Hacktivist - Hyperdialect
Chronique CD album (43:56)

- Style
Fusion Rap/Djent - Label(s)
UNFD - Date de sortie
18 juin 2021 - écouter via bandcamp
Si la chose n’a certes rien de systématique, il n’est pas rare de constater que nombre d’artistes donnent plus facilement le meilleur d’eux-mêmes sur format court que sur format long. Ainsi c’est plus d’une fois que, après un amuse-bouche et une entrée pleins d’inventivité et de saveurs osées, nos papilles ont dû se replier dans un état de somnolence blasée au cours de l'absorption d’un plat de résistance dont l’intitulé ronflant masquait un net manque de panache. De même après un premier quart d'heure trépidant avançant les pions d’une intrigue pleine de promesse, il n’est pas rare que certains films se prennent les pieds dans des incohérences et autres rebondissements foireux entraînant une relégation sans appel dans la mare aux nanards. Eh bien pour Hacktivist c’est la même chose : après un premier EP prometteur (si ce n’est déjà fait allez donc écouter le single « Elevate »), la sortie d’Outside The Box avait été un brutal retour sur le plancher des « La vache, c’est nul ! ». Trop plat, trop plein de pleurnicheries ado-chamallow : on s’était d’ailleurs promis que l’on ne nous y reprendrait plus !
« Fontaine, je ne boirai plus de ton eau » qu’il disait…
Alors évidemment, quand au moment d’appuyer sur >Play on s’attend à une molle pichenette mouillée faite d'hiphoperies engluées dans des saccades roses pâles, mais qu’on se prend à la place l’équivalent musical du Hundred Hand Slap de Honda, ça laisse le souffle court ! Parce que c’est vêtu d’une cuirasse bien plus épaisse qu’il y a 5 ans que les Britanniques nous reviennent. Beats lourds, batterie alerte, poinçonnages Djent façon pluie de hallebardes, flow hip-hop remonté comme un Kiwi en fin de haka, les petits gars d’Hacktivist ont troqué leurs cartables et leurs crayons pour le barda de mercenaires lourdement armés. D’où ce gros premier tiers de tracklist qui enchaîne les attaques à l’arme lourde. Alors certes, « Anti Emcees » n’est pas si frontal que ça : il prend le temps de pénétrer notre blindage en jouant sur des contrastes opposant habilement nappes brumeuses synthetico-atmosphériques et flow volubile appuyé sur une télégraphie imparable. N’empêche, quand on atteint la marque des 3:34, c’est à un court passage de Death blasté que l’on a droit.
Effacée de la carte la cour de récréation : place au champ de bataille !
Tension constante, rythmique menaçante, vocaux ulcérés, Djent passant en mode quantique : « Luminosity » est l’archétype de ce que la Fusion nouvelle incarnée par Hacktivist peut offrir de meilleur. Et la suite immédiate reste d’un aussi haut niveau, avec un « Lifeform » qui plante quelques accroches imparables dans notre ciboulot (« I was born where Punk was born », « Not a geeeeeeenre, it’s a lifeform ») et se termine sur un apogée de sensations fortes, un « Armoured Core » au groove syncopé complètement irrésistible, puis un « Turning The Tables » qui appuie plus fort sur le côté électronique de la force – on pense à The Algorithm par moments.
Ils ne seraient pas tombés sur la recette de Panoramix, des fois, les loustics ? Comment expliquer ce regain d’énergie et de pertinence ? Vous dites ? Le remplacement du miaulant Ben Marvin par un chanteur nettement plus agressif – Jot Maxi – qui flirte avec le grunt quand on lui marche trop fort sur les arpions ? Cela peut expliquer beaucoup de choses, oui, c’est vrai. Ainsi que le remplacement du guitariste originel par James Hewitt, qui s’est de plus chargé de la prod’.
Arrivé ainsi à presque mi-course, on n'était pas loin de penser que l’on tenait là l’un des futurs squatteurs de notre Top 10 de fin d’année, ainsi qu’une source sérieuse de redynamisation de la scène Fusion. Malheureusement pas de gros twist final pour transformer cette belle histoire à énorme potentiel en un indiscutable blockbuster. Car sans nullement perdre en intensité, la suite de l’album peine à se renouveler. Ainsi qu’à proposer de vrais titres à refrain galvanisant et dynamique électrique – de celles qui suffisent à remplacer les 5 fruits et légumes censés assurer notre apport quotidien en vitamines. On a même du mal à comprendre comment le morceau-titre peut-être aussi binaire et sans relief (… en plus, honnêtement, on s’en cogne qu’Aaron Matts – cf. Betraying The Martyrs – viennent balancer quelques beuaaarh dans le micro). Même reproche interrogatif pour « Reprogram » : trop peu de profondeur et de pouvoir de séduction pour ce morceau qui a pourtant la lourde tâche de nous laisser une impression finale. Et encore je ne vous parle pas de ces quelques recours à des mosh parts paresseuses typées Deathcore, qui vident l’espace sonore pour ne plus laisser que quelques saccades sismiques espacées de longs silences censés être lourds de sens.
Mais l’on sait discernement garder, et même si le sans-faute n’est donc pas d’actualité, on reconnaîtra que la suite de l’aventure propose quand même de belles choses, parmi lesquelles une montée en puissance inspirée (« Ultima Dies ») qui crescendote doucement autour d’un leitmotiv en français (« Nous sommes les enfants des derniers jours »), ainsi qu’un « How Dare You Exist » insidieux et rageur, dont les anneaux reptiliens s’enroulent autour de la mélodie entêtante d’une boîte à musique pressée. Alors oublions un instant le revers de la médaille pour se concentrer sur sa face la plus brillante, et accueillons cet Hyperdialect avec l’enthousiasme qu’il mérite.
« Robin Hood mentality we reject the law ! »
(C’est pas beau ça? Et en plus c’est niché dans un morceau dont je ne vous ai même pas parlé…)
La chronique, version courte: on pensait le mélange Djent/Rap définitivement enterré sous la chape de chamallow poisseux intitulée Outside The Box, et voilà qu’Hacktivist nous fait mentir en sortant ce très impressionnant Hyperdialect. Alors OK, sur la durée celui-ci s’avère un peu trop plat et redondant, mais soyons honnête : une bonne moitié des titres auraient mérité de figurer sur la tracklist d’un album référentiel… Alors rejoice, Fusion freaks !
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