Zeal And Ardor - Devil Is Fine

Chronique CD album (25:00)

chronique Zeal And Ardor - Devil Is Fine

Sur le papier, certains mélanges prêtent à sourire – ou à grincer des dents, selon l'activité buccale qui sied le plus à votre sensibilité. Zouk love Vs Depressive Doom. Goregrind Vs Musette franchouillarde. Harsh Noise Vs Salsa. Gangsta Rap Vs Menuet… Peu de chance que l’on assiste un jour à ce type d’improbables hybridations musicales tant, au-delà des évidents problèmes de divergences technico-artistiques, ces genres impliquent des tournures d’esprit assez peu compatibles. C’est pourtant à ce jeu du grand-écart de l’extrême que Manuel Gagneux s’est livré quand, désœuvré et blasé, il a encouragé des internautes à lui livrer les combinaisons stylistiques les plus farfelues sorties de leur esprit. Et il se trouve que l’un des oxymores artistiques qui lui a été soumis – Black Metal Vs Negro-spirituals, mix peu crédible malgré le trompeur trait d’union lexical semblant unir ces 2 chapelles – s'est avéré être en fait un terreau aussi mystérieusement qu'incroyablement fertile.

 

Comme quoi le paradis peut être pavé de douteuses intentions. Tantôt c’est un manque de sérieux et d'entretien qui, dans un laboratoire, permet de découvrir la pénicilline. Tantôt c’est l’oisiveté et le web-trolling qui engendrent une vraie pépite musicale. Car c’est bien ce qu’est Devil Is Fine pour votre dévoué lapin-chroniqueur. Et rien à foutre des « Mouôrf t’as vu où que c’est Black ton truc? », des « Ça pue l’opportunisme et le Buzz périssable » et des « De la poudre aux yeux sans véritable fond, crois-moi! ». Allez tous vous faire caresser le rectum avec votre Trve-omètre  sauf votre respect. La musique ne se juge pas en fonction de son adéquation avec vos lunettes de soleil Police, votre bullet-belt ou votre abonnement à Télérama / New Noise / Vndergrvng Fashion Zine. Quand on écoute les 9 chapitres de l’acte de naissance de Zeal & Ardor, ce que l’on ressent c’est le froid de nuits noires à pleurer de rage le coup de fouet de trop. C’est un Django possédé offrant un membre du KKK en offrande au Grand Bouc sur fond de champs de coton en feu. C’est une Nouvelle Orléans ayant abandonné le vaudou de Grand Ma pour le satanisme d’Euronymous.

 

La base de Devil is Fine c’est donc d’un côté des chœurs « Soul » rétro, des bruits de chaînes, des fragrances de Blues originel (« Come On Down »)... Et de l’autre une trame de fond maléfique faite de quelques shrieks et de guitares aussi barbelées que la clotûre d’une cage à pandas. Et le terme « toile de fond » est utilisé intentionnellement: le Black n’est ici qu’un élément « ambiançant » qui ajoute soufre, sacrilèges et ténèbres spectrales à une mixture musicale qui sinon pourrait sembler trop digne, trop spirituelle, trop respectable. Par aileurs, outre la musique des grands perdants de la civilisation américaine (indiens exceptés), on trouve dans cette drôle de mixture de nombreuses raisons de lever les sourcils d’heureuse surprise. Un piano sobre qui trouve sa place comme par miracle dans la tourmente. Un mélange de chants sacrés et d’Electro qui rappellerait presque Necropod (« Sacrilegium I »). Une mélodie de clavier cristalline cascadant au milieu de litanies grégoriennes (« Children’s Summon »). Une boite à musique parfaitement décalée dans le contexte (« Sacrilegium II »). Une B.O. triste de fin d’« Amélie Poulain »  mais sans accordéon (« Sacrilegium II »). Les confessions minimalistes d’un tueur aux traits peu discernables derrière le nuage de fumée de cigarette qui l'enveloppe (« What Is a Killer Like You Gonna Do Here »?). Pas étonnant, du coup, qu'au détour d’une interview, Manuel ait lâché un

 

« Moi aussi, j'adore Mr Bungle. California, c'est la vie! ».

 

Pour une fois je ne vous livrerai pas la shortlist des morceaux qui tuent plus particulièrement (… et ceci pas parce que l’album ne se prêterait pas à l’exercice!): Devil is Fine doit s’écouter dans son intégralité.

 

Au-delà de tous les clivages et de toutes les chapelles, Zeal & Ardor livre ici le Guide du Routard d’un monde musical nouveau, en construisant – comme tous les pionniers avant lui – du neuf avec de l’ancien… Ceci sans perdre d’esprit l’essentiel: toucher l'auditeur au cœur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Negro-Spirituals, Black Metal, Electro, Musiques sacrées, Blues… Zeal & Ardor fait son marché dans le vaste arc-en-ciel des genres existants pour nous livrer une nouvelle façon de faire de la musique sombre qui parle aux tripes. Devil is Fine est son premier prêche, et il est plus que probable qu’ainsi armé il réussisse à remplir sa noire église de légions de fidèles…

photo de Cglaume
le 18/08/2017

4 COMMENTAIRES

Jimmy Jazz

Jimmy Jazz le 18/08/2017 à 20:49:14

Parce qu'il est l'heure de manger, j'ai du arrêter l'écoute après Come On Down. J'ai hâte de reprendre le fil. Ça m'a l'air terrible.

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 18/08/2017 à 22:02:01

Etrange ce truc... j'y croyais pas mais vais creuser ce Nekro-Spirituals...

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 12/03/2018 à 17:53:34

Avec une pelle, dans un champ, pour mettre de la terre sur la tête des planteurs de tabac et de coton et que le Grand Bouc fasse crier leur femme.

R.Savary

R.Savary le 27/04/2018 à 09:24:08

Terrible ! Fantomas+Ghost+Genghis Tron+C2C+Yann Tiersen+Johnny Cash+Darkthrone+la bo de Rosemary's Baby...

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