Rejectionary Art - Butterfly

Chronique CD album (50:25)

chronique Rejectionary Art - Butterfly

Il suffit de jeter un coup d'œil à la pochette de Butterfly – qui nous révèle ce que le terme "papillon" évoque au duo pilotant Rejectionary Art – pour comprendre que ces gens-là ne conçoivent point les choses à la façon de Monsieur Tout-le-monde. Ou du moins pas selon les standards de René Manowar et Gaston AC/DC. En effet, là où la plupart développeraient des visions bucoliques gnangnans pleines de confrontations "Filets lépidoptérophiles Vs Volettements chamarrés", eux, tu penses: ils voient un Ent décharné candidat de The Voice et manifestement fan du Fear of The Dark d'Iron Maiden... On apprendrait au détours d'une interview que nos amis consomment des champis-pas-de-Paris que ça ne m'étonnerait qu'à moitié!

 

Du coup, pas de surprise: la musique du groupe s'avère logiquement « différente ». Oui enfin, rassurez-vous: plutôt comme Carrie que comme Forrest Gump. Avec ce que cela sous-entend d'exotisme étrange, d'occasionnels mal-à-l'aise, et de surprises venues d'un autre monde. M'enfin comme Rejectionary Art ne débarque pas de la planète XrhiD#, ils n'inventent pas non plus un langage musical reprenant tout de zéro. On n'est pas dans Premier Contact hein... De fait, nos amis assoient leur iconoclasme artistique sur une base faite de Djent, d'expérimentations Progo-Jazzy, d'accès Mathcore free style à la Iwabo, et de caresses vocales féminines qu'on croirait parfois issues de chez Akphaezya. En sachant que ces différents ingrédients ne sont pas systématiquement utilisés, bien au contraire. Cela conduit des titres pleins de spasmes tachycardiques (cf. « React ») à côtoyer de fragiles bulles de délicatesse mélancolique (cf.« Mother »)... Comme si des sourires de l'anesthésiste Anneke van Giersbergen ponctuaient les opérations neurochirurgicales menées tambour battant par le Dr Meshuggah.

 

A sauter aussi souvent d'un monde à l'autre, notre duo obtient des résultats inégaux... Ce qui signifie quand même – le qualificatif "inégal" englobant tant du Gloups que du Hell-Yeah – que Butterfly contient de vraies réussites. Parmi lesquelles « React », donc, dont la magnifique télégraphie s'appuie avec élégance sur un orgue délicieusement suranné. Alors certes, les hoquets Mathcore cassent un peu le rythme, mais à côté de ça la parenthèse funky qui se pointe vers 1:30 est assez irrésistible dans le genre WhatTheFuck. « So They Say » offre une autre des apothéoses de l'album, notamment quand, un peu avant la barre des 4 minutes, un riff monumental fait décoller le morceau vers la stratosphère et au-delà. Mais à vrai dire c'est toute la première moitié de l'album qui offre de merveilleuses compositions d'un Djent velouté – « Land of No Friends » et « Empty Hands » étant encore d'autres occasions de se pourlécher suavement les babines. Par contre c'est vrai que le groupe ne réussit pas tout à fait à éviter les travers de l'approche dandy'n'arty, ce qui ruine parfois l'impressionnant travail créatif accompli. C'est assez sensible sur « Complicated » par exemple, qui noie son feeling dans des tortillons trop revêches et des aérations à la sophistication trop peu naturelle. « Our Sorrow » s'avère un peu plus franc, mais pèche par manque d'unité, de cohérence. On ne râlera pas trop sur les pauses « Madeleines & verveine » que sont « Let it Go » et « Mother », car sans avoir à trop chercher, on peut y dénicher de vrais éclats de pure beauté... Mais scrogneugneu: nous abandonner sur des nappes chichiteuses tout juste acceptables au sein d'un interlude loungy (cf. « Remembrance »), c'est chercher la note tiède à tout prix!

 

Chargé d'autant de pépites fabuleuses que de viandages conceptualo-bobo n'offrant que peu de points d'ancrage à notre sympathie, Butterfly est comme ces masseuses qui vous emmènent au paradis quand elles vous malaxent les épaules mais qui vous font connaître l'enfer quand elles décident de réduire vos mollets à l'état de chairs sanguinolentes: on y trouve matière à s'extasier, mais également à grimacer. Néanmois, puisque c'est l'impression finale qui compte, je vous le dis comme je le pense: les hauts de cet album compensent largement les légers moments d'inconfort qu'il peut provoquer.

... Et si vous avez besoin d'une preuve que tout cela n'est pas que du blabla de fin de chro' peu inspirée, sachez que le plaisir procuré par cet étonnant papillon m'a poussé à acheter l'« album d'après ». On en reparle très bientôt, ici même...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Djent de cyborg bégayant, velouté féminin, explosions Mathcore, horlogerie Prog/Jazz... Rejectionary Art ose tout plein de mélanges audacieux au sein de ses fioles et alambics. Selon les caprices du hasard, il en sort de fabuleuses pépites incongrues, des morceaux de Prog/Djent plaisants, ainsi que certaines expérimentations retorses un peu endimanchées. M'enfin au final on ne regrette pas le détour par ce drôle de labo!

photo de Cglaume
le 26/04/2017

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