Trauma - Suffocated in Slumber

Chronique CD album (40:58)

chronique Trauma - Suffocated in Slumber

Il fut un temps où les seuls conseils valables en matière de gros son poilu provenaient des magazines et autres fanzines qui vous tombaient sous la main. CoreAndCo, Bandcamp, Facebook n’étaient alors référencés par aucun moteur de recherche – Lycos et AltaVista n’étant alors pas même des concepts dans l’esprit de leurs futurs fondateurs ** Oui, je suis vieux et je t’emmerde! (toujours contrebalancer une phrase qui commence au passé simple par un zest de violence gratuite) **. En ces temps à présent révolus, l’animal qui vous cause par microprocesseurs interposés tenait une liste de tous les albums dont il avait lu une critique élogieuse, histoire que ceux-ci ne se perdent pas dans les abymes de l’oubli et qu’il puisse sauter dessus à pieds joints dès lors qu’il croiserait leur route au détour d’une foire à la brocante, d’une virée au Virgin Megastore des Champs Elysées, ou lors d’une incursion dans le magasin O’CD du coin.

 

Si la présente chronique commence par ce préambule typé « Radio Nostalgie », ce n’est pas un hasard: Suffocated in Slumber a figuré sur la liste susmentionnée. C’est que, si le disque dur qui loge quelque-part dans ma boîte crânienne n’est pas trop fendillé, Metallian avait dû accorder les fameuses 6 bombinettes à ce 2e opus des Polonais de Trauma. Déjà chauffé par le Winds of Creation de Decapitated et le Litany de Vader, je gardais donc la galette dans mon viseur, au même titre que le Satanica de Behemoth et le Murder's Concept de Yattering. Dieu que la Pologne et les studios Hertz semblaient accueillants en cette lointaine époque où l’on ne parlait ni de plomberie européenne, ni des frères jumeaux Kaczyński! Alors vous pensez bien que quand la fameuse double poignée de vermisseaux qui orne la pochette est passée à proximité de mes pognes, il aurait été dangereux de se mettre entre elle et moi!

 

… Sauf que le problème, quand on a mijoté aussi longtemps à feu pas forcément doux et pas loin d'une vingtaine d’années se sont écoulées, c’est que le contexte, les attentes, les goûts, les critères d’appréciation ont évolué. Du coup, je ne sais pas si j’aurais été plus enthousiaste à l’époque, mais dégusté en 2018, cet album – s’il ne démérite ni ne déçoit franchement – n’a pas tout à fait le goût des classiques intemporels. Doté d’une production tout à fait honorable quoiqu’un brin râpeuse, Suffocated in Slumber est typique du Death Metal à la Polonaise, à la fois prolo et guerrier, rustaud et vindicatif, revêtant bleu de travail et treillis vert / marron. Mais il est vrai que chez Trauma, cette coloration reste superficielle, les compos étant plus riches que ce que peut laisser percevoir une écoute distraite. L’introductif « A Gruesome Display » est emblématique de cette personnalité: derrière l’avancée implacable à grosses chenilles graisseuses, les guitares instillent d’agréables mélodies et lâchent de doux arpèges qui ambiancent l’attaque de manière assez fine.

 

Autre contrepoids discret à l’impressionnante nuque de bœuf dont on pourrait croire le groupe affublé, la basse fait de brèves mais régulières incursions au premier plan, ce qui procure une sensation de souplesse qui attendrit efficacement le blindage de l’engin. Les solos réguliers eux aussi ajoutent de l’huile au niveau de la tourelle, tout comme l’adoption de structures de morceaux souvent moins basiques que le sempiternel schéma intro-couplet-refrain-couplet-solo-refrain-byebye. Ecoutez donc « Tools of Mutual Harm »: certes ce n’est pas une création des studios Cynic, mais il y a un peu de recherche dans tout ça!

 

Démarré avec brio sur un « A Gruesome Display » qui met sérieusement en appétit, Suffocated in Slumber perd un peu en sex-appeal au fur et à mesure que se déroule la première moitié de l’album, jusqu’à un « Sallow the Murder » plus Thrash, mais pas franchement plus séduisant. Heureusement la barre se redresse (celle du navire, voyons!) sur le reste de l’opus, des saccades très Fear Factoryennes du début de « Words of Hate » jusqu’au final « … Bloodshot Eyes », qui lâche dès la barre des 2:00 une divine mosherie en guise d’au revoir.

 

Bon alors non: ce 2e album de Trauma n’est pas la 7e merveille du Metal polonais. On lui préférera d’ailleurs le très bon Imperfect like a God, sorti 3 ans plus tard. Mais cela ne l'empêche pas d’être un bon petit album de Death intelligent et pas dénué de qualités qui saura convaincre au-delà des cercles de vieux grognards fans des 90s et du début des années 2000.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: large d’épaule, rugueux, trapu, grognon, la gâchette facile, du noir « camouflage » barbouillé plein la trogne, ce 2e album de Trauma sonne très « polonais ». Il s’avère pourtant être plus qu’un simple bon soldat: un fin stratège. Et s’il ne pourra prétendre accéder à l’Etat-major des opus les plus marquants de la scène qui l’a vu naître, il reste néanmoins un officier brillant que tout colonel métalleux sera content de voir figurer parmi les bataillons de CDs stationnés sur ses étagères.

photo de Cglaume
le 08/04/2018

2 COMMENTAIRES

Ander

Ander le 22/07/2018 à 20:59:46

Un très bon album pas souvent cité quand on parle des classiques Polaks, je le trouve nettement au dessus d'un Litany par exemple! Pour le son, un bon compromis entre rudesse et professionnalisme Hertzien, de très bons soli, avec en effet une basse qui pour une fois, a son petit mot à dire!

cglaume

cglaume le 22/07/2018 à 23:40:32

J'avoue que Litany ma bien plus marqué. Après le hasard et la chronologie des rencontres discographiques joie aussi sans doute...

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