gens qui n’aiment pas le rock. ». Dit le mec qui a cassé du sucre sur le dos de groupes tels qu'AC/DC ou Queen à l'époque pour mieux sucer leurs boules maintenant qu'ils ont bénéficié d'un succès vertigineux et d'un statut de légendes plus ou moins vivantes. Dit le mec pour défendre une mode éclair qui n'aura duré que deux ou trois ans sans laisser de vives empreintes artistiques, signe éminent qu'elle était creuse, superficielle... Merdique en somme. Alors, mon petit Philou, après toutes ces déchéances, qui n'aime pas le rock au final ? Mais promis, mon boulot n'est pas de casser, je n'en touche (malheureusement) aucune contrepartie financière. Même si je prends un malin plaisir à malmener ce clown injustement estimé, là où je veux en venir, c'est qu'il aurait mieux réfléchi et montré plus de pif, il aurait attendu une dizaine d'années de plus pour porter une scène rock française aux nues. Surtout s'il ne se focalisait pas forcément sur la capitale car chacun sait que toute ville provinciale, voire trou paumé de cambrousse, peut héberger de grands talents.

 

Car Philman aurait attendu, il aurait découvert des combos tout aussi accessibles et radio-friendly mais pourvus d'une véritable substance. Bon, c'est vrai que ça fait bien longtemps que les mecs qui les composent ont passé la barre des quinze printemps. Comme quoi, la maturité peut être important dans l'équation. Parmi tous ces prétendants, il aurait pu s'attarder sur le cas des Normands de Nine Million Witches (ou 9MW pour les intimes). Tant mieux pour ces derniers car je doute qu'être affilié à Manœuvre soit super flatteur. Tant pis pour lui, The Rapture, leur premier rejeton long format, a de toute manière trouvé grâce aux yeux d'autres figures médiatiques comme Zégut par l'intermédiaire de RTL2 ou encore Charlélie Arnaud via RockHard. Et il faut reconnaître que c'est autrement plus louangeur.

 

Premier fait notable : tous ceux ayant investi dans leur premier EP éponyme se réjouiront de ne retrouver aucun doublon dans The Rapture. C'est sûr que ce n'est qu'un détail mais c'est toujours sympa de voir qu'un EP peut être considéré comme une simple carte de visite, un avant-goût de la suite et non d'un maxi-single dont on en recyclera avec fainéantise les trois quart. D'autant plus que les bougres se sont montrés fort canaillous : si les bases du style de Nine Million Witches étaient posées, The Rapture enfonce le clou non sans surprendre son monde. Et l'on ne peut que s'en enthousiasmer davantage.

 

Né, je le rappelle pour ceux qui prennent le train en marche, dans les cendres de Last Barons, les frères Landeau n'ont pas oublié la caractéristique la plus importante de leur première entité. A savoir jouer sur la fusion d'influences diverses pour en faire un ensemble somme toute homogène, souvent cohérent, parfois plus surprenant. Pas étonnant que les frangins aient conservé cette même approche quand ils ont abordé ce premier album. Pour Nine Million Witches, ils ont toutefois revu la sauce autrement : c'est vraiment sur le côté temporel que la musique du groupe aime à jouer. Mêler et entremêler les différentes époques du rock, des plus vieilles fondations à des sonorités et rythmiques plus actuelles. Au fil des titres, voire carrément au sein d'un même titre. Le tout servi de façon équilibré et cohérent vu que l'écoute de The Rapture passe comme une lettre à la poste d'une traite. Sans que notre esprit vienne à se dire que Nine Million Witches nous a tissé là un patchwork grossier et mal digéré.

 

Ce n'est pourtant pas faute de varier l'esprit de ses titres, allant du plus rockabilly (« The Rapture » duquel on collerait à merveille une perruque banane à ses interprètes) au plus moderne (« Ready For The Night » qui ne dénoterait pas trop dans le répertoire d'Arctic Monkeys) en passant par le blues (« Monster » faisant écho au registre le plus bluesy d'Alice Cooper). Et pourtant, les sorcières ont invoqué une araignée capable de tisser des toiles intelligemment. A force d'association d'éléments secondaires issus d'époques et mouvements différents, on obtient un canevas solide où l'on peut se permettre de varier sa composante principale sans que cela ne vienne chatouiller les oreilles de l'auditoire de manière désagréable. Nine Million Witches réussit un pari risqué : proposer un résultat très easy-listening et radio-friendly en mettant en lumière très peu d'éléments fluides de façon assez marquée pour qu'ils prennent le pas sur l'attention, tout en conservant une toile de fond subtile et plus complexe qu'il n'y paraît. C'est ainsi qu'on peut discerner en écarquillant les oreilles bien d'autres influences : le stoner à la Kyuss et Queens Of The Stone Age (les guitares de « How Long ? » ou encore de « Drop Ur Gun »), la new wave (la dernière partie de « Drop Ur Gun » faisant penser à Depeche Mode période Songs Of Faith And Devotion) et même metallique (le riff principal de « Soon ! They're Coming ! » ramène directement à un « The Beautiful People » de Marilyn Manson). Et bien entendu, il ne s'agit là que d'une liste non exhaustive.

 

Alors, tu vois mon petit Philou, je t'ai dit que je pouvais te dénicher du substantiel. Même s'il est fort probable que je n'aime pas le rock. Roooooh allez, fais pas la gueule Philou, ça ne fait qu'un scandale de plus ! Et puis, honnêtement, j'ai beau cracher, ne change surtout pas, ce serait dommage de voir disparaître une telle source de divertissement. Et vers qui pourraient se tourner ces pauvres gamins décérébrés et artistiquement puérils pour trouver illusion de gloire dorée ? Ce serait quand même dommage de les priver de la pente descendante du désespoir lorsqu'elle arrive aussi vite qu'elle a été gravie... Pendant que tu te charges de briser les rêves de ces pauvres gosses, Nine Million Witches ne pourra s'en porter que mieux : si échelons il gravira, ce sera par la force de ses bras et de son savoir-faire. Comme des grands. Et c'est sans doute bien mieux ainsi.

photo de Margoth
le 25/01/2017

1 COMMENTAIRE

cglaume

cglaume le 25/01/2017 à 12:30:05

Margoth se tape Philippe Manoeuvre. Comme quoi, écrire des chroniques mène à tout :D ;)

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