Orphaned Land - Sahara

Chronique CD album (58:12)

chronique Orphaned Land - Sahara

En règle générale, les néophytes émerveillés par la dernière sortie d'un groupe fraîchement découvert vont assez naturellement chercher à se procurer les prédécesseurs directs de l'album providentiel qui les a tout remué en dedans. Ceux qui se seront faits souffler par la tornade The Never Ending Way of ORwarriOR – album qui, je parie une tournée générale de lait fraise là-dessus, finira dans bon nombre de bilans de fin d'année 2010 – iront donc sans qu'on ait trop à les prendre par la main vers Mabool. Par contre peu nombreux sont les aventureux qui osent défricher la discographie de leur nouvelle coqueluche jusqu'à sa genèse, les débuts, c'est bien connu, étant souvent synonymes d'approximation, de tâtonnement stylistique, voire de n'importe quoi en pack de 24. « Core&Co Reportages de l'Extrême » se propose donc aujourd'hui d'aider les jeunes têtes blondes headbangueuses à partir à la découverte de Sahara, premier album d'Orphaned Land portant encore le sceau du label français Holy Records.

 

Alors, cette première offrande: album de garage punk enregistré dans une cave poussiéreuse de Tel Aviv? Brûlot Trve Norvegien Black Metal répondant aux standards édictés par l'Inner Circle? Premier jet d'un cover band fanatique de Dark Tranquillity? Non non, rien de tout cela. Sur Sahara la bande à Kobi Fahri fait déjà preuve d'une maturité stylistique impressionnante et pose toutes les bases de ce qui caractérise sa musique actuelle: de longs morceaux d'un metal extrême mélodique à tendance progressive, baignant corps et âme dans de chaudes influences moyen-orientales, de l'atmosphère à l'utilisation d’éléments à haute valeur folklorique ajoutée. L'alternance chant clair – shrieks/growls est déjà d'actualité, ainsi que l'inclusion occasionnelle de chant féminin et de chœurs. Les fréquents leads et soli de Yossi apportent cette touche de piment mélodique dont la saveur continuera de parfumer les productions suivantes, et le groupe promeut déjà son message mystico-positif aux travers de textes et d'ambiances aux forts relents de myrrhe et d'encens … Bref, les fondamentaux Orphaned Land sont bel et bien là!

 

Il serait néanmoins un peu malhonnête de vous faire prendre les vessies d’une jeunesse prometteuse pour les lanternes de la maturité: Sahara contient bien évidemment des approximations et des rugosités que les années contribueront à gommer. Sur la liste des points que le groupe améliorera au cours des albums suivants figure ainsi la production, honnête, mais un peu empoussiérée par un évident trop plein de sable. Au rang des prestations individuelles, la batterie de Sami écope d’un « peu mieux faire », tout comme le chant clair de Kobi, un peu pataud, qui donne parfois le sentiment que le bougre aurait bien besoin de se lâcher un peu. Enfin, la longueur de ces fresques alambiquées qui s’étendent régulièrement sur plus de 8 minutes offre autant d’occasions à ce jeune groupe de faire quelques erreurs d’évaluation. Ainsi les breaks et autres ponts qui sont censés huiler les transitions entre les nombreux plans parsemant ces longues épopées ne sont pas toujours des plus fluides, ni des plus judicieux. Et le groupe a parfois tendance à se prendre les pieds dans des tortillons trop peu accrocheurs ou dans des tempos mollassons, comme c’est le cas sur « Blessed Be Thy Hate » ou « My Requiem » (ce dernier morceau trahissant des influences black/death un peu trop évidentes)… En même temps j’aimerais bien vous y voir, bande de vils ricaneurs, avec un album aussi ambitieux en guise de coup d’essai!

 

Surtout que le groupe ne manque pas de briller de mille feux à maintes reprises. Malgré un finish parfois un poil naïf, sur « The Sahara’s Storm » (« … Shall bring Sa-ha-ra’s Stoooooooorm!! »), « Ornaments Of Gold », « Seasons Unite » ou encore « The Storm Still Rages Inside … », le groupe assemble avec un goût certain les différentes facettes de sa personnalité et nous offre un équivalent musical des contes des Mille-et-Une Nuits, la chaleur, les mystères, les puissances occultes de l’orient éternel y étant presque aussi fidèlement dépeints que dans les aventures de Sinbad et Shéhérazade(… ne manque en fait que la touche érotique!). Et sur le format « court », les israéliens se débrouillent tout aussi bien, si ce n’est mieux. « The Beloved Crys » accompagnera ainsi idéalement vos soirées romantico-mélancoliques d’accords acoustiques délicats sur fond de cris de mouettes et du doux bruit du ressac – sombre, fragile et beau, une vraie réussite! Mais c’est sur « Aldiar Al Mukadisa » qu’est atteint la perfection – d’après moi tout au moins –, titre où l’on voit se succéder via d’habiles fondus enchaînés percussions et chants arabes rapidement repris en chœur par le groupe, puis des invectives religieuses fendant la chape de plomb d’une atmosphère oppressante et solennelle et enfin un air folklorique joyeux à base de clap clap! et de youyous, le tout finissant sur la menace d’un « Jihad! » proféré par un djinn manifestement vénère … LA grosse démonstration!     

 

Pour faire court: si vous ne connaissez toujours pas Orphaned Land, commencez tout de même plutôt par The Never Ending Way of ORwarriOR afin de vous enivrer d’orient et de metal sans qu’aucune tâche ne vienne contrarier votre périple musical. Et si vous avez apprécié ce dernier album, sachez que vous pouvez vous plonger sans crainte dans l’ensemble de la discographie du groupe, y compris dans Sahara, l’écoute de cette galette étant tout sauf une traversée du désert! Pour une fois, 1er album n’est clairement pas synonyme de « brouillon mal branlé », d’autant que comme au sein de chacune des livraisons du groupe, vous y trouverez des perles, et vous vous rendrez vite compte qu’il n’est pas besoin d’être un fan fétichiste et exhaustif pour prendre son pied à son écoute. Allez, tout le monde à dos de dromadaire, et plus vite que ça!

photo de Cglaume
le 04/07/2010

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