Concrete Age - Motherland
Chronique CD album (42:08)

- Style
Caucasian Brutal Folk Party - Label(s)
Soundage Productions - Date de sortie
4 avril 2024 - écouter via bandcamp
Concrete Age, voilà un groupe qui porte bien son nom. Parce que depuis que l’on a croisé sa route, on n’a effectivement eu droit qu’à des albums en béton. Armé, le béton. Et de gros calibres ! Oui, parce que « concrete » veut aussi dire « béton » en londonien, bande de francophones intégristes ! À ce titre, vu à quel point Motherland – et Bardo Thodol avant lui – est solide, il serait justifié que le groupe demande un endorsement auprès des industries Lafarge, tant l’album est solide. Par contre, non, la présence, quelques lignes plus haut, d’une synecdoque qui fait de Londres l’unique représentant de l’anglophonie, n’est pas qu’une pure coquetterie : c’est également l’occasion de rappeler que certes, Concrete Age est un groupe russe. Mais celui-ci s’est relocalisé dans la capitale outre-manchienne depuis un bail déjà. Et ce choix, tout comme un cosmopolitisme militant, prouve à qui voudra bien l’entendre qu’on pourrait difficilement le taxer de ramassis de poutinolâtres.
Mais si l’opus précédent mettait en effet l’accent sur l'amour prononcé que Concrete Age manifeste pour les sonorités Folk d’un peu partout autour de notre petite baballe bleue, le 9e tome de leur discographie se recentre cette fois plus ostensiblement sur le nombril culturel du groupe. Car ainsi que le titre le clame haut et fort, cette fois c’est leur mère patrie qui a inspiré les dix titres nouveaux. Mais ne vous y trompez pas : nulle ode, ici, à l’âme slave, aux chœurs de l’Armée Rouge, ou à l’annihilation des « nazis ukrainiens » et des « Tchétchènes de fond d’chiottes ». Non, les membres de Concrete Age sont nés entre mers Noire et Caspienne, à peu ou prou la même latitude que Gênes et Agen. Ils sont donc presque plus méridionaux que moscovites. C’est pourquoi cet hommage à leurs origines ne vous offrira nulle version broudôl de « Kalinka », mais bien un Metal velu coloré d’accordéon, de chants polyphoniques, de cornemuse et autres percus ayant plus à voir avec Dirty Shirt, ou même Tengger Cavalry, qu’avec le Groupe Wagner.
... Attendez-vous donc à quarante minutes de « Caucasian Brutal Folk Party » !
Brutal, oui, car nos amis ne se contentent pas de quelques guitares accordées dans les chaussettes pour sonner méchant, ni de Teutonic Torse-Poil Thrash mid-tempo. Le registre de ce bien bel Age, c’est un Thrash/Death tantôt tribal, tantôt exigeant, tantôt extrême. Entre le Sepultura de Roots, Besieged (sans la prod’ old school), et un Vader légèrement emblackifié (écoutez donc le début de « Cossack’s Pride », une fois les « LaLaLaï » rengainés). Et c’est d’ailleurs là l’un de leurs points forts, qui les tiendra à jamais éloignés des critiques émises à destination de tous ces joyeux lurons dont le pagne et le biniou n’inspirent pas plus de respect que les loques d’un poivrot baignant dans son vomi sous une table de l’Oktoberfest.
Mais il ne suffit pas de grogner fort pour convertir un lapin jaune, que ce dernier soit fan d’Archspire ou non. Il faut également le faire voyager, lui injecter de l’endorphine dans les ventricules, laisser le souffle épique d’épopées fantastiques étriller son pelage moutarde. Or, en la matière, les gugusses qui nous régalent aujourd’hui sont des maîtres. Et l’enchantement démarre dès les premières secondes de « Raida Rada », porté par des chants sentant bon le Moyen-Orient septentrional, puis renforcé par de la grosse foncerie cavalant sans se soucier de ce que reflètent les rétroviseurs. Je ne vous gaverai pas avec l’habituel envrac-by-track, pour rester concentré sur les plus beaux souvenirs créés par cette nouvelle rencontre discographique. Parmi lesquels « Mestizo », titre réjouissant mais furieux, aux faux airs de porte-étendard. On craque également pour la fébrilité de « Mouth of the Elbrus », pour l’instrumental « Shalaho » (qui irait comme un gant à une sortie estampillée Dirty Shirt), ainsi que pour le superbe final « Adeghaga », dont les mélopées caucaso-apaches nous emmènent à dos d’aigle pour un vol majestueux adressant aux randonneurs nomades le salut millénaire des crêtes enneigées.
On vous prévient : écouter Motherland donne envie de dégainer sa plume de poète tzigane pour rédiger la quatrième de couv’ de l’édition 2024 du Guide du Routard dans le Nord-Caucase. Ou de réserver trois semaines dans un gîte à Sotchi. Ou à Gagra, en Abkhazie. Ou à Anaklia, en Géorgie. Histoire de goûter aux délices des rives orientales de la mer Noire. Ou pourquoi pas de tenter l’ascension du Mont Elbrouz par sa face nord. Ou de s’adonner à une chorégraphie mi-pogo, mi-shalakho, afin de purger un trop plein d’énergie vitale. Bref : ce 9e album de Concrete Age ne laisse pas indifférent – sans qu’il y ait d’ambivalence dans cette expression, les mauvaises vibes n’étant pas invitées à cette fête folklo-métallique.
La chronique, version courte: Motherland continue de décliner le credo artistique de Concrete Age en mêlant sonorités folkloriques et férocité métallique (du Thrash/Death à la Sepultura, parfois rehaussé de blasts et de shrieks), les premières se cantonnant cette fois à un registre purement caucasien. Ce 9e album célèbre en effet les racines de ces natifs du Kraï de Stavropol (… on laisse la Fée Internet vous en dire plus), le supplément d’âme naturellement injecté pour l’occasion permettant à ce nouveau millésime de nous remuer la tripaille plus fort encore que l’excellent Bardo Thodol, livré tout juste un an auparavant.
3 COMMENTAIRES
noideaforid le 23/05/2024 à 18:24:55
Ça bute! Ça reste quand même moins direct qu'un dirty shirt. Il faut pas mal d'écoute pour rentrer dans leur univers, ça brasse dans tellement de folklore ( il est toujours toléré ce mot?). Encore une bonne pioche Lapin ;)
Crom-Cruach le 25/11/2024 à 17:18:56
Même les Cromy peuvent changer d'avis.
cglaume le 25/11/2024 à 18:39:58
Héhé 😁
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