First Draft - Interview du 04/03/2022

First Draft (interview)
 

Ce qui frappe d'entrée, chez First Draft, c'est votre formation. Un duo, basse batterie, qui donne l'illusion d'avoir affaire à davantage de musiciens. Sur votre compte bandcamp, il est précisé que Clément n'utilise pas de boucles ni de samples. Quel est votre secret ?
Sur scène, comment restituez vous la richesse et la finesse de ces arrangements ?

 
Effectivement, on a à cœur depuis le début du projet de pouvoir remplir l’espace sonore sans utiliser de boucles ou de samples. Niveau composition, cela nous permet de garder une certaine spontanéité, d’éviter d’être bridés par la technologie. C’est pour cela que retranscrire les arrangements sur scène n’est pas un défi en soi, car les morceaux étaient déjà écrits tels quels. Ils ne sont pas modifiés ou arrangés en studio. Avec la pandémie et le temps que nous avons pris pour enregistrer l’EP, certains morceaux ont même déjà éprouvé la scène de nombreuses fois.
On avait aussi envie de transmettre notre énergie brute en live sans avoir à se caler sur un métronome aux ear-monitors. Et c’est la même chose en studio qu’en live : on a choisi d’enregistrer les parties basse-batterie de Declines Are Long Gone en live, sans métronome, pour retransmettre sur l’EP la même énergie que nous avons sur scène. Cette impression d’entendre un groupe de 4 ou 5 musicien.ne.s est le résultat d’une recherche sonore permanente, amorcée en 2016. La découverte du groupe Royal Blood nous a plongé dans cette envie de sonner à 5 en n’étant que deux. Clément a commencé avec un ampli et un octaver pour terminer avec quatre amplis et une bonne collection de pédales d’effets. Son secret : diviser le signal de sa basse en 5 dont deux signaux basse et trois signaux guitare. Les trois signaux pour la guitare sont pitchés une octave au-dessus, et sont là pour avoir un setup Dry/Wet stereo, c'est-à-dire que tous les effets de spatialisation et d’harmonie partent dans deux amplis pannés droite gauche, et un ampli guitare central reste dry et sert notamment à gérer la dynamique globale. Un switcher midi lui permet de mettre toutes les pédales dans des boucles et de gérer tout le routing en un clic du pied: Couper le signal basse, garder seulement les amplis D/G, passer du clean à l’overdrive sur toutes les guitares, changer des paramètres de présets en midi… Si à certains moments, on entend des éléments qui paraissent ajoutés, ce sont des harmoniseurs et des délais harmonisés (en gros un harmoniseur traite les éléments répétés par le delay, avec un tempo et une subdivision spécifique). Du coup, visuellement, ça “joue” des notes différentes que Clément ne joue pas effectivement, ce qui donne l’impression qu’une boucle ou qu’une séquence tourne en fond, alors que c’est juste une approche du delay différente qui permet d’enrichir harmoniquement le jeu.

 
Parlez-nous de vos influences musicales. De quels univers, quels groupes, artistes, vous revendiqueriez vous ? Qu'est ce qui vous a amené à la musique ?
 
Marine a commencé la musique à 6 ans par la flûte traversière. Mais c’est la pratique de la guitare et la découverte du rock à l’adolescence qui lui ont donné envie de monter un groupe et de faire de la musique son métier par la suite. Elle écoute aussi bien des groupes aux différentes influences rock (Foals, Shannon Wright, We Insist!, Queens of the Stone age, King Gizzard and the Lizard wizard…) que des musiques traditionnelles turques (Aşık Veysel, Erkan Oğur, Ender Balkır) ou des mélanges noise / musiques du monde (Pixvae, Frankie Goes to Pointe à Pitre, Avalanche Kaito).
Clément a commencé la basse à 13 ans en développant rapidement un penchant pour l’éclectisme. Il expérimente des projets métal, jazz, folk, chanson ou encore hip-hop. Ce sont des groupes aux diverses influences métal qui le font le plus vibrer: Cult of Luna, The Chariot, the Armed, Everytime I die, Vildhjarta, Tool, Tesseract
Les groupes qui résumeraient au mieux l'univers musical de First Draft pourraient être quelque chose entre And so I Watch You From Afar, Shannon Wright et Brutus.
 
 
D'ailleurs, dans un monde d'étiquettes, quelles sont celles qu'on pourrait poser sur votre musique, juste pour donner une idée de ce à quoi s'attendre ? Ce qui est bon signe, avec votre musique, c'est qu'elle se situe à la croisée de divers genres. Donnez-nous des pistes pour la définir.
 
On pourrait définir notre musique comme un mélange de post-rock, de shoegaze et d’indie-rock : des structures non linéaires, un mur de son et un chant mélodique faisant un aller-retour constant entre douceur et puissance. On peut aussi s’appuyer sur cette citation de Weirdsound, qu’on aime beaucoup, pour donner un aperçu du projet :
 
“L’identité musicale de First Draft pourrait être illustrée par une vague de tsunami qui voit la mer se retirer avant de déferler de nouveau avec une puissance démultipliée. [...] La puissance émotionnelle contenue dans le chant de Marine confrontée à la basse aux sonorités riches de Clément génèrent une tension et un contrepoint particulièrement propice aux ascenseurs émotionnels”
 
Toujours en parlant de filiations, quand je vous ai découverts, j'ai pensé aux Belges de Brutus, principalement pour le fait d'avoir une chanteuse derrière les fûts. Mais pas que. Il y a un mélange de rage et d'élégance sophistiquée dans la musique des 2 groupes. La comparaison vous semble t-elle pertinente ou hors de propos ?
 
Oui, complètement. On est heureux d’être comparés à Brutus car c’est un groupe dont on aime l’univers et dont on partage la même énergie. On se retrouve pas mal niveau influences, dans le même amour des riffs rock-métal, des rythmiques aux accents punk et des ambiances post-rock, et dans le chant tout en nuances à la charge émotionnelle forte et la puissance du son de guitare/basse. On espère vraiment pouvoir un jour partager une scène avec ce groupe.
 
Parlons à présent des textes. Quels en sont les thèmes abordés ? Quel en est le processus d'écriture ?
Pourquoi le choix de l'anglais, quand on voit pas mal de groupes qui, tout en chantant dans leur langue, parviennent à toucher un public hors de leurs frontières ?

 
Dans Declines Are Long Gone il y a un thème transversal à toutes les chansons qui est la gestion de nos problématiques personnelles mis à l’échelle de problématiques environnementales : comment faire pour aller mieux, à une échelle quasi individuelle, quand on peut se sentir écrasé par des problématiques qui concernent une espèce entière. On aborde aussi bien la dépression, la recherche d’identité, la difficulté à faire des choix que le déni face aux catastrophes environnementales en cours ou à venir. On est partis de séances d’improvisation pour en retirer la matière musicale, ce qui nous touchait le plus, puis on a écrit les textes par rapport à ce que la musique nous inspirait et à ce qui nous préoccupait à ce moment-là. On a défini les thèmes ensemble, puis Clément a écrit les textes des cinq morceaux. Il a l’avantage d’avoir eu un apprentissage poussé de la langue anglaise de par son expérience à l’université, ce qui lui permet d’écrire facilement dans cette langue. On a aussi naturellement choisi de chanter en anglais car nos influences musicales sont quasi majoritairement anglo-saxonnes; et c’est la mélodie des mots qui l’emporte sur le sens, même si nos textes sont très travaillés, là où en français on va beaucoup plus se concentrer sur le texte avant la mélodie. On admire les artistes qui sont capables de chanter en français dans ce style sans que la mélodie soit mise à défaut par le texte, mais cela nous semble plus évident dans First Draft de nous exprimer en anglais.
 
 
Vos projets ? A court terme et long terme ? Et vos rêves ?
 
On prévoit deux périodes de tournée (printemps et automne 2022) avec une date à Paris le 23 mars à la Boule Noire. En parallèle, on va continuer l’écriture et la composition du prochain album pour une sortie fin 2023/début 2024. On rêve de toujours gagner en qualité musicale au fil du temps et de continuer à pouvoir partager notre musique sur scène avec le public sur le long terme, tout en continuant à repousser les limites de ce qu’on peut faire à deux avec un minimum d’artifices, et d’avoir une approche toujours plus spontanée de l’écriture.

 

photo de Moland Fengkov
le 08/03/2022

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