N.k.r.t. - Interview du 03/04/2017

N.k.r.t. (interview)
 

Bonjour Frater Stéphane, et merci de répondre à nos question en français, puisque vous vous exprimer normalement en Latin.

 Aliud est celare, aliud tacere 


Pouvez-vous nous expliquer la genèse du concept derrière N.K.R.T.? Vous avez choisi de vous exprimer en solitaire, pourquoi?

Un fœtus de N.K.R.T. fut expulsé en 2013 sous une forme black metal orthodoxe à l'occasion de deux concerts mais la véritable naissance du projet s'est produite au cours de l'année 2015. Je venais de quitter Mhönos, qui fut d'abord un projet animé uniquement par moi-même avant de devenir un groupe, et je voulais continuer à évoluer dans l'univers rituel et mystique autour du quel j'avais commencé ce projet. J'ai choisi de m'exprimer en solitaire afin de retrouver la pulsion créatrice que je ne ressentais plus au sein des projets « pluriels » mais aussi dans une démarche introspective afin de briser les ardeurs de mon égo qui était sur le point de perdre toute raison avec les succès d'estimes dont jouissaient les groupes dans les quels je jouais. Je ressentais plus que jamais un besoin de purification et de pénitence que je ne pouvais satisfaire que par l'isolement.

Ainsi je ne ne pense pas que l'on puisse parler de genèse à propos de N.K.R.T. Il faut plutôt y voir la continuation du premier album de Mhönos, Miserere Nostri, que j'avais enregistré en solitaire. Cet album a engendré l'évolution sous la forme d'un groupe au sens propre et N.K.R.T peut être considéré comme une autre évolution de Miserere Nostri, alternative décalée dans le temps et dans la formulation.


Quelles sont les thématiques abordées dans vos textes?

Les textes psalmodient des incantations appelant à la libération de la conscience. Ils glorifient la douleur qui seule nous rappelle que nous sommes vivants, la vacuité qui nous montre que rien n'a de valeur. Ce rapport à la douleur physique comme psychologique pourrait être qualifié de très chrétien car il appelle à une réconciliation avec mon propre égo. Les références à la vacuité sont influencées par le Bouddhisme qui enseigne que toutes les sensations, les perceptions et la conscience sont dépourvues d'une personnalité et dépourvues de permanence. Les textes expriment aussi une certaine volonté de se détacher des plaisirs pour ne plus subir les affres engendrées par les dépendances que les mirages nous créent.

Tout pourrait être résumé au travers de ce message universel : Scio me nihil scire


Y a-t-il des artistes, musiciens ou non qui ont guidé votre démarche ?

Pour ce qui est de la musique, je puise mon inspiration auprès de maîtres tels qu'Attila Csihar au travers de tous ses projets mais plus particulièrement de son avatar solo Void Ov Voices mais aussi dans la totalité de la discographie de Burzum, Abruptum, Zero Kama avec l'album The Secret Eye of L.A.Y.L.A.H., Current 93 avec les trois premiers albums, Diamanda Galàs, le projet chinois Enemite ou encore Rosa Crux, un groupe originaire de la même ville que moi et que je considère comme parmi les plus brillants qui soient. Je suis également très marqué par les chants et la musique des moine tibétains de l'école de Gyutö, les chants de gorge inuits et le chant diphonique mongol, la liturgie grecque orthodoxe du mont Athos ou le chant grégorien.


Il y a dans votre musique une évidente volonté de revenir à un aspect primitif, que ce soit artistiquement que philosophiquement. Je me trompe ?

Tout dépend du sens que l'on attribue au terme « primitif ». Je préférerais remplacer ce terme par « anachorète ». Si il s'agit de faire référence aux instruments utilisés - fabriqués en os, bois, pierre et metal - ou au côté très vocal de la musique, cette démarche liée à la recherche de sons organiques pourrait peut-être qualifiée de « primitive ». Les visuels des enregistrements axés autour des ossements peuvent aussi rentrer dans un cadre chamanique « primitif » mais ils sont surtout présents pour rappeler l'omniprésence de la mort - memento mori, à la manière des danses macabres. Pour ce qui est des textes en revanche, le terme pose problème car il faudrait d'abord définir ce que serait la pensée « primitive » afin d'attribuer un jugement. La science nous indiquant que nos prédécesseurs Sapiens et Neandertal étaient apparemment dotés de capacités intellectuelles similaires aux nôtres, je ne sais pas à quel point on putt qualifier une pensée de « primitive », surtout en ce qui concerne les questions existentialistes.


Qu'est-ce que le Dark Ambiant vous permet d'exprimer, que ne permettent ni le Black Metal ni le Sludge / Doom par exemple ?

Ma quête est de façonner une musique qui découle clairement du Black Metal mais en ne conservant que le « black » au détriment du « metal ». Pour ce faire, j'ai choisi de ne pas ou plus utiliser aucun des instruments issus du rock et caractérisant systématiquement les styles musicaux cités dans la question tels que la guitare, la basse, la batterie, les claviers, afin d'approcher un son le plus organique possible.

Il n'est plus ici question de brutalité ou de mélodie. La transe et le venin sont les seules vérités invoqués.


 

Jusqu'à présent, N.K.R.T. ne s'est exprimé qu'en live. N'est-il pas difficile pour une musique telle que la votre de trouver des salles pour l'accueillir ?

J'ai trahi le vœu de ne faire vivre N.K.R.T. qu'au travers du live quand j'ai sorti la démo Niger Ritus. La trahison avait déjà commencé lorsque j'avais mis en ligne des extraits musicaux afin qu'ils soient écoutés en streaming. M'étant ainsi fourvoyé, il n'y avait plus beaucoup de distance à parcourir pour atteindre le support physique. L'expérience est toutefois satisfaisante car j'ai ainsi pu, au travers de la conception du nouvel album Lectio Tenebrarum, rencontrer le duo de graphistes Førtifem qui en a brillamment réalisé l'intégralité du visuel.

Je digresse mais, pour répondre plus clairement à ta question, je n'ai pas l'impression d'être exclu du milieu des événements musicaux ni d'avoir du mal à trouver des endroits qui m'accueillent. Je suis très satisfait par la fréquence actuelle des concerts.


Votre premier album sort bientôt. A quelles différences par rapport au live doit-on s'attendre? Et pourquoi avoir fait appel à un label russe pour le sortir ?

Comme ce fut le cas avec la démo Niger Ritus, il n'y aura avec l'album  Lectio Tenebrarum  que peu de différences par rapport au live car j'ai à nouveau tout enregistré de façon « live ».

Le choix du label s'est fait naturellement car Nomos Dei est un allié parmi les plus fiables et impliqués qui soient. Je collabore avec lui depuis plusieurs années et lui resterai fidèle encore de nombreuses autres. Il s'agit d'une continuité dans notre collaboration.


Récemment, N.K.R.T. a participé à un festival à Angers, Les Nuits Andegaves. Comment le public metal, réputé étroit d'esprit, surtout quand on parle de Black Metal, a-t-il reçu l'expérience mystique dans de telles conditions ?

Cet événement fut très particulier. Ce soir là, j'ai joué hanté par le décès survenu dans la journée de quelqu'un qui m'était plus qu'indispensable. Je venais de téléphoner à des proches en catastrophe quand j'ai commencé à chanter, c'était difficile. J'ai improvisé une partie du concert car je n'arrivais pas à me concentrer sur le set que j'avais répété, joué la veille au Mans et que je devais aussi rejouer le lendemain à Nantes. Après le concert du lendemain, le groupe nantais Cosmonecromantum qui m'accompagnait lors des Nuits Andégaves et lors de ce concert nantais qui suivait m'ont dit avoir préféré le concert de la veille - à Angers donc - lorsque j'avais lâché prise et que j'en avais improvisé une partie. L'audience – exclusivement metal également - était presque doublée lors du concert nantais qui a suivi les Nuits Andégaves mais c'est bel et bien lors de ces dernières j'ai eu les meilleurs retours. J'ai aussi été très touché par les avis de certains musiciens que j'apprécie beaucoup et qui étaient parmi le public des Nuits Andégaves. Je pense que si expérience mystique il y a eu lors de ces trois concerts successifs, c'est bien à Angers qu'elle est survenue. J'ai pour habitude de toujours écrire la musique de N.K.R.T. en me basant rigoureusement sur mon texte et je n'avais pratiquement jamais réellement improvisé lors des concerts mais cette expérience m'a montré que c'est une pratique que je me dois de travailler. Je veux ressentir à nouveau et pour toujours les sensations de ce concert andégave mais il est évident que je ne pourrai y parvenir qu'en passant par la pratique de l'improvisation et en l'intégrant à mes concerts.


Une oreille distraire pourrait croire que l'improvisation domine votre style de composition, mais en réalité c'est tout le contraire…

Comme expliqué dans la réponse précédente, la musique est construite autour des textes et non l'inverse. Tout a toujours été figé lors des concerts et je ne me suis quasiment jamais permis aucune liberté par rapport à ce qui avait été travaillé, à l'exception de la durée élastique des parties instrumentales répétitives. Je commençais à peine à envisager d'inclure très timidement certaines parties improvisées brèves et clairsemées mais le concert donné lors des Nuits Andégaves a vraiment tout changé. Je suis désormais convaincu que l'improvisation rendra la musique plus intense.


Les derniers mots sont pour vous.

Ex nihilo nihil nascere

 

photo de Xuaterc
le 03/04/2017

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