Umläut - Arunachala

Chronique Maxi-cd / EP (21:04)

chronique Umläut - Arunachala

Le concept d'album de Noël est assez classique. On a tous vu, près du gramophone de Mamie Jeannette ou au milieu des disques de Tonton Henri, ce 33 tours de Christian Morin sur lequel celui-ci invite sa clarinette et son sourire Ultra Bright dans la crèche, entre le bœuf et l'âne gris. Ou ce vieux vinyle de Patrick Sébastien qui, à l'époque déjà, faisait tourner les sapins avec le petit Père Noël en mousse. A son humble niveau, le nawakophile averti s'est lui aussi habitué aux EP de Noël, que ce soit le From Bethlehem to Oblivion de Polkadot Cadaver, ou le Under The Mistletoe de Toehider. Mais pour autant que je sache, l'EP de Pâques c'est un peu comme le split de la Pentecôte ou le maxi-single de l'Ascension: une pratique encore assez peu répandue.

 

C'est pourtant dans cette brèche innovante que s'engouffre Clinton « Bär » (prononcer bêêr, comme Edouard, et surtout comme « bear », l'ours d'outre-Manche) McKinnon, l'ex-M. Saxo de Mr. Bungle, avec son groupe Umlaüt. Du gros œuf coloré de la pochette, en passant par les titres « Easter Bär » 1 & 2 et la date de sortie fixée au 19 avril, ces vingt grosses minutes cuivrées sentent fort les cloches et le chocolat. Et il faut reconnaître que la manœuvre est la bienvenue – ce format court, ce recours à la magie de l'enfance – car pour reprendre contact avec le Monsieur, un double album au concept obscur aurait risqué de rebuter. C'est qu'on était encore tout contrarié de l'écoute de To Your Poverty Quietly Go, opus qui nous avait semblé bien timoré comparé à l'excellent premier album du groupe.

 

Première impression: damned, Arunachala reprend là où la sortie précédente nous avait laissés! Plus Jazz printanier que Nawak excité, l'EP ne convoque ni assemblée de toons hystériques, ni armée de clowns funky. Sauf que tout comme le second album avait réussi à nous décevoir sans pour autant marquer une rupture stylistique franche avec son passé, de même ce nouvel EP a beau rester dans la lignée de To Your Poverty, il réussit quand même à nous tirer de francs sourires de satisfaction. C'est que cette fraîcheur gouailleuse, cette impatience délurée, cette vivacité joyeuse nous rappellent « Don’t Pull a Mustaine Bro », le meilleur des morceaux de la cuvée 2014.

 

Arunachala, ce sont donc 6 pistes pour la plupart sautillantes et instrumentales, dont émane cette envie de croquer la pomme à pleines dents qui peut faire penser à un Snarky Puppy (oui je sais, j'abuse de cette comparaison ces temps-ci) en formation réduite, et légèrement cintré. Car les expérimentations de Bär se situent plus que jamais en territoire Jazz, mais un Jazz moderne, urbain, pêchu, un peu dégingandé, dangereux parfois, supporté par une batterie qui frappe sans gants blancs, traversé du vrombissement d'une guitare Dark Surf Rock (oui, si je veux), et qui s'ouvre à des mondes autres, différemment colorés. On retrouve d'ailleurs – « évidemment » ai-je envie d'écrire, Bär n'étant pas celui qui désirait le plus le split – du Mr. Bungle au sein de certains passages. Et dans ce registre, c'est « Telangiectasia » qui nous séduit le plus, avec son petit côté Panthère Rose mafioso, portant Borsalino et manifestant une classe sous laquelle on sent poindre une menace voilée.

 

Certains morceaux sont plus orientés musique de film – « Easter Bär 2 » un peu, après une première minute passée dans les plates-bandes de l'épisode 1, « Irony Bored » beaucoup, avec sa touche « Amélie Poulain perdue dans les brumes oniriques ». Sur « Secret Disposable bf », Bär prend le micro le temps d'un unique titre afin de crooner sous un soleil clément, sa voix s'avérant parfois si proche de celle de Mike Patton qu'on ne peut pas ne pas imaginer ce dernier interpréter le titre. Par contre on regrette un peu que les adieux se fassent sur un « Slow Melt » tout de synthé vêtu, un peu trop ambiant et trop symphonique – on est cette fois encore dans la B.O. la plus pure – qui nous anesthésie là où on aurait préféré à la place une dernière dose vivifiante de saxo frivole et de mélodies mutines. Mais il faut savoir respecter la vision du maestro, et se réjouir déjà que cet EP ait réussi à nous réconcilier avec ce « tréma allemand » dont on avait tellement aimé la première sortie (… et cet « Atlas Face » inoubliable). Alors, si Hakuna Matata était jusqu'il y a peu la formule signifiant que tu-vivras-ta-vie-sans-aucun-souci, vous pouvez dorénavant adopter à la place le crédo Arunachala, qui ragaillardit autant tout en prenant mieux soin de vos oreilles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Umlaüt est de retour, plus jazzy que jamais, avec toujours ce petit grain bunglien dont Bär McKinnon est l'éternel garant. Et la bonne nouvelle, c'est que ce court EP fait oublier la relative douche froide qu'avait été la découverte de To Your Poverty Quietly Go il y a de cela 5 ans déjà.

photo de Cglaume
le 17/06/2019

1 COMMENTAIRE

papy_cyril

papy_cyril le 17/06/2019 à 11:38:14

La pochette déchire !

AJOUTER UN COMMENTAIRE

anonyme


évènements