Lankum le 12/02/2024, Petit Bain (02/05/23) et Trabendo (12/02/24), Paris
Salle : Petit Bain (02/05/23) et Trabendo (12/02/24)
Paris
Ce soir-là, le groupe se souvient : « la dernière fois que nous sommes venus à Paris, nous avons joué sur un bateau ». Une remarque qui témoigne du plaisir qu’il éprouve à retrouver le public parisien, l’un des seuls à avoir la chance de l’applaudir sur cette nouvelle tournée dont quasiment toutes les dates françaises ont été annulées. C’était dans une plus petite salle, mais tout autant bourrée à craquer que lors de ce second passage en moins d’un an au Trabendo. Au Petit Bain, le bien nommé, la France sortait à peine des débats tumultueux sur la réforme des retraites. Le quatuor avait eu droit à un chant entonné en choeur par le public, qui donna à la soirée, l’espace de quelques dizaines de secondes, des allures de rassemblement contestataire chahuté par la légère houle de la Seine. Les musiciens ne comprenaient pas les paroles, mais un large sourire se dessinait sur leurs visages respectifs. Il régnait dans la salle une certaine connivence de manif. On sait les liens qui unissent les Irlandais et les Français. Ces 2 peuples se comprennent. Chanter les souffrances et les luttes, ils savent faire. Au Trabendo, l’ambiance s’apparentait davantage à celle d’un pub de Temple Bar, avec les harangues avinées du public et les réactions amusées des musiciens. A la sortie, je marchais d’ailleurs derrière 2 potes, visiblement Irlandais, titubant littéralement sous les effets d’une bonne soirée à écouter de la bonne musique. C’est toujours mieux que de croiser un caniche.
Si le public français ne compte pas parmi les plus expressifs de la planète, il a tout de même réservé au groupe, les deux fois, un accueil emprunt de chaleur et de recueillement qui sied parfaitement à sa musique folk que les ténèbres, tapies en embuscade, embrassent et enveloppent de leur cape faite de drone inquiétant. Dès les premières mesures de « The wild rover », le ton est donné. Les 4 membres, chacun assis sur une chaise, occupent la largeur de la scène : un dispositif figé qui, hormis l’apport d’un jeu de lumières sobre mais précis, ne s’embarrasse pas de vains artifices. A l’instar d’artistes et de groupes dont le jeu de scène se confond à merveille avec leur charisme, comme Mono, Godspeed You! Black Emperor, Swans, David Eugene Edwards, Emma Ruth Rundle en solo, liste non exhaustive, Lankum livre toute l’étendue de son talent dans la seule interprétation de son répertoire, avec l’humilité et la simplicité qui constituent l’apanage des conteurs-passeurs, ces ménestrels qui vous racontent et donnent vie à des histoires pour mieux entrer en communion avec vous, qui préfèrent le partage à la séduction. Mais qui séduisent en partageant. Pour le reste, ils sont sur scène comme dans la vie. Tenues simples. Sur la scène du Trabendo, Ian Lynch arbore néanmoins un T-shirt en hommage à Shane MacGowan, le chanteur des Pogues disparu quelques mois auparavant. A jamais dans les coeurs.
Les cordes du fiddle diffusent une discrète ritournelle grinçante, avant que Radie Peat immisce sont chant, plein de mélancolie. Les voix masculines viennent alors appuyer certains passages, comme autant d’âmes convoquées à la messe. Les paroles se chargent de sens au son des motifs répétitifs comme autant de cycles infinis d’une errance. La setlist, quasiment la même lors des 2 concerts, à quelques exceptions près (Le Petit Bain aura eu droit à « Lord Abore and Mary Flynn » tandis que le Trabendo aura applaudi « Lullaby » et une reprise des Pogues pendant le rappel), se déroule alors avec fluidité, mêlant avec homogénéité extraits du dernier album False Lankum et titres plus anciens. Les titres prennent leur temps, se déploient, gagnent en intensité tandis que les lignes de chant s’entremêlent et que les instruments bourdonnent. Juste avant le rappel, le concert se termine avec le désormais incontournable « Go dig my grave », avec ses 2 parties qui vous arrachent les tripes. La 1e tout en litanie hypnotique et la seconde faisant basculer le titre dans une rumeur de fin du monde.
Sans avoir à forcer le trait, Lankum donne corps et âme à son répertoire sur scène. Les fantômes dont les chansons nous narrent les destins tragiques s’invitent à la fête dans un cortège d’émotions et on se surprend à leur prendre la main dans un élan de communion universelle. Le tout en passant allègrement de la légèreté acoustique à la lourdeur électrique et expérimentale. Sans drama mais in fine, avec le sourire aux lèvres, celui qu’on affiche discrètement quand on éprouve la sensation consciente d’être vivant. A l’instar de ces 2 compères joyeusement avinés à la sortie du Trabendo.
2 COMMENTAIRES
8oris le 15/03/2024 à 11:31:03
Superbes clichés! Bravo Moland !
Moland le 15/03/2024 à 11:47:26
Merci, Boris. :) Gros kif de les shooter. A ne pas manquer, en live, si tu as l'occasion.
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