Arka'n Asrafokor - Dzikkuh
Chronique CD album (45:25)

- Style
Afro-tribal Metal - Label(s)
Reigning Phoenix Music - Date de sortie
24 mai 2024
écouter "The Truth"
C’était il y a cinq ans. Un guerrier sur fond de savane, bouclier et lance à la main, annonçait la naissance officielle du Metal d’Afrique noire. Si si, on peut tout à fait présenter les choses avec cette solennité, même si, dans leur coin, d’autres avaient sans doute déjà bricolé des riffs d’ébène et de broc. Zã Keli, l'acte de naissance d’Arka’n, s’était imposé comme le premier véritable manifeste métallique digne de ce nom issu du continent africain, hors Maghreb. Et c’est peu dire qu’il avait été à la hauteur des fantasmes que votre interlocuteur avait pu développer par le passé, à l’idée de la possibilité d’un tel métissage !
Fast forward jusqu’à l’été 2024. Le monde a quelque peu évolué, depuis. Une pandémie, des conflits géopolitiques nouveaux. Et puis la petite bête IA, qui monte, qui monte… Un peu à l'image du groupe togolais, qui sort alors son deuxième album :
- sur un label établi, Reigning Phoenix Music, aux côtés de Meshuggah, Opeth et Deicide
- sous le nom étendu d’Arka’n Asrafokor (sans doute pour éviter la confusion avec l’Arkan créchant plus au nord)
- après de belles expériences sur quelques grosses scènes européennes, telles celles des Eurockéennes et du Motocultor
… Changement de division, donc, pour "Rock" Ahavi et ses amis !
Le constat ? La cuvée 2024 est plus mastoc, moins éparpillée, et exploite plus systématiquement ce qui fait la personnalité et la force du groupe : un métissage joliment équilibré entre Metal à guitares rugissantes et musiques locales pleines de percus et d’invocations de divinités animistes (une traduction des textes montrerait sans doute l'ineptie de ces derniers mots… il faut dire qu'avec un tel soleil, j’ai dû me choper une insolation).
Vous connaissez l’album précédent ? Vous ne serez donc pas étonnés de retrouver sur Dzikkuh ce mariage improbable de Sepultura époque Roots et d’un Youssou N’Dour sur les sentiers de la guerre. Les guitares y sont maquillées aux couleurs d’un Groove Metal thrashy, parfois armé de sonorités plus Death (on peut entendre l’amour de « Rock » pour Cannibal Corpse sur certaines aspérités de « The Truth », et plus encore sur « Angry God of Earth » – rdv à 0:30). Les percus sont plus que jamais aux premières loges pour nous remuer la couenne. Les accroches, parfumées au karité, à la muscade et aux fragrances de la savane, enivrent l’auditeur et lui donnent envie de mettre le cap au sud – ce qui est plus particulièrement vrai sur le grisant « The Truth », un « Walk with Us » qui cavale plus vite que ne le propose son titre, « Angry Gods of Earth » qui compense sa rugosité par une mélopée au déhanché imparable, ou encore un « Final Tournament » qui nous prend par la main dès ses toutes premières minutes.
En revanche, la dimension Rap et le chant en français ont quasi complètement disparu (sur « Asrafo » on peut toutefois encore entendre le flow d’Enrico). Ce qui n’est pas un vrai problème, à vrai dire. Plus problématique en revanche est la persistance de quelques « maladresses » :
- l'approche tribalo-sepulturienne s'avère parfois un peu trop basique (je ne suis pas un fan absolu de Roots, pour être honnête). Ça riffe un peu trop gras, un peu trop bas du front, alors que Mr. Ahavi a un niveau manifestement plus élevé que le « Maxou do Brasil »
- la prod’ a fait un beau level-up, mais il reste des moments où la lead et/ou le chant de « Rock » restent un peu faiblards, en retrait. Notez qu’on peut aussi y trouver un certain charme, une certaine authenticité, qui renforcent le feeling africain (à l’opposé du gros son lisse et passe-partout d’un Bloodywood)
- le chant de « Rock » n’est pas le point fort du groupe. Il est joliment rocailleux, mais assez limité
- certaines naïvetés perdurent, notamment au niveau des breaks (des exemples ? C’est laborieux, côté batterie, à partir de 4:21 sur « Mamade », et guère mieux huilé à 0:34 sur « Walk with Us »)
Par ailleurs, l’album finit sur ses deux titres les moins convaincants. Car « Home » ne (…me…) convainc pas vraiment, la recette restant certes la même, mais cette fois sans l’impact. Quant aux adieux, ils sont là encore assurés par LE morceau mélancolique de la tracklist. Et on ne me fera pas croire que finir l'aventure la larmichette à l’œil constitue le bouquet final idéal pour un opus plein de guitare et de fureur. D’autant que – je vous disais que le chant de « Rock » n’est pas le point fort du groupe – ce dernier refrain n’est pas franchement le mieux gaulé de la tracklist…
Toutefois, si l’on arrête de se prendre le tête sur des points de détails et qu’au lieu de disséquer l’album on se contente d’observer les traces que celui-ci laisse dans le dedans de notre boîte à vibrer, on constate 1) que les kiffs y sont plus réguliers et mieux uniformément répartis que sur Zã Keli, et 2) que le groupe garde une authenticité, une sincérité qu’on ne retrouve plus guère chez leurs collègues de label Bloodywood. (c’est de l’acharnement ? Peut-être…).
Alors certes, sans doute Dzikkuh pourrait-il être plus ceci ou moins cela. Il se trouve qu’il se contente juste d’être un bon album, original et pourvoyeur de tableaux sublimes, pleins d’étendues ocres, de cieux rougeoyants et d’énergie indomptée. Et cela suffit largement à mon bonheur. D’autant qu’ils ne sont pas nombreux à proposer ce genre d’offre métallique…
La chronique, version courte : Zã Keli avait démontré qu’Arka’n Asrafokor méritait d’accéder à la cour des grands – ceux qui innovent et parlent aux tripes… Et Dzikkuh confirme ! Mieux produit, plus focalisé sur la fusion gagnante mariant Sepultura période Roots (on simplifie : c’est le propos de ce résumé) et musiques nées à quelques lancers de javelots au nord de l’équateur, ce second album est certes encore perfectible... Mais il s’avère à la fois très bon, tout aussi unique que son prédécesseur, et à même d'offrir à l’auditeur un trip en Afrique bien plus authentique que ceux promis par les dépliants hollywoodiens vantant les mérites d’un Wakanda en plastique.
4 COMMENTAIRES
Buck Dancer le 30/04/2025 à 10:40:09
Bien d'accord avec la chronique. On peut pinailler sur certains points, mais l'efficacité et la personnalité de la musique l'emporte sur le petit manque d'originalité ( Sepultura tout ça....) et quelques facilités d'écriture. une belle réussite de metal et musique traditionnelle africaine.
Thedukilla le 30/04/2025 à 10:44:51
T’es dur avec Bloodywood, lapin !
Même si faut bien admettre que le dernier album m’a grandement déçu, la faute à une production « 100% plastique » et à une omniprésence d’élément synthétiques dispensables…putain t’es pas si dur en fait.
Mais je les aime bien, ça reste mes chouchous secrets ❤️
cglaume le 30/04/2025 à 12:01:42
J'avais aimé (... quand même) le précédent. Mais j'ai eu du mal à finir l'écoute du nouveau... Vas-y, chronique ! 🙂
Thedukilla le 30/04/2025 à 18:44:14
Je rajoute ça à ma liste, allez !
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