Sarin - You Can't Go Back

Chronique CD album (32:45)

chronique Sarin - You Can't Go Back

Voilà un groupe pour lequel ça gaze. Nous nous limiterons à cette boutade facile et de mauvais goût, car ce n’est pas faire honneur à Sarin et leur album qui compte parmi les claques du début de l’année 2021. Tout du moins dans le vaste monde du post metal. Alors, on va nous dire : « Encore des rejetons de Neurosis ? » Oui mais non. Le combo canadien se réclame davantage d’Isis et de Jesu. Sachant que Isis comptent eux-mêmes parmi les rejetons de Neurosis, les détracteurs peuvent rester campés sur leurs positions. Pourtant, force est de constater que le jeu des comparaisons s’avère rapidement caduque, tant Sarin sait proposer son propre univers. Il suffit d’écouter « You can’t go back » pour s’en assurer. Le constat n’exige guère de temps : 6 titres, relativement courts, le plus long plafonnant à 8 minutes. On l’aura compris, on ne peut leur appliquer la règle des 3L : long, lent, lourd. L’opus ne répond qu’à 2 des critères de ladite règle. Sarin ne se perd pas en chemin, n’épuise pas le riff, contrairement à la plupart de ses aînés. D’ailleurs, sa musique ne s’encombre pas de circonvolutions. Témoin, le titre d’ouverture, « Cold open », construit sur à peine plus d’un riff. Tassé sur 4 minutes. Ici, on va droit à l’essentiel. Pour le reste, les amateurs du genre se trouvent en terrain connu. La voix se veut caverneuse, le chant rampant, les riffs lourds et gras. Du tellurisme de bon aloi propre au genre.

 

Mais si les Canadiens ne s’aventurent pas dans des structures complexes, leur musique ne se montre pas pour autant famélique. Dès le 2e titre, l’album s’enrichit. De passages plus aérés, de mélodies (coucou, le solo bienvenu), d’un sursaut de tempo, de saccades plus viriles que sur le titre d’ouverture. En 6 titres, il convient de convaincre. L’album gagne son pari. Sans s’égarer dans moult ambiances qui risqueraient de le faire partir dans tous les sens, mais sans se vautrer dans des répétitions risquées, l’opus explore néanmoins diverses facettes de l’univers qu’il déploie dans nos oreilles, tout en équilibre. L’ensemble s’avère lourd, on le comprend dès les premières notes, et il le restera. Mais il s’agrémente de passages plus éthérés. Tout en équilibre. Les trouées mélodiques ne dévoilent pas un espace infini d’éther, mais permettent de doser la lourdeur ambiante. Ça donne une impression de simplicité, à la première écoute, mais c’est bien plus subtil qu’il n’y paraît. Les jaillissements de fureur sauvage se montrent alors naturellement amenés.

 

C’est sans doute dans ce savant dosage de la lourdeur que réside l’intérêt de cet album. Sarin ne cherche pas à atteindre les extrêmes, mais oscille constamment entre coulées de lave en fusion et éclaircies voilées. Une fois cet équilibre atteint et bien compris de l’auditeur, il se permet de lâcher la bribe, avec un instrumental de haute volée qui prend aux tripes. « Thick mire » démarre avec une démarche pachydermique, et monte en puissance, par paliers. Sans atteindre une vitesse extrême, il gagne en puissance, s’accorde une pause pour un final infernal. La frustration, à la fin des 5 minutes, participe du plaisir engendré par le titre. Frustration comblée par le titre de clôture, qui, en 8 minutes et une économie de chant, s’accorde davantage de complexité dans sa structure et ses arrangements.

 

En clair, Sarin livre un album parfaitement équilibré, peut-être trop court et partant, un tantinet frustrant, on aurait aimé que le plaisir perdure, que l’exploration se poursuive. Sa musique ouvre des portes, pose un pied sur le perron, mais reste sur une ligne globale, droit dans ses bottes. Cohérent de bout en bout, il circonscrit l’exploration de son album à un périmètre restreint, enfermant l’auditeur dans un mélange de torture jouissive et de frustration délectable. En cela, « You can’t go back » compte parmi les bonnes surprises de 2021. Si on ne peut revenir en arrière, comme nous le suggère le titre, on peut au moins relancer l’album pour combler sa trop courte durée.

photo de Moland Fengkov
le 26/03/2021

1 COMMENTAIRE

Seisachtheion

Seisachtheion le 26/03/2021 à 20:52:43

De la bonne came 

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