Militarie Gun - Life Under The Gun

Chronique CD album (27:16)

chronique Militarie Gun - Life Under The Gun

« Évidemment que ça allait arriver, qu’ça allait faire des émules ; j’t’y aurais mis ma main à couper, et même le bras tout entier, - et les jambes tant qu’à faire. La brèche est ouverte, on est foutu, sauve qui peut ; le pit s’embrouille et ça mosh dans le vent : foutu Turnstile. D’office que le Glow On allait embraser toute la scène ; que ça allait engendrer une pelletée de progénitures, prête à être accueillie à bras ouverts par une industrie avide de puiser vénalement le filon avant qu’il ne se tarisse. En même temps, faut nen s’en plaindre : quand le robinet à dollars est ouvert, ce serait con de ne pas s’y frotter les mains et d'se caler la gueule dans le lavabo pour s’y gorger le gosier.

 

Non pas que ça m’ennuie personnellement, mais je vois bien qu’ça vénère les fans de Crust hirsutes au fond de la salle ; les pauvres s’arrachent les patchs à comprendre pourquoi des djonds sapés à la mode de Lollapalooza sautillent dans le ring. Ça n’dure qu’un temps, leur dis-je : soit ça repartira s’ambiancer vers de sirupeuses contrées apaisantes ; soit ça piquera une tête dans la bassine marécageuse du punk pour se surprendre hagard un triste soir de novembre à déprimer sur Amebix et Antisect. Les plages estivales seront bien loin à ce moment-là, je peux vous l’assurer.

 

Bref, Militarie Gun nous vient de Californie ; et pose son parasol sur une plage qui s’est vue à l’origine assombrir par l’ombre du drapeau noir, avant de devenir le théâtre des rencards ingénus des journées verdâtres du fin de siècle. Les gaillards n’ont pas eu besoin de se réunir pendant 41 été pour mettre la machine en route : après trois EP éjectés en 2021 et 2022, la formation des anges nous jette à la gueule son premier LP en juin 2023 assorti de sa crème solaire, son sac banane et ses chopes fraiches (premier véritable signe de l’embourgeoisement avant le mariage malheureux et la vilaine propriété). Parce que ne tournons pas autour de Kennedy canés : Militarie Gun s’inscrit dans le sillage tracé par Turnstile, au même titre que les High Vis, Gumm et Phantom Bay. De quoi arracher le backpatch Discharge au vieux briscard échoué au bar. Courage l’ami.

 

Voilà qu’en douze titres pour un total de 28 minutes à peine, Militarie Gun brasse l’héritage de toute cette scène pop punk en la mixant à un punk hardcore, – par conséquent – fort adouci ; le son polissé par une production qui sent la javel mais pas trop – histoire de caresser les oreilles des profanes tout en les persuadant de la nature abrasive du bousin. Évidemment, on peut sempiternellement soulever le débat sur la pertinence du truc dans la famille déjà bien morcelée du punk hardcore ; mais la violence verbale n’a jamais été ma came. Au pire : hurle un bon coup et revient dans la fosse profiter de l’accolade.

 

Parce que bon, on peut se la jouer de mauvaise religion pendant des plombes, ça ne changera rien au fait que ce Life Under The Gun est un instantané de plaisir. Je vais l’avouer : ce sourire collé aux lèvres sans crier garde à l’écoute « Big Disappointment » alors qu’il était gravé sur ma face depuis le premier titre ne berne personne. Chaque titre est une douceur qui contient en son sein ce petit parfum de nostalgie à même de dissiper les affres du temps et d’évanouir toute tendance suicidaire. On sourit bêtement à mesure que s’enchainent ces refrains entêtants et ces riffs de guitare chatoyants ; une bonhomie contagieuse qui s’illustre à merveille sur les « Do It Faster », « Very High », « Never Fucked Up Once » et « Seizure Of Assets », s’il fallait extirper quelques titres d’un disque efficace de bout en bout. Alors oui, ce n’est pas avec ça qu’on réinventera le monde, ni même qu’on l’enterrera. Mais bon, on s’y est fait avec l’âge.

 

C’était Alex le grindosaure : un désamusé qui se rappelle qu’avant de s’exciter sur Scum pour apaiser ses peines, celui-ci avait d’abord fait ses gammes sur American Idiot dans l’éclat radieux de ses 12 ans. »

photo de Arrache coeur
le 22/11/2023

4 COMMENTAIRES

Dams

Dams le 22/11/2023 à 10:47:52

J'ai trouvé quelques noms dans la chro, jolie exercice.

Sinon le groupe me fait plus penser à la scène Punk Rock Emo, je pense à Hot Water Music, Strike Anywhere, Senses Fail,  par exemple.

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 22/11/2023 à 11:03:48

Jamais passé par la case American Idiot perso. Mais très bonne chro.

Tookie

Tookie le 27/11/2023 à 14:46:50

Bien. Bon ce débat avait fait rage (et pris une ampleur stupide) sur la place de Turnstile dans le hardcore sur ce site. Mais je vais mettre une pièce dans la machine à côté de Militarie Gun. Quand j'entends l'intro de "Will Logic", j'entends Interpol. Quand j'entends toute une flopée d'autres titres je pense plus rock anglais des 90-00's. J'entends aussi le punk rock emo de cette période. En fait j'entends beaucoup de choses sauf le lien avec le hardcore, aussi "popé" soit-il...et je n'entends pas non plus le lien avec Turnstile. Après tout, tout le monde voit et entend ce qu'il veut à sa porte.
Toujours est-il que depuis des semaines que je m'envoie ce qu'ils font, je suis à chaque fois enchanté...Franchement c'est cool ce qu'ils font, ça passe bien, c'est léger, limite du easy-listening (d'ailleurs s'ils sont sur la BO de NHL 24 c'est bien parce que ça passe bien pour beaucoup) mais ça manque un petit peu d'énergie pour moi. J'hésite à me faire un live le groupe passant bientôt pas très loin de chez moi.
(Et merci pour la sympathique chro qui m'a donné à nouveau l'occasion d'y jeter une oreille heureuse)

Arrache coeur

Arrache coeur le 08/05/2024 à 17:25:04

Et bien mince Tookie, je n'avais jamais remarqué ton commentaire (merci le hasardandco de tomber dessus). Bon, il n'est jamais trop tard pour y répondre. 😬

Alors pour le lien avec Turnstile, je t'avoue que c'est davantage comment le groupe est "vendu" : que le succès du premier a ouvert la voie à des formations dont l'esthétique est similaire, en empruntant ses codes visuels et esthétiques. De Facto, j'ai l'impression que les labels jouent énormément sur cette filiation, d'où la remarque dans la chro (et j'avoue aussi de forcer le trait étant donné l'écriture du texte).
Sinon, effectivement, je commence seulement à me replonger dans la scène indie des 90-00's et je vois les liens que tu évoques. Cela ne m'avait malheureusement pas sauté à l'oreille à l'époque.

Bon, ça me donne l'occasion de le réécouter et de me rendre compte qu'il est toujours aussi efficace. Merci pour ton commentaire (avec beaucoup de retard) !

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