Filthcrawl + Idiot Child + Mediated Form + Sidetracked + Decorticate - Post-Traumatic Stress Dysfunction
Chronique CD album (37:57)

- Style
Powerviolence / Grind - Label(s)
Paroxysmal Disorders of Consciousness Records / Abhorrent Creation Tapes - Date de sortie
7 mars 2025 - écouter via bandcamp
Une fois n’est pas coutume, on va démarrer par un petit disclaimer : je connais les gars de Filthcrawl (dont D., aux manettes sur la création de ce split). Je les apprécie, j’apprécie leur musique, et globalement j’ai jamais rien contre l’idée de partager un kebab avec eux après être allé voir Mysticum ou Dodheimsgard ensemble.
Maintenant, est-ce que je me farcirais la chronique de ce MONSTRUEUX split (46 pistes pour 38 minutes) si je ne les connaissais pas ? Oh que oui. Et j’invite le premier qui pense que je mens à se farcir à ma place les recherches Discogs que je viens de me tartiner sur tous les groupes, négligeant par là-même mon couple, mon chat, et mon avancée sur Civilization VII. CoreandCo c’est pas une vocation, c’est un sacerdoce.
Mais ça vaut le coup, z’allez voir.
Déjà on est sur de l’international. Et ça, c’est chouette, ça montre que ça se regarde pas le nombril, que ça a pigé qu’une scène qui vit, ça vit dans l’échange, dans le partage, et dans l’amour commun pour les mandales perdues dans le pit et les tartines de graisse de canard au p’tit-dej.
En plus on est sur du fait main, en indé, sur ces putains d’heures non-salariées déjà bien trop rares. Alors les consacrer à mettre sur pied un projet pareil, ça relève soit de l’exutoire absolument nécessaire, soit de l’auto-asphyxie volontaire (la glauque, pas la fun option David Carradine).
Et surtout : ça tabasse. De toutes les façons possibles. Bêtement, intelligemment, sournoisement, entre deux rames de métro, en prenant son temps, depuis les chiottes d’un motel miteux ou depuis les fosses de l’Enfer. Mais ça tabasse. Va falloir chercher un médecin-légiste avec « puzzle » dans la catégorie « Hobbies » de son CV si on veut débrouiller le merdier.
En attendant on va lui prémâcher le boulot :
La victime semble avoir été attaquée par un groupe coordonné, mais dont chaque membre a adopté une approche différente, au vu des différents modus operandi. Chronologiquement, l’assaut semble avoir été initié frontalement, dans la veine powerviolence la plus pure, flirtant parfois avec le grind, mais on reste globalement sur les fondamentaux : grattes lourdes, plans hardcore tough as fuck, voix de fond de gorge, prod pleine de testo. Les effluves de musc et d’érable laissent à penser que ce sont les Canadiens de Mediated Form qui ont lancé le bal.
La deuxième attaque était plus chirurgicale : coupure d’enveloppes entre les doigts, paupières au Ni Clou Ni Vis, on est sur du vicieux de compét’. Le gars semble opérer seul, mais n’en fait pas moins de dégâts, avec son raw fastcore de fond de garage à la production bien rouillée, bien souffreteuse sur la partie rythmique. 15 chansons achetée, la septicémie est offerte. L’assaut semble avoir été bref, aiguisé, et personnel : à tous les coups l’américain hyperactif derrière Sidetracked ça.
Mais c’est après que ça devient terrifiant. Parce que les suivants ont pris leur temps. Terminé les assauts répétés en-dessous de la minute, là on l’a joué à la flamme bien moyen-âgeuse : 2 morceaux à 3 minutes et plus, une prod qui joue la carte de la suffocation pure et dure, ça alterne entre plans énervés et riffs plombés de noirceur. Ça joue du sludge comme si c’était du grind et le résultat est tout bonnement terrifiant. Les tarés ont signé leur coup avec du surströmming dans les plaies. On n’a pas fini de voir les suédois d'Idiot Child dans la colonne faits divers.
Passer après ça, c’est pas évident, t’as vite fait de passer pour un amateur de la violence, tout juste un enthousiaste du sévice. Ou alors tu pousses les potards plus loin. Et on sent que ça s’est échiné à tenter le « toujours plus » : plus vite quand ça va vite, plus lourd quand ça ralentit, plus affamé quand ça éructe, plus éraillé quand ça hurle. Et le taf a été fait. On est clairement sur du chef de meute, dans le genre garant des règles de la powerviolence, et qui malheureusement paie son positionnement entre deux détraqués à la personnalité bien plus affirmée. Vu les similitudes avec la scène infâme du Conditioned by Violence de 2022, les Danois de Decorticate ont encore des choses à dire.
Vient alors le coup fatal. Et là on peut parler de chaos. Ou de fête, selon le côté du martinet où on se place. Prod monstrueuse, variations rythmiques, riffs entre powerviolence et grind, éructations pleines de coffre, interludes nombreux lorgnant du côté de l’ambient hip-hop (avec intervention de Sensational, un temps signé chez Ipecac), intervention de saxophone sur « In Sterquiliniis Invenitur », bidouillages electro-noise, tout est là. Et tout se tient. La marque de Filthcrawl.
On a retrouvé de nombreux indices qui laisseraient à penser qu’un sixième complice aurait pu se trouver sur les lieux du crime, observant, sifflant, passant les instruments, participant d’une ambiance mortifère. Le voyeur a signé Deceiver, mais tout le monde sait que c’est un alias pour Matt Goodrich de Water Torture quand il a plus envie de malaise que de tartes aux phalanges.
Enfin, de nombreuses œuvres et autres collages ont été trouvés aux abords de la scène, toutes de Paul Van Trigt, connu pour s’associer à tout ce que le monde compte d’affreux et d’underground. Tout comme Brad Boatright, qui semble avoir affûté les différents ustensiles utilisés depuis son studio d’Audiosiege, comme il l’avait déjà fait auparavant pour Full of Hell ou Sunn O))).
Des mecs bien sérieux ont fait des choses bien sérieuses d’une façon complétement cintrée à quelqu’un qu’avait rien demandé. Ça pourrait être tragique. Ça devrait être tragique.
Mais la victime souriait.
8 COMMENTAIRES
pidji le 15/05/2025 à 06:35:24
46 titres, rien que ça ! 😅
greg le 15/05/2025 à 09:51:12
Excellente chronique encore , très bonne recrue pour coreandco! Continue gars, tu régales !
Thedukilla le 15/05/2025 à 10:01:09
@pidji : la générosité c’est cool 🤣
@greg : merci pour la force !
Crom-Cruach le 15/05/2025 à 11:19:54
A boire à à tabasser sur ce split. Et chapeau pour la kro !
Thedukilla le 15/05/2025 à 13:07:02
@Crom : venant du Tabasseur en chef, merci !
Aldorus Berthier le 19/05/2025 à 10:26:26
Chro géniale pour un album génial. Merci collègue 👌
Thedukilla le 19/05/2025 à 17:01:14
@Aldo : tout le plaisir était pour moi 😊
Dubitatif Bob le 20/05/2025 à 07:50:09
Chro cool pour un album qui globalement fait très plaisir aux oreilles (petit plus pour ma part pour idiot child). Mais la question se niche dans le globalement : j'ai rien compris à la partie sidetracked, autant le reste était miel pour les oreilles autant là je pige pas le délire.
Tu parle de prod rouillée et souffreuteuse, c'est clair ; je rajouterai que le zig arrivé à être répétitif et à tourner en rond malgré la trèèès courte durée des titres.
En fait j'ai éprouvé le même sentiment que devant une expo d'art contemporain (domaine qui m'est assez étranger) où je me retrouvais par hasard voilà quelque années : confronté à un tas de pneu entassé à la va comme je te pousse avec un petit cartel devant, je me suis dit qu'il me semblait comprendre le concept derrière, voir ce que le gonz dénonçait, exprimait avec ce tas, mais ne comprenait pas ce qui faisait sensation/émotion derrière : du concept pur et c'est tout (à ce prix là pour moi autant lire un article ou un essai)
Ben là ça l'a fait un peu pareil : ok mais au delà du concept son cheap et violent durant 10s et on va tout ramasser à l'extrême, que reste t'il ? Au delà du concept quelle place est faite à la sensation (quelle qu'elle soit) qui pour moi est au coeur de la musique? Je ne suis pas arrivé à trouver et si quelqu'un peut m'expliquer je prends.
(Après avoir écrit cette tartine plus longue que la dizaine de tracks en question, je me dit que le commentaire en question est aussi vain que celles ci ; enfin bon.)
Merci pour le taf très soigné de chronique en tout cas.
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