Sec - L'aventure Complète de George Gallamus

Chronique CD album (69:35)

chronique Sec - L'aventure Complète de George Gallamus

Les groupes de nawak envahissent de plus en plus le paysage musical, c’est pas le lapin jaune qui me contredirait ou qui s’en plaindrait (ni moi d’ailleurs). Il faut dire que les influences des grandes frères (Mr.Bungle & Co), l’époque et les possibilités techniques s’y prêtent complètement. N’importe quel groupe peut aujourd’hui ajouter une ligne de gamelan (sans doute l’instrument le plus complexe au monde) dans un de ses morceaux, enchaîner une ligne de batterie funk avant un bon gros blast des familles.

En revanche, on peut se poser la question de la distinction entre le vrai groupe de nawak et le faux groupe de nawak. Je ne vous ferai pas l’affront de mal reprendre un sketch trop connu de comiques inconnus mais il est certain qu’il y a souvent confusion entre “nawak” et “fusion”. Je ne vais pas me lancer dans une théorisation pompeuse (et pompée) sur la différence entre ces deux étiquettes.

Cependant, ce que je peux vous assurer, c’est que quand SEC revient avec L'aventure Complète de George Gallamus, il donne au nawak ses véritables lettres de noblesses et se meut tel le représentant fringant du dadaïsme musical où l’expérience tonale devient acousmatique, faire-valoir de la folie de deux musiciens et cabinet de curiosité pour leurs saugrenus concepts.

 

L'aventure Complète de George Gallamus, ce n’est donc pas une simple succession de morceaux. C’est, comme son nom l’indique, une véritable aventure qui se vit de manière complète, une oeuvre monolithique, un chaos ordonné et logique dans sa folie.

On nous y conte le périple de George Gallamus, sorte d’Alice moderne traînant ses guêtres et son paquet de tabac dans un pays pas si merveilleux obéissant aux lois d’un espace temps déformé par la musique de SEC. Elle va se baigner en montagne, arrêter une horrible machine à saucisses de basse qualité (avec un bouchon de liège, évidemment), s’opposer au roi des sangliers qui maîtrise le ju-jistsu et encore bien d’autres choses tout aussi foutraques. Le tout en français dans un style plus proche de la prose, voire de l’écriture automatique que de la poésie.

A noter que chaque titre dispose d’une pochette dédiée et illustrant la scène dont il est question. Ca n’est pas toujours très beau graphiquement mais toujours complètement raccord avec le concept et l'histoire racontée.

 

Quant à la musique de ce dernier album de SEC, difficile de la décrire avec exactitude. Oubliez les guitares, prenez une basse à la Thunderbolt, mettez y une grande louche de mélodies débridées des carcans normés de l’harmonisation, incorporez un ou deux gros godets d’une batterie digne d’un Dale Crover sous ecstasy, ajoutez ça des élucubrations vocales dignes d’un Stupeflip en moins acide et vous avez une image à peu près correcte du tableau. Une image correcte mais simpliste. Car SEC est incapable de se contenter de proposer des morceaux aux structures classiques, ici, elles sont complexes, fourmillent d’une myriade de détails et n’ont absolument aucune limite stylistique, aucun interdit artistique. Une pont de batterie de 4 minutes? C’est possible. Des choeurs style chants d’églises? C’est possible. Des samples de bruits de pas dans la forêt? C’est possible. Des passages éthérés à la Kusturica? C’est possible. 

Mais comme on devine des musiciens qui maîtrisent leurs instruments et les règles d’écritures musicales, les morceaux bien que déconstruits conservent malgré tout un excellent niveau d’audibilité. C’est spécial, barré, taré mais largement écoutable. D’autant plus que le mixage est plutôt agréable et propre.

 

Le revers de la médaille, c’est que dans ces 70 minutes de folie acoustique, il y en a qui passent plus lentement que d’autres et d’aucuns trouveront que certains morceaux aurait mérité un poil plus d’écrémage là où ils sont plutôt enrichis en beurre, en fromage, et si on cherche bien, il doit même y avoir le slip du crémier.

 

Si l’on ne peut que saluer l’originalité totale, l’intention, la qualité de la production, la complétude de l’oeuvre, le délire assumé, il n’en reste pas moins que L'aventure Complète de George Gallamus est un album éminemment conceptuel. Il doit se juger et s’écouter comme tel. Mais à la différence de certains qui accrochent des bananes au gaffer sur un mur ou font leurs besoins dans des boîtes de conserve, le propos fait sens immédiatement et est l'expression musicale parfaite de l'agréable délire savant de deux fous heureux, exposé aux oreilles de tous et dans lequel on se plaît à se laisser emporter.

 

On aime: totalement unique, le délire, des vrais musiciens qui réussissent parfaitement à déconstruire la musique.

On n’aime pas: peut-être un peu trop barré pour certains.

photo de 8oris
le 13/05/2020

1 COMMENTAIRE

Xuaterc

Xuaterc le 13/05/2020 à 16:22:13

Un album passionnant qui est passé entre mes oreilles mais que je n'ai pas chroniqué par manque de temps. Merci Boris de l'avoir mis en lumière

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