Point Mort - Le point de non-retour

Chronique CD album (43:25)

chronique Point Mort - Le point de non-retour

Exit la géométrie oculaire que l'on retrouvait jusqu'ici sur chacune des pochettes des productions de Point Mort. Pour ce second album Le Point de Non-Retour, la bande parisienne bascule vers le figuratif, qui évoque au premier regard (en tout cas dans le mien) un Guernica entremêlé du Cri, mélangeant deuil et tristesse, ainsi qu'un peu de douceur et de réconfort peut-être malgré tout dans l'étreinte.

Et si on commençait à s'habituer à la 'charte graphique' des précédents albums, je pense déjà qu'il s'agit d'un bon choix de faire en sorte que la pochette, première chose que l'on voit en tombant sur le disque donc, n'est pas simplement jolie mais raconte aussi quelque chose.

 

Quelque chose que l'on retrouve dans les paroles, marquées par une sombre tristesse, un sentiment récurrent de perte de soi et de sens et de n'avoir l'impression que de naviguer à travers les jours que pour finir inexorablement par s'échouer sur quelque récif, malgré quelques phares au loin qui de temps à autres permettent de se guider dans la nuit.

 

Pour l'annoncer très tôt dans la chronique, et faisons ici comme si vous n'aviez pas vu la note en tête de page pour maintenir le suspense jusqu'à ce que cette phrase s'achève, j'ai beaucoup aimé le dernier album de Point Mort, Pointless, et j'aime également beaucoup celui-ci. On peut dire que j'y ai retrouvé ses immenses qualités ainsi que ce qui m'y fait défaut, mais cette fois avec une finesse et une variété supplémentaires apportées à l'ouvrage.

 

Parmi leurs nombreux atouts en poche, Point Mort peuvent compter en premier lieu avec une qualité de composition vraiment admirable, ce que l'on note dès « An Ungrateful Wreck of Our Ghost Bodies », premier vrai morceau de l'album après son intro « ॐ Ajar » (aux sonorités déjà surprenantes pour ce qu'on connaissait du groupe auparavant, mais c'est pour le mieux!), pour une entrée en matière très frontale dont on sent bien qu'il sert de déclaration d'intentions pour le reste de l'album.

Autre point notable que l'on retrouve dès ce starting point : des morceaux qui vont tirer les minutes vers le haut, ce qui se place en contrepoint de l'apparente radicalité de départ, mais qui est tout à fait justifié par les qualités d'écriture dont on parlait plus avant : tout s'imbrique de façon fluide, des plans plus punk-hardcore à quelques sursauts syncopés du plus bel effet. Mais ces durées permettent aussi au groupe de se laisser aller à quelques expérimentations, bien aidé en cela par un autre immense bon point à leur crédit : la grande versatilité de Sam Pillay au mic', vraiment impressionnante au scream et divers degrés de chant saturé (je pense sincèrement qu'elle se place parmi les toutes meilleures screameuses du moment) mais disposant aussi d'un bel éventail de possibilités au chant clair (rien que sur « An Ungrateful Wreck of Our Ghost Bodies » ou on aura déjà plusieurs belles différences, mais on trouvera plus loin des inspirations plus proches du hip-hop, du parlé...). Je n'ai pas énormément de références en la matière, mais il me semble bien déceler l'influence de vocalistes telles que Julie Christmas ou Tatiana Shmayluk derrière certains choix et intonations.

 

Mais c'est aussi là qu'on trouve ce qui me fait personnellement défaut (mais que je trouve malgré tout très bien géré ici) : le chant clair et moi, on a une relation vraiment compliquée. Sans m'étendre là-dessus parce que ce que j'en pense perso n'est pas très intéressant, il en reste que le groupe parvient malgré tout toujours à rapidement me réaccrocher sans me perdre grâce à des parties screamées et plus virulentes vraiment extrêmement qualitatives, mais aussi grâce à ces nombreux changements de style, y compris en clair. C'est donc très réussi, plus que sur le précédent à mon goût, et nul doute que celles et ceux d'entre vous qui ont moins de réticences avec ce type de vocalises y trouveront tout à fait leur compte.

 

Et musicalement, et bien bordel, ça claque de bout en bout, allant explorer un peu tous les recoins du post-hardcore et une progression bien menée au sein des morceaux, chargés d'une vraie personnalité qui leur permet de se démarquer au sein de la scène. Chargé de moult émotions, cela promet de bien belles sensations en concert, là où Point Mort ont justement une réputation de se magnifier.

Espérons donc que ce fameux Point de Non-Retour soit celui du succès pour Point Mort, et que celui-ci ait bien été franchi, car c'est tout à fait mérité. Si vous évoluez dans des styles d'écoute proches de celui-ci, il serait vraiment dommage de passer à côté de ce disque.

 

A écouter mais toujours le point levé.

photo de Pingouins
le 25/04/2025

3 COMMENTAIRES

Thedukilla

Thedukilla le 25/04/2025 à 08:16:40

Superbe album, même si pour ma part, j’entendais plus de Julie Christmas sur les précédents, et plus d’inflexions à la Jinjer (dont je suis moins client) sur celui-ci.
Mais la maîtrise technique est bluffante, à tous les niveaux, et chaque morceau sait se montrer intéressant.
Mention spéciale aux textes, que j’ai trouvé extrêmement percutants, étouffants de ressassement et d’enfermement.

Tookie

Tookie le 25/04/2025 à 08:39:42

Excellent album ! Marrant, je lui ai trouvé aussi ce mix Julie Christmas / Jinjer, j'aurai ajouté pour faire mon chauvin Candice de Eths.
La pochette est à mi-chemin entre Munsch, Schiele et le Guernica de Picasso. 
Et c'est aussi à la croisée des genres tant on y retrouve des éléments (post-) hardcore / (black-) metal  saupoudrés de passages électro et paisibles. 
Lui aussi risque de s'installer dans le Top de l'année tant sa découverte semble sans fin ni lassitude.

Aldorus Berthier

Aldorus Berthier le 25/04/2025 à 11:52:48

Heureusement que c'est un groupe de post-hardcore ; dans quasiment n'importe quel autre style un titre d'album pareil aurait pu être porteur de mauvaises nouvelles...

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