Kólga - Black Tides

Chronique CD album (27:05)

chronique Kólga - Black Tides

C’est après avoir demandé aux habitués d’un forum musical qu'il fréquentait de lui proposer les mélanges stylistiques les plus improbables que Manuel Gagneux a envisagé le métissage Black Metal / Gospel qui a fait son succès. Imaginons un instant qu’au lieu d’avoir regardé Sister Act la veille de sa réponse, le cyber-conseiller qui a suggéré ce judicieux mélange avait opté pour Point Break : Zeal And Ardour aurait sans doute ressemblé étrangement à Kólga. Parce qu’en effet, plus improbable encore que le mariage « nekro-spiritual » du zélé Suisse, les Américains qui nous livrent ici leur premier album proposent l’union de Dick Dale et d’Emperor, des B.O. de Tarantino et de Lords of Chaos, du Surf Rock le plus « Sweet 60s » et du Black Metal le plus « Early 90s ».

 

Deux salles, deux ambiances, ici mêlées pour le meilleur et pour le rire.

 

Mais que ce bon mot ne vous mette pas sur la mauvaise voie. OK, les photos du groupe semblent indiquer que Kólga est conseillé par le même directeur artistique que Nanowar of Steel. OK, le premier titre de Black Tides s’intitule « Space Beach Massacre ». OK, l’œuvre grotesquement verdâtre qui sert de vitrine à cet acte de naissance est d’un goût aussi sûr qu’un cookie aux cornichons. Pour autant, si les sept titres qui nous sont ici proposés peuvent parfois faire naître un sourire complice sur la bouille de l’auditeur, jamais ils ne se vautrent dans le Pouët Pouët Metal pour redneck, ni dans le pastiche ultra-vomitien… En même temps on n’en attendait pas moins de musiciens issus de... Comment ? Tyrannosorceress. OK, ceci explique donc peut-être cela...

 

Mais il ne s’agit pas seulement de Surf Rock et de Black Metal. Car au cours de ces 27 minutes (ils abusent un peu de parler d’album, d’ailleurs…), on entend également du Hippie Rock psychédélique, de la B.O. de film d’horreur pleine de clavier occulte, du Doom épicé, ainsi que tout plein d’autres variantes kitcho-ambiantes – musique de western sud-américain, Rockabilly fumeux, etc. Un joyeux bordel, donc, baroque et sauvage, rétro et pétillant. Un drôle de point d’interrogation musical, en grande partie instrumental – en dehors de quelques shrieks brumeux, et d’une pincée de samples sans doute issus de vieilles séries Z labellisées Hammer.

 

Ami(e)s de la banane attaquée par les deux bouts, sachez que c’est aux extrémités de la tracklist que votre interlocuteur prend le plus son pied. À l’occasion d’un « Space Beach Massacre » parfaitement métissé, mélangeant la guitare cavaleuse de « Misirlou » à quelques explosions de rage blasto-shriekées. Ainsi que sur « The Kraken », bien que le mélange y soit un peu plus hétérogène, ce morceau-somme voyant se succéder démarrage doomy, Black de fond de donjon à la old-Emperor, puis Surf Rock-abilly baignant dans un fond de synthé psyché. Du côté des autres pistes, on nous propose des combinaisons pas toujours aussi convaincantes, notamment du fait de dosages parfois moyennement équilibrés. Ainsi « Squall of Cthulhu » propose un sandwich de B.O. typée Suspiria entre deux tranches de Tagada-Tagada-sur-ma-guitare-rétro. « Tethys » mêle Doom – tantôt coulant, tantôt occulte – et acidité beumeuh. « Riptide », quant à lui, ne dévie que très peu d’un registre Beach Boys légèrement revu aux couleurs du bad trip. Tandis que « Is This Real ? » préfère perdre sa monture au fin fond d'un Grand Canyon déformé par les champis.

 

En matière d’expérience métallique originale, on peut donc dire que Black Tides se pose là. Et vu que le gugusse qui vous cause a relativement apprécié l’expérience – alors qu’il n’est pourtant fan ni de Doom, ni de musique psychédélique, ni de Black (sauf quand ce dernier est avantageusement "pimpé", comme chez Zeal And Ardour ou Uratsakidogi) – il est raisonnable, en extrapolant un brin, d'affirmer que les amateurs des genres en question risquent de vivre là un gros kiff (… à condition, toutefois, qu’ils ne soient pas de vieux tradi’ frigides des tympans).

 

 

PS : vous croiserez au cours de cette petite demi-heure thérémine, castagnettes, waterphone, glockenspiel, güiro, tambourin, ainsi que des scoubidou-bidou-wha. Je préférais que vous soyez prévenus avant de passer le pas de cette porte discographique, vu qu'un mélomane averti en vaudou (!)…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte : c’est l’équivalent musical d’un ragoût meringué que Kólga nous propose de déguster sur Black Tides. Car, ainsi que son nom l’indique de manière très incomplète, le Blackened Surf Rock pratiqué par le groupe fait se rencontrer Dick Dale et Emperor, mais également Doom, Hippie Rock psychédélique, B.O. rétro typée Dario Argento, et musiques occultes pour lonesome cowboy errant. Un mélange qu'on pourrait donc étiqueter weirdo / schizo / rétro / allegro, pas toujours super costaud, mais clairement nouveau, et ne manquant pas de brio !

 

 

 

photo de Cglaume
le 06/05/2024

3 COMMENTAIRES

el gep

el gep le 06/05/2024 à 12:59:06

Pas encore écouté mais sur le papier, c'est pas si surprenant que ça: Surf et Black, à la guitare du moins, peuvent partager la technique de jeu en tremolo staccato, hé !
Donc ça s'enchaîne super bien, suffit de varier les couleurs mélodiques et harmoniques. On ne comptait déjà plus le nombre de groupes Surf-Punk, donc... ça se mélange avec du véner, car c'est véner, quelque part, le surf.
Et si on est dans les sixties, on peut nager aussi dans les courants psychédéliques, donc vers l'occulte du Doom et compagnie !
Bref, un projet parfait sur le papier, nous avions tous les plans pour conquérir le monde, mais quelque chose est allé de travers.

cglaume

cglaume le 06/05/2024 à 13:04:47

De travers, ou pas. Jugé avec des oreilles sans poils jaunes, ça peut sans doute le faire !

el gep

el gep le 07/05/2024 à 23:35:10

Toujours pas écouté mais j'aime bien quand ça va de travers, donc...

AJOUTER UN COMMENTAIRE

anonyme


évènements

  • ULTHA au Glazart à Paris le 27 juin 2025
  • Seisach' 6 les 17 et 18 octobre 2025
  • Devil's days à Barsac les 9 et 10 mai 2025