C'est une chro' à paraître dans la nouvelle version du webzine SupermarketRiot, bientôt en ligne...
Et puis comme je trouve ce groupe vermeilleux, pourquoi se priver de le partager?

"Vieux pourris rules. La mort pour les gagnants, la bière pour les justes !
HARVEY MILK - Life… The Best Game In Town [Hydra Head Records - 2008]
Putain de musique de vieux pourris, j’vous l’dis, moi ! Un groupe de pareils ours gris portant le nom d’un militant de la cause gay, rien que pour ça, ils me sont sympathiques, les gars de Harvey Milk (renseignez-vous sur l’homme politique homonyme, c’est très intéressant).
Sinon, Harvey Milk avait déjà sorti quelques albums dans les années 90. Albums improbables maniant une espèce de sludge rock sudiste abrutissante, décousue, imprévisible, imparfaite mais des plus intrigantes. Puis ils ont arrêté, je suppose quand ça a fini par leur casser les couilles, respecter des contrats, des dates, se supporter les uns les autres et organiser quoique soit, quelle misère merdeuse, en effet… Et paf !, ils se reformaient en 2006 et sortaient Special Wishes [2007/Megablade records], où, plus encore que d’habitude, ils réussissaient à marier lourdeur et une certaine naïveté touchante. Ainsi qu’un sens de la dynamique assez extrême. Leur musique s’est d’ailleurs bien recentrée depuis ce disque. Le petit dernier, dont il est question ici, est bien plus abouti que la plupart de leurs efforts passés (il faut juste noter l’exception hard-boogie The Pleaser, essai de style plus cohérent sorti en 1997).
Bref, bref, bref, mais c’est quoi, Harvey Milk ? Je cause naïveté, par exemple. Ben oui, rien que le premier morceau du disque commence par cette mélodie d’accords de gratte droit sortie d’une berceuse. Et ce chant, maîtrisé, haut perché, clair, n’ayant pas peur du ridicule et émouvant dans sa masculinité castrée. Un truc d’enfant. Ouais, entre berceuse et chant traditionnel de fin de guerre de sécession. Puis tout tombe dans le très très heavy rock, avec cette soudaine voix de dingue, de poivrot armoire à glace bourré. C’est le même homme, pourtant : Creston Spiers a absolument un truc unique, cette voix grasse et éraillée qui sent l’alcool à plein nez, l’hébétude outrée. « Death goes to the winner », pour en finir, est un putain de premier titre. Presque huit minutes de bonheur qui succombe dans la brutalité bestiale. Ca a déjà duré moins longtemps avec certaines grognasses croisées sur le chemin boueux de la vie.
Bordel, que dire d’autre sur ce groupe à part : écoutez, découvrez-moi ça, tout n’est pas génial, mais nom de dieu, ça a du chien. C’est unique. Vous trouverez des hymnes à boire, à chanter en chœur, debout sous la table, sur fond de batterie bonhamiesque – « Decades ». De l’instrumental rock noise qui déboule à fond les gamelles pour finir dans le sludge abscons – « After all I’ve done for you, this is how you repay me ? ». Du blues gargantuesque joué au ralenti – « Skull socks and rope shoes », « Goodbye Blues ». Une reprise de Fear absolument tueuse (raaah, ces voix, roooh ce break planant !) – « We destroy the family ». Une comptine chantée par un simple d’esprit, scintillante mélodie, putain, je t’aime, c’est beau ! – « Motown ». Une copie assumée d’un de leur ancien morceau, assez hardcore mais inutile, « A maelstrom of bad decisions ». Une ballade triste commencée dans l’autisme voix-piano, poursuivie dans un esprit sludge chiant mais sauvée par des ponts obscurs, claustrophobes, absolument effrayants – « Roses ». Un morceau de punk’n’roll chanté par un de leurs potes, avec un esprit presque screamo – l’excellent « Barn Burner ». Pour terminer sur une musique de cartoon joué country, à la fin du trop long « Goodbye Blues ». Faut dire que ces putains d’adieux, même si tu les casses, ils poursuivent leur chemin, comme ces lombrics qu’on coupe en deux pour frimer devant les filles et qu’ils continuent de frétiller...
Bon, vous y comprenez quelque chose ? Non ?
Ecoutez, bande de timorées chochotteuses, écoutez, ça c’est du rustaud, ça c’est du costaud, ça c’est du désinvolte (les notes de pochettes de branleurs sont absolument hilarantes, de même que la totalité de l’artwork, parfaitement dans l’esprit moisi de la musique), ça c’est de l’undergrüünd, mec. Va te faire foutre."