Xenophile - Systematic Enslavement
Chronique CD album (1:00:56)

- Style
Heavy Thrash prog - Label(s)
Autoproduction - Sortie
2016 - Lieu d'enregistrement Tartarus Studios
- écouter via soundcloud
A Xenoland, on avait jusqu'ici l’habitude de croiser des abrutis xénophobes, l’invincible Ender le Xenocide (lisez donc la fabuleuse Trilogie Ender, d’Orson Scott Card, qui commence le cycle du même nom), le sarköphile Henri Xaino, ainsi que les imprimantes Ranxenox (ok ok, j’arrête…). Ce n’est par contre que depuis tout récemment que l’on peut également y croiser pour la première fois les Américains de Xenöphile, dont le petit nom laisse à penser qu’ils sont plutôt pro-cosmopolitisme. Ce qui ferait plutôt chaud au cœur en ces temps où les réfugiés d’outre-Méditerranée qui n’ont pas été poussés à l’eau par Pince-moi font office de patates chaudes pour des gouvernements européens dont les roadmaps sont toutes écrites en suivant le GPS des prochaine échéances électorales.
Alors certes, les intentions patronymiques de ces nouveaux venus sont tout à fait louables. Mais qu’en est-il de leurs intentions métalliques? Eh bien il semblerait a priori qu’elles soient tout aussi pertinentes si l’on en croit le micro-buzz qui a un temps enflammé certaines communautés bien informées de la thrashosphère…
« Rhâââ: tu vas cracher le morceau, dis, raclure suspensophile? 'y en a marre de tes sous-entendus sibyllins! »
Attend un poil Pascal: on n’a même pas encore expliqué aux lecteurs avec quelles armes nos Américains se battent. Sachez donc, amis usagers des colonnes CoreAndCoïennes, que Xenöphile pratique un Thrash metal progressif dans lequel un sachet de Heavy a looooonguement infusé. Pour vous résumer le tableau en une phrase: Systematic Enslavement propose une heure de basse et de guitares joliment affutées, évoluant à la limite du Techno-Thrash, celles-ci brodant de longues pièces sophistiquées – progressives quoi – au sein desquelles émergent un chant Heavy/Prog un peu guindé, des vindictes Speed/Thrash old school (proches, parfois, des débuts de Metal Church), plus quelques chœurs typés brodeurz-of-metôôl. Potentiellement du matos de premier choix, donc.
Le problème? L’adjectif « guindé », croisé au hasard du paragraphe précédent, vous en aura donné un avant-goût. Car autant les parties instrumentales de cet album sont relativement juteuses, autant il faut s’assurer d’être d’humeur adéquate pour se fader ce chant ampoulé, plein de trémolos précieux et de pics aigus. Sinon on a vite fait d’avoir envie de conseiller à Ron, le principal avaleur de micro, d’engager un chanteur évoluant dans un registre plus grave, plus jeune et plus hargneux, ou à défaut de mettre son talent au service d’une formation ayant plus ouvertement opté pour le Heavy/Prog à haut-de-forme et queue-de-pie. Bref: d’arrêter de ruiner les belles parties bien mordantes de ses confrères (et de lui-même, le gugusse maniant aussi la guitare). M’enfin disant cela j’accuse le chant de tous les maux, alors qu’en fait les tords sont moins unilatéralement répartis. Parce qu’en matière de chochoteries un peu lourdingue, la roudoudou song « Faceless Destiny » se pose là, elle aussi. Parce que commencer la moitié de ses titres par un peu de gratouillis électro-acoustique trop mignon, ça va un moment. Parce que le final « In The Ruins » dégage une certaine impression de maladresse hésitante, de faiblesse chevrotante, de gnangnantitude larmoyante. D’ailleurs putain, c’est incompréhensible: comment peut-on finir un album comportant de tels moments de bravoure sur un tel monument de nunucherie (… qui, malgré tout, comporte de belles choses)?
Bon, là je laisse éclater mon agacement avec une virulence un peu exagérée, m’enfin la vérité c'est aussi qu'en de nombreux endroits Xenöphile provoque de vrais moments de plaisir thrashesque intense. Lors de beaux breaks bien reluisants, lors de solos expertement troussés, et sur un « Suffer Unto Tiranny » dont le début flirte avec le Thrash/Death à la Revocation, puis avec le coup de surin Slayerien.
Alors oui, sur son premier album Xenöphile nous offre un Thrash prog racé de 1er de la classe en musicologie, et fait montre d’une belle technicité, tout en sachant éviter les excès d’esbroufe. Mais malgré la finesse de la chose et le brillant des chromes arborés par les guitares twins, notre enthousiasme se retrouve tiédi par 1) le côté sentencieux et guindé (donc) du chant et 2) une orientation Prog trop typée "Heavy à dentelles"... M'enfin l'honnêteté m'oblige à reconnaître que le problème vient moins de la qualité de la musique que de mes attentes, et de la façon dont la Bonne Fée a modelé mes connexions neuro-auriculaires lorsqu’elle a headbangué au-dessus de mon berceau. N'empêche, une chose est (pour moi) certaine: ce n'est pas encore ce nouveau venu qui sera le Messie capable de mettre tout le monde d’accord en faisant du Thrash progressif le dernier sous-courant à la mode. On laisse ça pour un éventuel retour de Nevermore…
PS : je ne suis pas hyper tendre avec les Américains, et c’est d’autant plus vache que lorsque l’on commande leur album depuis l'Hexagone, les loustics n'adaptent pas le prix demandé en fonction du qui et du où. Du coup le prix payé ne couvre même pas les frais de port... On ne pourra pas dire qu’ils font ça pour l’argent!
La chronique, version courte: « C’est moi Xeno, le petit nouveau, ami du lisse… Thrash progressif ». Rien de robotique dans l’art pratiqué par Xenöphile. Par contre, si d’un côté le Thrash technico-progressif des Américains est tout à fait impressionnant de maturité et de maîtrise, de l’autre un trop plein de maniérisme suranné l’empêchera de toucher véritablement la foule des Métalleux qui ont encore du mal à avaler que Martin LeMar soit passé derrière le micro de Mekong Delta.
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