Sun - Interview du 14/12/2022

Sun (interview)
 

J’avoue, je suis mauvais élève : je n’ai découvert Sun qu’assez récemment, en octobre, sur la scène de la Machine du Moulin Rouge, à l’occasion du MaMA festival. Cela m’arrive assez rarement en concert – une grosse demi-douzaine de fois max’ par le passé, pour Nile, Maximum The Hormone, Leprous… – mais cela a été le coup de foudre instantané ! Est-ce que tu es consciente du gros impact live que vous avez ? Vous avez peut-être déjà eu ce type de retour ?
Eh bien, pas vraiment en fait… Mais c’est vrai que je monte sur les planches depuis longtemps, et j’ai toujours été un peu un « animal de scène », que ce soit en solo ou en duo – car le groupe a connu plusieurs configurations. Pour rappel j’ai commencé avec un producteur – Dan Levy, le mec de The Dø – qui était obsédé par les formules duos. Sauf que pour moi c’était très dur, très compliqué à gérer : par exemple ça m'obligeait à avoir un petit micro dédié qui ne prenait que les deux cordes mi et ré pour les balancer dans un octaver afin d’assurer la basse en même temps que mes parties de guitare – bref, c’était relou.

Ça t’obligeait à jouer les « femmes-orchestres »…

Ouais, voilà. Mais depuis qu’on est en trio, avec Bassem à la basse et au clavier, et Loris à la batterie, j’ai enfin trouvé ma formule. C’est le kif total !

 

 

… Et c’est la même sensation côté public ! Mais parlons à présent du nouvel EP, Brutal Pop 2. Ayant débarqué tout récemment dans l’univers de Sun, j’ai beaucoup fait tourner les 2 EP l’un après l’autre, ce qui a naturellement permis de constater une réelle évolution du côté de la prod’. Là où certaines parties, à la marge, sonnaient limite « faites à la maison » sur le premier EP, le nouveau bénéficie d’un son assez énorme. C’est l’effet Andrew Scheps – qui a assuré le mix je crois – ou bien une montée en compétence de ton côté – puisque, si mes renseignements sont bons, tu mets également la main à la pâte ?

À l’époque du premier EP, comme je te l'ai dit je bossais avec Dan Levy. Et il souhaitait vraiment quelque-chose de très rough, quelque-chose de rugueux, de très brut. Il ne vient pas du tout de la scène Rock, et encore moins Metal, et n’avait donc pas les mêmes attentes que toi et moi. C’était assez douloureux je dois dire, parce que d’un côté j’étais d’accord avec lui sur la volonté de « resserrer » les choses – parce que c’est vrai que pour la bonne lecture d’une chanson mieux vaut éviter d’en mettre des couches et des couches. Sauf que là où je n’étais pas d’accord avec lui, c’est que cette approche n’empêche pas d’avoir une belle prod’. Bref, on était en profond désaccord sur ce point. Du coup pour le 2e EP j’ai voulu changer les choses, et je me suis donc tournée vers Andrew Scheps. On s’est beaucoup parlé via Zoom, et lors de chacune de ces séances il m’a encouragée à prendre les choses en main. Il était bien sûr OK pour faire le mix, mais pour lui quand l’artiste a une bonne idée de ce qu’il veut, à lui d’y aller. Or, ne connaissant pas vraiment de meufs ayant accompli ce genre de taf, j’avoue que je manquais de références et, du coup, ne me faisais pas vraiment confiance. Mais finalement, poussée par ses conseils insistants, j’y suis allée. Et je dois dire que je suis super heureuse, car le résultat me plait grave.

Et il y a de quoi ! Mais ça veut donc dire que sur le premier EP c’est Dan qui avait assuré tout le travail de production ?

Pour tout te dire, c'est en fait moi qui ai fait tout le taf, pendant que lui décidait où on enregistrerait, ainsi que le rythme – très élevé – auquel il faudrait bosser… Il a pris deux ou trois décisions, et de par son nom il a bénéficié de plus de crédit, comme cela arrive souvent : quand tu es une artiste peu renommée, dans ce genre de situation en général tu te laisses faire. Moi je ne viens de nulle part, je ne suis la fille de personne de connu – tu vois ce que je veux dire. Du coup je fais avec les moyens du bord. Bref, c’était très compliqué, il y a eu beaucoup de mésaventures avec Dan Levy, et au final cela s’est très mal fini. Mais ce n’est pas grave : c’est une expérience. À l’opposé un mec comme Andrew – qui est quand même d’un autre calibre puisqu’il a bossé avec Metallica, Adele, ou The Smashing Pumpkins dernièrement – n’est pas du tout dans la démarche d’imposer ses vues. Moi au début j’imaginais qu’on ferait une co-production. Mais non : il m’a aidé à prendre mon envol, il a passé des heures à m’écouter, me rassurer, et m’aider à me dépêtrer de ces injonctions toxiques qui m’avait polluée et cassée par le passé.  

Super ! Donc ce gros son joufflu, ce n’est pas Andrew Scheps, c’est toi : félicitations !

Il a quand même mixé un titre complet. Et puis il y a eu d’autres mixeurs, dont Alban Sautour, ainsi que Bassem également. Parce que je me suis rendue compte que souvent, sur les gros albums, il y a plusieurs personnes qui assurent cette tâche. Et c’est normal quand tu veux aller vraiment au bout de ton trip. Avant Brutal Pop 2 je ne comprenais pas cette démarche, puis je me suis rendue compte en mettant les mains dans le cambouis que parfois une chanson requiert autre chose, un autre point de vue… Et donc un autre mixeur. Celui qui aime la caisse claire qui claque peut être parfait pour une piste, mais pas du tout pertinent pour une autre. Et si c’est bien fait, cela n’empêche pas d’obtenir un tout bien équilibré.

 

 

Comme c’est le cas sur cet EP ! Autre sujet : j’ai lu et entendu lors de nombreuses interviews l’importance que revêt ton père – il est d’ailleurs à l’origine du patronyme Sun. J’ai l’impression qu’il est à nouveau présent sur Brutal Pop 2. En effet tu évoques la mort d’un père sur « Strength », tandis que le clip de « John & I » commence sur un dialogue décalé entre lui et toi… C’est un peu un membre honoraire du groupe !

Oui, bien sûr, c’est le but. Quand la tombe de mon père a été enlevée, j’ai longuement réfléchi au meilleur moyen de continuer à faire vivre sa mémoire. Et cela s'est imposé à moi : il fallait l’incorporer à mon art. Ainsi on continue d’en parler – d’ailleurs la preuve, tu vois, c’est le cas cette fois encore (Rires)

Donc ces deux mentions étaient bien conscientes et intentionnelles ?

Exactement. Dans « John & I » pour le coup, ce père est censé être le diable. Parce que la fille a une fois de plus tué ses musiciens, et son père est excédé parce qu’il a déjà assez à faire avec les milliers de nouveaux arrivants qui débarquent chaque jour, et que de gérer les bourdes de sa fille en ramenant à la vie ses zicos, à un moment ça commence à bien faire ! Il s'agit par ailleurs d'un petit clin d’œil au fait que, avant d’avoir trouvé le line up actuel, j’ai pas mal galéré.

 

 

Puisqu’on a évoqué « Strength », restons encore un peu sur ce morceau dont le début bénéficie d’une sorte de « glaçage Electro » très sympa, même si pour le coup le délire n’est pas prolongé au-delà de l’intro. Ça m’a rappelé que sur le premier EP « Fast Car » avait lui aussi – toutes proportions gardées – un côté dansant et syncopé pas forcément usuel dans le monde très organique du Rock (... pas étonnant, pour le coup, que ce soit le morceau qui ait bénéficié d’un remix). Au-delà des composantes Pop et Metal, il y aurait donc aussi une dimension Electro / synthétique sous-jacente dans Sun ?

Alors pour « Strength », en effet, j’ai utilisé un arpégiateur au début; mais il est là une fois et puis il s’en va. Ce morceau est un bon exemple de comment j’envisage ma Brutal Pop : au lieu de me reposer sur la prod’ pour effectuer la fusion des styles, je l’envisage dès l’écriture. Ainsi j’avais imaginé que le rythme insufflé par l’arpégiateur serait repris par la double, puis par le riff, ce qui permet de traverser les genres sans avoir à se reposer sur la prod’. Alors je ne qualifierais pas ce passage d’« Electro » – tu l’as compris, il ne s’agit que d’un arpégiateur –, mais je suis contente que ça te donne cette impression, car ça correspond bien aux ambiances et tempos voulus.  

 

 

Continuons à parcourir la track list jusqu'au titre suivant, « Princess Erakin ». La première fois que j’ai lu ce titre, j’ai tilté sur le fait qu’il s’agit de l’anagramme de Karine… Jusqu’à ce que je réalise que, oui mais non, c’est Karoline, pas Karine. N’empêche : n’y aurait-il pas anguille sous roche ? Puisque tu mets beaucoup de toi dans tes compos, est-ce qu’il ne s’agirait pas d’une référence biographique ? Cette princesse ne serait-elle pas une petite Karoline de 6 ans courant dans le jardin familial ? (Rires)

Pas du tout ! Par contre Princess Erakin c’est bien Karine : il s’agit en fait d’une chanson écrite pour ma cousine Karine qui s’est suicidée. D’ailleurs l’ensemble de l’EP lui est dédicacé. C’était une grande artiste peintre, qui malheureusement était très malade, et a donc mis fin à ses jours. J’avais envie de lui rendre cet hommage car elle a toujours été pour moi une femme hyper inspirante, hyper belle, qui réalisait des tableaux sublimes faits de multiples couches d’affiches déchirées et peintes. Et plutôt que de faire une chanson très noire, j’avais envie de la raconter comme ce qu’elle était pour moi : une princesse. Je n’avais pas forcément envie de m’attarder sur sa fin de parcours : je suis fière de ce qu’elle a fait… Et au final je respecte la conclusion de son histoire. En plus, entre les passages enfantins et les passages criés, le morceau reflète bien ce qu’elle a traversé – elle était schizophrène, son quotidien était difficile.

 

 

Décidément, entre ton père et ta cousine, Sun est un bon moyen de garder près de toi les êtres chers trop tôt disparus ! Mais continuons avec « The Bridge », un titre allant crescendo, qui part de passages qu’on pourrait décrire comme – soyons lapidaire – du No Doubt mélancolique, et qui se termine sur de grosses saccades rappelant Gojira. Or tu décris parfois Sun comme un grand écart entre Abba et Gojira. Et c’est vrai qu’au début de « John & I », on entend « Money, money, money », qui rappelle forcément le tube des Suédois. C’était voulu ce double clin d’œil ?

Non, on ne peut pas dire que ce soit vraiment fait exprès. Quand j’ai écrit « John & I », je n’y ai pas consciemment pensé. Comme souvent, les morceaux se construisent comme ils viennent, et ce n’est qu’après coup qu’on réalise telle ou telle chose. Par contre, évidemment, je suis super fan d’Abba – tout comme n’importe quel song writer Pop. Et Gojira, c’est un groupe qui a apporté tellement : bien entendu que je les adore. Je ne suis pas une inconditionnelle de toute leur discographie, mais je suis super fan de The Link !

Tu les as peut-être vus à la Loco d’ailleurs ?!

Bien sûr ! Il faut dire qu’à l’époque je traînais beaucoup avec un groupe qui s’appelle Pitbulls in the Nursery

Sans rire ? Ils sont géniaux eux aussi !

J’habitais dans le coin, et j’ai fait leur première partie avec mes groupes de bébé de 15 ans…

Tu ne parles pas de Psychobolia là, si ?

Non non, c’était avant. C’était vraiment une époque et des prestations à peine racontables (Rires). Bref, je traînais beaucoup avec eux. D’ailleurs j’ai enregistré avec le bassiste des Pitbulls… qui a lui-même joué un moment avec Psychobolia. Tu vois, il y avait pas mal de liens entre nous. Et comme les mecs de Gojira ont produit leur premier album, tout ce petit monde était en contact. Par ailleurs de mon côté j’étais un peu pote avec Dirk Verbeuren, qui était alors dans Scarve. D’ailleurs je ne sais pas si tu as vu : on a posté une reprise d'« Epidemic » de Slayer, avec lui à la batterie, Alexis Baudin de Mortuary à la gratte, et Anders Odden de Cadaver à la basse. Ce petit « All star » s'est constitué pour lever de la thune contre la mucoviscidose… Tout ça pour te dire que la mention à Gojira n’a pas été introduite au chausse-pied dans ma bio par un directeur artistique à la ramasse : j’ai quand même une certaine légitimité Metal extrême (Rires).

 

 

En continuant notre trip le long de la tracklist, on s'en revient à « John & I ». Et pour donner une fois de plus dans les interprétations tirées par les cheveux, il se trouve que ce couple, caractérisé par le fric et une relation difficile, pourrait faire penser à « Marilyn & John » – ce qui, pour le coup, ferait de toi la Marilyn ! C’est le cas.. ?

À vrai dire, non : ce qui m’a inspiré pour cette chanson – je ne sais pas si tu te souviens – c’est La Mort Vous Va Si Bien, avec Meryl Streep.

Ah oui je vois : le film barré de Robert Zemeckis, le pote de Spielberg !

Oui, avec Goldie Hawn et Bruce Willis également. C’est un film des années 90s. C’est ce que Hollywood fait de plus sale sur les thèmes Argent / Couple / Sexe / Morts-Vivants – un sacré cocktail (Rires). C’est lui qui m’a mis cette histoire en tête, ainsi que The Real Housewives of Beverly Hills, une émission de téléréalité sur de riches meufs de Los Angeles – un monde complètement à part ! J’ai toujours été fascinée par ces femmes riches, souvent blanches, qui vivent dans une cage dorée mais ne la supportent plus, et qui finissent par péter un câble. Tu vois ce genre de familles au sein desquelles les relations atteignent un niveau de toxicité invivable. J’avais envie, le temps d’une chanson, de me mettre à la place d’une de ces femmes, mariée à un John – note qu’il aurait tout aussi bien pu s’appeler Jack ou Jim…

D’ailleurs si je me rappelle bien les explications que j’ai dû lire en ligne, tu décrivais cette femme plutôt comme une Karen que comme une Marylin – ce prénom ayant pris un sens fortement péjoratif outre-Atlantique ces derniers temps…

Ah oui c’est clairement une Karen. Note que dans cette chanson je ne suis pas vraiment dans la dénonciation de ce genre de personnage. Je préfère manier la poésie, et j’ai du mal à pratiquer les deux registres en même temps. Mais j’adore me mettre à la place des gens – sans doute mon côté actrice – et j’avais vraiment envie de tenter l’expérience avec cette Karen de merde (Rires) qui pète un cable et pourrit toute sa famille, pourrit sa gosse, et dont le couple s'avère complètement moisi – je l'imagine devant masquer un œil au beurre noir derrière des lunettes de soleil deux mois par an. C’est horrible…

 

 

… et c’est pour ça que c’est bon (Rires) ! Evoquons à présent un autre morceau, qui a pour caractéristique de ne pas être sur l’EP : je veux bien sûr parler de « Golden ». Si j’ai bien compris, tu trouves qu’il ne colle pas avec l’esprit des autres titres… Tu pourrais nous en dire plus ?

 « Golden », c’était ma première collaboration avec Andrew, et la première fois que je me chargeais toute seule de la prod’. Par ailleurs on l’a enregistré pendant le confinement, ce qui veut dire qu’on n’était pas dans les meilleures conditions pour faire les prises. Par exemple pour la batterie j’ai dû sampler des parties que j’avais enregistrées il y a longtemps. Bref : un enregistrement pas vraiment optimal, sans mon batteur… Même côté tempo je trouve que ce titre ne se fond pas naturellement au milieu des autres : on n’a trouvé aucune séquence qui fasse que cela fonctionne. Au final on s’est dit qu’on laisserait « Golden » vivre sa vie de single, quitte à ce que je le réenregistre plus tard pour en faire un bonus sur un album.

Ce que tu dis semble donc indiquer que, même si, à l’instar de Brutal Pop, il existait une version « deluxe » de Brutal Pop 2, on ne trouverait pas « Golden » parmi les bonus… À moins qu’il faille comprendre qu’il n’y aura pas une telle version « deluxe » ?

Alors si si, bien sûr, il y aura une version « deluxe » (Rires). Et non, en effet, elle ne contiendra pas « Golden »… du moins pas telle qu’on le connait ! En fait je n’ai pas pu m’empêcher de faire un petit remix. Tu sais parfois je participe à des « songwriting camps » lors desquels des compositeurs et des producteurs sont réunis par des institutions ou des labels afin d’écrire pour des tiers. Et lors de l’un d’eux j’ai rencontré un super mec qui s’appelle Black Bell, qui est à la fois musicien, beat maker, producteur et ingé' son. Avec lui j’ai bossé sur des briefs de K-Pop – ce qui était très drôle parce que l’un comme l’autre on n’avait aucunes limites, et on est parti dans des délires pas possibles ! Du coup je peux te l’annoncer : sur la version « deluxe » on trouvera un remix de « Golden » – ce qui ne veut pas dire que le titre original ne trouvera pas sa place par ailleurs sur une autre sortie. On y trouvera également d’autres pistes supplémentaires car cette version « deluxe » sera assez généreuse en termes de bonus. Beaucoup sortiront d’abord en tant que singles, car cela n’est pas forcément utile de faire une version « deluxe » au format digital. Par contre, par la suite il y en aura une version physique contenant ces titres ainsi que des morceaux live super produits…

 

 

Très bien ! Tu n’as pas évoqué d’éventuelles reprises sur cette version « deluxe »… Tu me vois peut-être venir, parce que l’exercice de la réappropriation de classiques est non seulement quelque-chose que tu fais super bien, mais également une partie de la personnalité de Sun. La dernière en date c’est « Jezebel » (d’Edith Piaf) si je ne dis pas de bêtise…

… C’est ça !

J’ose imaginer que ce n’est pas la dernière : est-ce que tu nous en as mitonnées d’autres ?

Faire des reprises est une activité qui me plait car, même si moi aussi je compose, je ne suis que le fruit de multiples influences : les artistes qui sont venus avant moi m’ont tout appris. C’est donc tout naturellement que je fais ces covers. D’autant que c’est un bon moyen d’attirer de nouveaux publics vers ma musique. Je n’ai pas du tout peur du côté « rassembleur » de l’exercice, bien au contraire : je trouve ça super. Autant te dire que je ne suis pas prête d'arrêter, notamment parce que je travaille tout le temps de nouveaux morceaux connus, et que, lorsque les arrangements sont bons, il suffit d'une petite vidéo filmée par Bassem et hop, en moins de deux c’est sur le web. Par contre sur Brutal Pop 2, non : pour une fois pas de reprise parmi les bonus, à moins d’une petite surprise de dernière minute… Mais comme tu l’as compris, cela n’empêchera pas que je vous livre tout plein d’autres covers, y compris sur Spotify – je l’ai fait pour « Survivor » des Destiny’s Child, tout en sachant parfaitement qu’on pourrait à tout moment me demander de la virer. Note bien que je déclare systématiquement les ayants droit, et que je ne me mets pas du tout dedans – c’est comme ça que ça fonctionne en France. Par contre aux Etats-Unis, c’est plus compliqué… On verra bien !

Les deux exemples qu’on a évoqués ici sont assez représentatifs de ce que tu fais en général : « encouillifier » des morceaux Pop ou RnB. Par contre je ne suis pas certain que tu aies beaucoup essayé l’approche inverse… Tiens, toi qui es fan de Morbid Angel : tu as peut-être déjà entendu la reprise de « Fall From Grace » par Carnival in Coal ? Ce n’est pas quelque-chose qui te tenterait, de « popiser » des morceaux à la base très velus ?

La « popification » c’est très compliqué. Surtout au vu de ce qui me plait en Metal extrême. Alors c’est sûr, pas de problème pour « Wait & Bleed » de Slipknot : le morceau s’y prêtait assez bien, car quelque-part c’est déjà un peu poppy. Pour la reprise d’« Epidemic » de Slayer, pas de problème non plus vu qu’on a repris le morceau tel quel – en fait on l’a accéléré même, rien de très Pop là-dedans (Rires). Il y a donc quelques morceaux pour lesquels ce serait jouable. Mais en général il s’agit d’artistes qui sont déjà « à la lisière » du genre. Par exemple avec du Strapping Young Lad ça marcherait grave. Parce que sur le fond c’est déjà hyper Pop.

Oui, dans une certaine mesure, quoique je pense que ce n’est pas évident pour tout le monde (Rires) !

Mais tu sais, je ne me vois pas faire une version toute gentille d’un morceau initialement bien méchant. Parce que les trucs tout gentils, eh bien ce n’est pas mon truc ! Pour te dire : mon album préféré de Morbid Angel c’est Gateways To Annihilation – je suis fan de tout ce qu’a fait Erik Rutan. Pour le coup, "popiser" des morceaux d’un tel album, ou de I, Monarch par exemple, ça serait chaud, parce qu’il ne s’agit que de secondes mineures et de plans tortueux. En même temps je dois avouer que je suis tout le temps en train de réécouter ces albums et de me demander « Comment diable je pourrais arriver à adapter ça ? ». Je suis sûre qu’un jour ça va faire Tilt, et que je trouverais le morceau qui rendra l’adaptation possible, permettra d’ajouter juste assez d’harmonies pour pouvoir poser un vrai chant, pondre une petite mélodie sans détruire l’esprit initial... Parce qu’il y a cette dimension là aussi : des fois tu as l’impression que certains artistes se sont attaqués à des covers juste pour pouvoir dire « Je l’ai fait », alors qu'au passage ils ont perdu ce qui faisait la grandeur du morceau. C’est con, il ne faut pas que ça ne serve à rien. Par exemple Immolation n’a pas besoin que je vienne lui casser ses superbes ambiances de feu…

Rhabiller de Pop un tel groupe, voilà un challenge de taille !

J’adorerais ! Immolation est l'un de mes groupes préférés. Close To A World Below, Unholy Cult : ce sont des albums que j’ai sévèrement poncés ! Mais tu as raison : ce serait chaud !!

Ce serait sans doute plus facile de s'attaquer à un Obituary... ?

Peut-être, peut-être… Ça pourrait s’y prêter. Mais j’avoue que je ne suis pas très Obituary, je suis désolée.

C’est clair que ce n’est pas le même trip : c’est moins sombre. On est plus dans le RedNeck Groove Death Metal (Rires)

C’est ça. Moi je suis plutôt restée sur les anciens Canniboule – mais avec Georges Fisher. Et puis tout ce qu’Erik Rutan a fait bien sûr, les premiers Immolation, etc. En fait je pense qu’il y a peut-être un groupe pour lequel ce serait jouable – parce que je l'ai travaillé énormément quand j’étais ado : Meshuggah. Il y a un ou deux de leurs morceaux pour lesquels ce serait du domaine du faisable. Mais ça nécessiterait du taf !

 

 

Pour le moment tu t’en tiens uniquement au format EP. Mais quand on évoquait « Golden » tu as laissé entendre que ce morceau pourrait bien se retrouver sur un prochain... album ! Tu as donc déjà en tête l’idée de sortir un véritable full length – ce qui serait cohérent avec ta présence sur le label de Vicky Hamilton, qui vient de Geffen je crois, et qui va peut-être te pousser à envisager un format plus facile à chroniquer dans les mags ?

Pour le coup Vicky est assez étonnante sur ce plan (à l’image d’autres Américains) : elle n'est pas forcément dans l’optique « album », mais au contraire s’avère très ouverte aux autres formats, EP, single & co. Elle est vraiment géniale : elle me laisse faire, et pousse tout ce qui existe déjà plutôt que ce qui pourrait venir par la suite. Pour autant c’est vrai que j’ai un album qui est prêt depuis très longtemps… Le truc c’est que je ne veux pas griller la carte du 1er album trop vite. J’ai besoin d’un peu de temps, d’avoir une fan base conséquente, plus de presse également, avant de franchir le pas. C’est pour ça que j’attends encore. Mais c’est vrai que son enregistrement est pour bientôt.

Ouawh ! Tu ne veux pas griller cette cartouche… ? Vu comment les EP sont bons, je n’ose imaginer le contenu de cet album que tu gardes au chaud pour le « bon moment »… Il doit être monstrueux ! On peut dire que tu sais comment donner envie ! (Rires)

Oui, merci, c’est bien vu. C’est sûr que j’essaie de bien préparer le terrain, car cet album me tient vraiment à cœur ! J’ai envie de lui donner le meilleur départ possible.

Je suppose qu’on n’en parle pas avant un an, ou quelque-chose comme ça ?

Oui, je pense que c’est vers cet horizon-là qu’il y aura du neuf sur le sujet.

 

 

Allez, je vois qu’on arrive vers la fin du temps imparti pour l’interview, je vais donc te poser une petite dernière pour la route : de manière assez systématique – et logique, vu ce qu’impose le « contrat Brutal Pop » – on retrouve sur les compos de Sun l’alliance de belles accroches Pop avec du chant extrême typé Metôôl. Par le passé par contre, il t’est arrivé de n’évoluer que dans l’un ou l’autre de ces registres. Est-ce que parfois ça te démange de ne t’exprimer à nouveau que dans l’un de ces modes ? Et si oui, tu penses que tu le ferais dans le cadre de Sun, ou sous un autre nom ?

Si j’ai envie de faire un truc vraiment Metal, ce sera dans le cadre de Psychobolia. Et ce sera de l’ultra Brutal Death. Pour mémoire j’avais enregistré avec eux leur tout premier album, Fisting You All – tu notes la poésie du propos (Rires). Perso’ ce qui me titille dans le Metal, ce sont les chapelles les plus extrêmes, quand je ne fais que du grunt, du growl, et un scream toutes les trois minutes. Par contre dans le cadre de Sun j’ai envie de garder ce cadre stylistique mixte, parce qu’il y a encore pas mal d’angles sous lesquels façonner ma Brutal Pop – tu en découvriras d’ailleurs certains via ces cartouches que je n’ai pas encore grillées (Rires). C’est vraiment quelque-chose que je veux continuer à développer. En même temps je ne me force pas à faire du chant crié : si un morceau ne le réclame pas, je ne le fais pas. Néanmoins, pour le moment, vu que je cherche encore à ce que les gens comprennent ma démarche, je fais en effet bien attention à ce que les morceaux mis en avant aient cette dualité clairement marquée. Après tu auras l'occasion de constater par la suite que la Brutal Pop peut prendre des aspects différents, même si elle ne devient jamais purement Pop… Si un jour je voulais me focaliser plus particulièrement sur ce style, ce serait a priori au sein d’un side project – ce serait autre chose. À noter que, comme j’écris et que je produis également pour d’autre, si j’ai vraiment envie de faire de la pure Pop, je peux en trouver facilement l’occasion…

 

 

Comme tu évoquais Psychobolia, j’en profite : sur le web je n’ai trouvé que de rares mentions au groupe dans les articles qui te concernent, du coup je pensais que la fin de l’aventure s’était peut-être mal passée… Mais a priori ce que tu viens de me dire semble contredire cette première impression !

Avec eux ça s’est très bien passé. C’est juste que c’était un groupe auquel je participais « pour rigoler », sans m’y investir vraiment à fond. Et il se trouve qu’assez vite je n’ai plus eu le temps de continuer la route avec eux. Parce qu’à côté je faisais des comédies musicales, je gagnais ma vie en tant qu’intermittente, et que je développais mon réseau. Mais je suis toujours restée amie avec Gogo et John : on reste une bonne team. Je sais que pendant un moment ils ont galéré à trouver une autre chanteuse, et que de là ils ont pas mal évolué. Mais on s’entend toujours super bien, on a beaucoup de bons souvenirs – des souvenirs de « gitanos » (Rires). C’était une belle aventure.

… Et ça le sera peut-être à nouveau si jamais tu avais à nouveau envie de goûter à ce registre – du moins c’est ce que tu suggérais tout à l’heure.

Ouais, exactement.

 

 

Puisque j’ai le droit à un peu de rab (merci de tout cœur pour cette rallonge !), je vais en profiter pour placer la question qu’il me tient toujours à cœur de poser à ces artistes originaux dont j’aime beaucoup l’univers, dans l’espoir de pouvoir accéder à d’autres mondes merveilleux qui m’auraient jusque-là échappés : aurais-tu des suggestions de groupes trop peu connus qu’il faudrait absolument écouter ? Ou plus largement des coups de cœur à partager ?

Mais clair ! Déjà dans la scène française il y a plein de formations à découvrir. Par exemple Imparfait, qui évolue plutôt dans le Néo Metal : c’est hyper bien, la chanteuse est incroyable. On tourne pas mal ensemble et c’est toujours très cool. Il faut les découvrir ! Après j’aime des groupes plus en vue comme Hangman's Chair ou Pogo Car Crash Control. Sinon il y a encore les Toybloïd, c’est plus Pop/Punk... Il a aussi Brusque que tu connais peut-être. À vrai dire il y a énormément de groupes déments au sein de la scène française dont on ne parle pas du tout – et j’ai du mal à comprendre pourquoi. Imparfait est typiquement le genre de groupes mortels que je mets dans cette catégorie.

 

 

Comme on parle de petits groupes confidentiels qui galèrent et pourraient donc être jaloux de ton succès, j’avais une question quant au côté incroyable du parcours de Sun : encore assez jeune et forte de seulement un EP (2 maintenant), la formation signe sur un label américain, collabore avec un producteur de renom, fait des télés, des festivals prestigieux, la première partie de Nina Hagen, une tournée asiatique, perce sur Ouï FM… Certains groupes, s'ils avaient seulement un dixième de tout ça, ils seraient aux anges ! J’imagine qu’ils aimeraient savoir sur quel site tu as réussi à vendre ton âme au diable pour arriver à tes fins !

Ecoute, je pense que je fais plus jeune que mon âge véritable – je ne l’avouerai pas ici –, car en fait ça fait très longtemps que je suis là, et que je me bats jour et nuit. Que je ne me lève que pour ça, que je n’ai pas fait d’enfant uniquement pour cette raison, que j’investis toute ma vie dans cette aventure, que je réinvestis l’argent que je gagne – dans une tournée à l’étranger, en effet, par exemple. Je bosse énormément pour y arriver. Et Bassem aussi. Depuis 15 ans, jour et nuit. Et oui, c’est vrai,  j’ai enfin eu le FAIR récemment... Mais ça faisait 11 ans que je postulais tous les ans ! Je ne suis pas arrivée là comme ça. Dan Levy, j’ai pu bosser avec lui parce que j’ai mis mon cul sur une scène, en première partie de Jeanne Added à la Cigale, et qu’il m’y a vue. Tout ce que j’ai eu dans la vie, c’était en me battant : j’écris pour faire une première partie, on ne veut pas de moi, je rentre par la fenêtre… Tu vois : il aura fallu que je joue dans un film d’auteur où j’interprète une métalleuse pour pouvoir donner un concert sur la Croisette à Cannes, après le tapis rouge. Par contre je n’ai toujours pas joué au Hellfest... Tu vois les « gitaneries » par lesquelles je dois passer pour exister ! Autre exemple, puisque tu évoquais la première partie de Nina Hagen : typiquement cette opportunité ne m’est pas tombée dessus parce que j’ai le cul bordé de nouilles. C’est mon pote Cyril du Bus Palladium qui organisait les 20 ans de la salle, et qui a décidé de faire venir la chanteuse pour l’occasion. Quand j’ai appris ça, je lui ai dit : « S’il doit y avoir une seule première partie à cette date, c’est l’unique franco-allemande des environs qui évolue dans le même genre : STP; STP !!! » (Rires). À l’époque je pratiquais un style Electro que j’avais produit avec Babx, donc ça collait. Je peux te dire que je me suis démenée pour y arriver, d’autant qu’elle ne voulait pas de première-partie – enfin la prod’ en tous cas. J’ai dû négocier son cachet en allemand pour avoir le droit d’être là… Enfin bref : je ‘te raconte pas les efforts déployés ! Il faut bien comprendre que jouer de la musique, c’est la façon dont je communique : je meurs si je ne le fais pas. Pour moi c’était hors de question d’être prof, ou autre : je suis faite pour être sur scène. Bref, la liste que tu as dressée est le résultat d’un long cheminement douloureux, de nombreuses portes qui se sont fermées…

C’est le fruit d’un travail constant, long et acharné.

Voilà, un travail qui a aussi mené à beaucoup de burnouts, beaucoup de problèmes. Mais bon, c’est souvent comme ça quand il s’agit de passion : on se brûle à l'occasion ! (Rires)

 

 

La traditionnelle dernière question, c’est évidemment « … et après ? ». Après, on le sait, c’est d'abord ce deuxième EP qui arrive très bientôt, un premier album dans environ un an… Et puis sur les réseaux sociaux tu as parlé d’une tournée qui allait se mettre en place. Des dates vont être annoncées bientôt je suppose ?

Oui. Ça va être annoncé dans les semaines qui viennent, encore un peu de patience. Ce sera une énorme tournée en Allemagne et au Danemark – destinations découlant en partie de ma double nationalité franco-allemande, tu t'en doutes !

 

 

Je te remercie pour la généreuse tranche de temps que tu m’as accordée – désolé, on a dépassé ! Je te souhaiterais bien plein de chance et de succès pour la suite, mais étant donné qu'il est évident que ça va marcher fort pour Sun, j’ai presque envie de réserver ces encouragements aux groupes qui en ont vraiment besoin (Rires)

Non, j’en ai vraiment besoin, je t’assure… La preuve : ça fait 15 ans qu’on me dit ça, sans que la lumière n’arrive vraiment ! Tu sais, j’ai des tourneurs à plein d’endroits dans le monde, mais jusqu’à il y a une semaine je n’en avais pas en France. Or on n’arrêtait pas de me répéter « Mais toi, c’est sûr, ça va marcher ! »… Sauf que non. Quand on est une artiste indé, il faut se battre tout le temps, se démener, se débrouiller toute seule avec les moyens du bord – comme pour le clip de « Wave » par exemple, dans lequel la grande structure en forme de cœur n’est rien d’autre que du carton que j’ai patiemment découpé…

Wouawh, pour le coup c’est du DIY qui fait méchamment illusion !

Oui, c’était du boulot ! Mais c’est important que ça se sache : on ne parle pas de gros moyens, mais bien de DIY !

Et pour les difficultés que tu évoquais à tourner en France, à tous les coups il va falloir que le scénario Gojira, ou Gorod se répète : c’est après avoir convaincu à l’étranger que les portes se sont enfin ouvertes localement…

J’espère, oui, que finalement on arrivera à convaincre les Gandalf de la scène française, les keepers of the gate qui bloquent le passage à coups de « You shall not pass ! » (Rires). C’est un combat qu’on mène tranquillement, dans l’ombre... Mais avec le sourire !

 

 

 

 

 

 

 

 

photo de Cglaume
le 03/02/2023

7 COMMENTAIRES

Seisachtheion

Seisachtheion le 03/02/2023 à 08:56:21

Super itw !

cglaume

cglaume le 03/02/2023 à 09:06:33

Merci <3 Ça a été un régal de la faire (... moins de la dérusher haha, 'di diou que c'était long !!)

Xuaterc

Xuaterc le 03/02/2023 à 10:46:48

Merci mec!

cglaume

cglaume le 03/02/2023 à 10:50:26

De rien : je me suis d’abord fait plaisir ! 🙂

Xuaterc

Xuaterc le 03/02/2023 à 10:55:22

ça se sent... La madame le mérite en plus.

el gep

el gep le 03/02/2023 à 12:59:32

Cool, l'interview !
Mais vas-y comme tu fais ta groupie, Lapinoupie !

cglaume

cglaume le 03/02/2023 à 13:04:37

Lapin un journaliste le cglaume : l’est un fan. Si je suis pas fan, je n’interviewe pas :)

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