The Donner Party - Cutting Class

Chronique CD album (37:12)

chronique The Donner Party - Cutting Class

Dès lors que l’on a compris que The Donner Party est un groupe de Crossover Thrash, et que nos yeux sont rentrés en contact avec la pochette joyeusement grotesque de Cutting Class, pour peu que l’on ait déjà croisé la route des très bons Pizza Death, on en vient à la seule conclusion logique : ça y est, ils l’ont fait, il existe dorénavant un groupe qui riffe à la gloire du kebab ! Sauf que oui, mais non : l’orthographe reste importante, même en notre époque de tweets à gros doigts et d’inculture généralisée. C’est « döner kebab », avec tréma et un seul N. Alors que les Américains dont il est aujourd’hui question ont deux fois plus la haine, et font très mal – mais pas au-dessus du O. En même temps, il est vrai que leur blaze a tout de même un lien avec la bouffe, puisque « The Donner Party » fait référence à un épisode tragique de la conquête de l’Ouest, pendant lequel – je vous la fais courte – un groupe de pionniers s’est perdu sur la route de la Californie, une petite moitié d’entre eux périssant de faim et de maladie, offrant aux autres, convertis sur le tard au cannibalisme, le carburant nécessaire pour achever leur périple.

 

Cutting Class est le deuxième album de ces joyeux patchés originaires du New Jersey, et il ne propose rien d’autre que du pur Crossover Thrash ainsi que SOD, DRI et bien d’autres en ont défini les contours il y a de cela un sacré bail. Avec toutefois une légère prévalence du Thrash sur le Punk/Hardcore, et un certain sens de l’humour potache rappelant Municipal Waste. Pas de guest prestigieux, pas de prod’ de folie (malgré un mastering assuré par Alan Douches – pourtant ça sent le garage), pas d’originalité particulière (un seul batteur, pas d’obsession pour la culture inca, pas de chant Black, nulle touches Electro ou Djent)… Au contraire, ce Crossover-là est aussi classique que le genre peut l’être, ce postulat incluant quelques samples pour cinéphiles « avertis », des morceaux très courts (parfois sous la minute), les habituels chœurs de déménageurs mono-neuronaux, ainsi que des breakdowns quasi-systématiques, qui mettent fin aux courses-poursuites fulgurantes des débuts de titres pour amener l’auditeur dans les arrières-cours coreuses où les matches de boxe clandestins se tiennent.

 

Et pourquoi donc faudrait-il accorder 37 minutes de votre vie à ce Nième manifeste de Prolo-Thrash sans singularité ni moyens décuplés ?

 

Parce qu’il possède ce je n’sais quoi, que d’autres n’ont pas, qui nous met dans un drôle d’état. Cutting Class il l’a (... il l’a !), ouh ouh Ouh-ouh, ouh Ouh-ouh. Ce don d'là-haut, qui le rend beau (… j’imagine la trogne de ceux qui n’ont pas la ref’ et qui doivent penser que j’ai définitivement cramé un fusible). À dire vrai, on pourrait presque faire le parallèle avec le dernier Lik qui, tout récemment, nous a administré une magistrale leçon de Swedeath sans pourtant rien apporter de vraiment innovant au genre. Voilà, toutes proportions gardées, c’est plus ou moins ça : Cutting Class est le Necro du Crossover Thrash.

 

Ne perdons pas trop de temps à dénigrer les quelques morceaux peu utiles dont l’absence aurait rendu la tracklist encore plus létale, afin de nous concentrer uniquement sur ce qui provoque chez nous d’agréables bouffées de chaleur. Ça démarre dès le bouillonnant « The Light At The End » qui riffe et cavale avec l’énergie du désespoir, tel un Slayer portant des basquettes à languette. Mais le groupe ne se contente pas d’ouvrir son album avec panache : il est tout aussi pertinent sur le coup de sifflet final, en lâchant pour l’occasion l’hymne « Serial Thrasher », qui semble avoir été pensé pour servir de bande-son à l’enterrement des plus hardcore des fans du genre. Entre ces deux climax, nos petits poucets ont semé plein d’autres pavés bien maousses. « Mondo America » par exemple, tout furax tout vénère, qui s’enfonce à intervalles réguliers dans un riffing plus sombre et bouillonnant encore. « Twice Dead », qui fait partie des 2-3 titres les plus mémorables et rapides de la plaque. « Gross Encounters Of The Nerd Kind », au riff aigu expertement tricoté, et au chant goguenard mais néanmoins rapide comme un tir de mitraillette. Mais aussi « Metal Mallitia », au titre clin d’œil et au refrain bien catchy, « I’m Not Amused », qui claque comme une taloche derrière la tête administrée par un pote relou, ou « Lethal Lunch », qui finit sur une touche slayerienne joliment apocalyptique.

 

Cutting Class n’est pas le genre d’albums pour lesquels on écrit une conclusion pleine de subordonnées, de subjonctif, et de « mirifique ». C’est juste l’un de ces concentrés d’énergie et de riffs qui secoue la pulpe, invite au mosh entre potes, et recharge les batteries en cas de coup de mou. Et dans le genre, il fait partie du haut du pavé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte : Cutting Class, 2e album de The Donner Party, peut être vu comme la réédition 2023 des Tables des Lois du Crossover Thrash. Excès de vitesse riffés malgré des freins usés ? Check ! Breakdowns et mosh times systématiques dans des pits puant la sueur ? Check ! Humour potache mais viril, sentant les VHS pour cinéphiles ? Check ! « Et pourquoi se faderait-on un nième opus aussi typé ? » vous demandez-vous. Tout bêtement parce que celui-ci est tout particulièrement jouissif, et que sa ferveur est carrément communicative. Ce sont des choses qui ne s’expliquent pas, mais qu’on vous invite à aller vérifier par vous-mêmes.

 

photo de Cglaume
le 14/05/2025

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