Soyuz Bear - Black Phlegm

Chronique CD album (33:42)

chronique Soyuz Bear - Black Phlegm

On dit que dans le Sud, le temps bien plus ensoleillé et les autochtones suivent ce même état d'esprit en parallèle : conviviaux, chaleureux, etc... Et comme Toulouse, c'est le Sud, on pourrait se dire que c'est la même. Oui, le Sud... Parce qu'il n'y a pas de raison que seuls les Marseillais détiennent le monopole de l'exagération en clamant haut et fort que tout ce qui est au-dessus de Aix-En-Provence, c'est le Nord. Voire Aubagne pour les plus intégristes. Donc, Toulouse, c'est le Sud, vu que c'est quand même pas mal en-dessous de la Bretagne, cela paraît logique. Et ce n'est pas les groupes de metal qui ont émergé de cette ville qui iront prétendre le contraire : quand tu vois des Enhancer, des Psykup ou des Sidilarsen, c'est quand même furieusement groovy et ça t'incite à bouger ton boule. Même Manimal détenait un petit quelque chose de délicieusement remuant en toute gaieté. Bref, ils apportent une bonne image, toute bright, toute fraîche, toute sympatoche que l'on pourrait aisément généraliser sur toute la population. Jusqu'au jour où tu tombes sur les mecs de Soyuz Bear et tu te dis que Toulouse, c'est aussi bling-bling que les villes balnéaires méditerranéennes pour richous et bobos. Quand tu grattes sous la belle vitrine, tu vois les autres : les ours mal léchés, malsains, puants et haineux pour qui la vie est une douce torture, surtout en société. Soyuz Bear fait clairement partie de ces reclus silencieux buvant leurs canettes de 8-6 sous les porches sombres et nauséabonds quelque part entre le centre-ville et banlieues HLM blindées de racailles en pyjama-survèt'.

 

Enfin, ils étaient silencieux plutôt puisqu'ils ont décidé de faire des concessions sur leur misanthropie afin de vivre l'aventure d'un groupe de musique en 2012. Après un premier EP, voilà qu'ils nous livrent enfin leur véritable premier album, Black Phlegm. Et si l'on devait vraiment résumer tout ce que représente ce premier méfait en une phrase, ce serait bien celle-ci : « l'être humain, c'est vraiment de la bien grosse merde ». Autant dire, évitez l'écoute de Black Phlegm de bon matin, ça pourrait vraiment vous foutre en boule pour toute la journée. Genre, cette mauvaise humeur furieusement rageuse qui vous fera tuer votre boss en lui fistant les fesses afin de le pendre avec ses intestins tout en oubliant tous les traités de cordialité tacites que l'on signe avec tous ces connards de collègues qui ne se lassent pas d'emmerder notre quotidien juste par leur existence (quand ils l'ouvrent, on n'en parle même pas). Pour finir à débouler à 200 à l'heure à contre-sens sur l'autoroute en sifflant cul-sec le bon magnum de Label 5 des familles. Et si l'on a l'audace de s'en tirer, on peut même se permettre une visite à sa famille, la vraie. En grandes mandales bien placées, histoire de leur favoriser la circulation sanguine et les faire arrêter de chouiner. C'est qu'une femme et des gosses, ça ne sert à rien après tout, à part t'enfermer dans une routine de merde en société, en plus de te casser les couilles à la maison.

 

Grosse ambiance, donc, que ce Black Phlegm proposant un doom/sludge bien rampant, dans la droite lignée d'Eyehategod avec un chouïa de Dopethrone et d'Electric Wizard. Aucun sens du positivisme, ça mouline, ça gerbe, jusqu'à finir par baver dans le coma éthylique. Tout n'est ici que déjection de l'espèce humaine qui ne mérite aucune forme de salut. Et vraiment, dans ce registre, Soyuz Bear s'en tire joliment ! Certes, il n'invente rien et reste dans les bottes de ses influences mais les Toulousains font partie de ceux qui parviennent à le faire bien, de manière viscérale. D'autant plus que la prod' s'avère aux petits oignons, cradingue tout en conservant une certaine clarté en terme de mixage. Souvent minimaliste, lourde et lente (« Black Phlegm », « Dying People », « Swollen »), la machine s'emballe parfois de manière bienvenue (« Human Vanity », « Scrub »), tandis que « SWTVM » s'impose comme un morceau transitoire bruitiste et noisy plutôt malaisant. De la même manière que l'atmosphère qui se dégage de ce disque qu'il faut juger dans son ensemble, pouvant même parfois faire penser que l'on se retrouve face à un seul morceau d'un peu plus d'une demi-heure au vu de l'homogénéité renforçant cet état de mauvaise transe imbibée. Où l'on ne fera que ruminer, hypnotisé, toute notre haine inconsciente envers notre existence, la société et l'espèce humaine en général. D'une manière si languissante qu'elle en devient profondément frustrante. Car même si le rythme décolle parfois, jamais Soyuz Bear n'éclate la frontière de la folie meurtrière.

 

Écouter Black Phlegm, c'est un peu se mettre dans l'état de frustration de l'attente et planification d'un tueur en série avant son véritable passage à l'acte, ce moment démuni avant le plaisir de force. Une frustration, certes, mais paradoxalement exaltante. Le disque a beau s'étaler sur moins de 35 minutes, on n'en redemandera pas de rab : l'intensité est là et s'avère bien assez éprouvante avec cette modeste durée. Bref, Soyuz Bear s'avère être une bonne surprise et découverte de cette année 2017 (arrivant malheureusement après la rédaction du top/flop annuel). Même si l'on n'ira sans doute pas danser la rumba avec eux dans les discothèques toulousaines.

photo de Margoth
le 22/01/2018

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