Nile - Vile Nilotic Rites

Chronique CD album (54:54)

chronique Nile - Vile Nilotic Rites

Si l’on s’en tient aux chroniques de Cobra Commander en ces pages (bim et bam), on conclura que ces dernières années cela va de mal en pyramide du côté de chez Nile, les deux dernières livraisons des Américains étant, selon ses dires, plus proches du bilan de Tout-en-carton que de la gloire lointaine de Ramsès II. Cependant ce serait malhonnête de mettre sur le dos de cet ancien collègue à écailles mes récentes lacunes en terme d’égyptologie death-métallique: ce n’est pas la faute de ses virulentes chroniques si j’ai lâché l’affaire suite à la sortie de In Their Darkened Shrines – c’est juste que je m’étais alors un peu lassé de cette grandiloquence de tous les instants et de ces compos épaisses et tourmentées comme une rafale de vent des sables pendant une tempête du désert.

 

Sauf que tout cela est loin maintenant, et que l’atmosphère poussiéreuse des catacombes et les cérémonies occultes exécutées à la lueur de la torche me manquent. Vile Nilotic Rites, papyr[-op]us n°9 de la bande à Karl Sanders, arrive donc avec un timing parfait. D’autant que l’état d’esprit du pharaon de Caroline du Sud semble être en phase avec mes attentes, celui-ci ayant pris du recul – 4 ans, ça laisse le temps de faire une bonne distance en moonwalk – avant de plonger à nouveau dans les eaux sombres du Nil. Une fois le grand vizir Dallas Toler-Wade remplacé par Brad Parris à la basse et Brian Kingsland à la gratte (deux parfaits inconnus comparés à la notoriété du toujours titulaire George « Abou Cymbales » Kollias), le grand seigneur blond s’est attelé à l'écriture d'un album aussi monumental qu’équilibré.

 

Alors, l'affiche dit-elle vrai: toujours vénère (Vile Nilotic Rites, eh oui) Nile?

 

Oh que oui: sur ce point pas de changement. Pas plus que sur les prétentions du groupe. La pochette est d’ailleurs un reflet fidèle de l’état d’esprit de ce dernier: toujours aussi sombre, massif, véhément, occulte, majestueux… Pas question de renier les fondamentaux! Sans parler de la thématique qui, s’il elle s'écartait un tant soit peu de son cap, déclencherait les foudres conjuguées d’Anubis et des fans. Du coup le lapin jaune retrouve les Américains exactement là où il les avait posés la dernière fois. Ce qui n’est pas déplaisant, vu que c’est la nostalgie et une situation de manque qui l’avaient poussé vers ce promo. Et dès « Long Shadows of Dread » l’amateur – et ma pomme, donc – en a pour son argent: impétueux et menaçant, le groupe assène des riffs complexes qui zèbrent l’espace sonore avant de terrasser un auditeur déjà passablement secoué par des blasts sans pitié. Des murs épais suintent des fluides douteux, une procession funèbre avance au loin dans les couloirs, un chorale de guerriers spectraux rugit sur le seuil du tombeau, des pur-sang aux naseaux exhalant soufre et feu piaffent d’impatience… Du Nile archétypal, donc.

 

Mais, obéissant à une volonté d’emporter une large adhésion, Karl ne se contente pas d’écraser ses fans sous des assauts monolithiquement implacables. Ainsi certaines compos optent pour un riffing plus Thrash (« The Oxford Handbook of Savage Genocidal Warfare » et ses guitares fulminantes, le virulent « Snake Pit Mating Frenzy », les ruades de « Where Is the Wrathful Sky »…), tandis que quelques cartes postales du Moyen Orient plus ouvertement folklo' sont disséminées de-ci de-là, afin que l'effet de contraste accentue l'impact des assauts purement métalliques (l’ondulation lente ouvrant « That Which Is Forbidden », l’interlude Charmeur-de-serpents-à-sandales « Thus Sayeth the Parasites of the Mind », les percus qui secondent les saccades en une superbe danse du ventre à 1:30 sur « Where Is the Wrathful Sky »…). Par contre, si les atmosphères occultes et pesantes continuent d’être la norme, le faste lui, n’est pas systématique, seuls quelques morceaux s'avérant avoir véritablement des dimensions peplumesques (cf. le couple « Seven Horns of War » / « That Which Is Forbidden »). Un peu d’air pur est même insufflé par l’intermédiaire de touches de chant Heavy théâtral (vers 5:00 sur « The Imperishable Stars Are Sickened ») ainsi que d'une pincée de chant féminin (à la fin de « Thus Sayeth the Parasites of the Mind ») – rassurez vous, ces dernières coquetteries restent anecdotiques.

 

Alors très bien, mais au bout d'une heure de malédictions multi-millénaires et de parties de jambes en l’air dans les bandelettes, que reste-t-il de cette nouvelle sortie? Le pari de Karl est-il remporté? Ou bien est-ce cette fois encore la fête à la Sothis?

 

Eh bien ce n’est pas cet album qui fera dire aux détracteurs du groupe que celui-ci a sombré corps et bien dans la médiocrité. Non, Vile Nilotic Rites est un œuvre toujours aussi ambitieuse, mais plus équilibrée, plus nuancée (... manquent quand même de gros guillemets là!), et bénéficiant d’une production qui fait cohabiter intelligemment les uns et les autres, sans que quiconque n’ait à se plaindre ni qu’un coup de balais trop violent n’ait fait disparaître la poussière nécessaire à la retranscription de ces atmosphères catacomborientales. On note que le choix d’injecter un supplément de Thrash véhément porte ses fruits (« Snake Pit Mating Frenzy » et « Where Is the Wrathful Sky », médailles lapin-jaune des morceaux les plus sympas), mais que globalement l’album nécessiterait encore un petit supplément d’aération pour qu’on arrive à y dénicher un vrai tube qui reste en tête et donne envie de replonger sitôt dans les dunes. Par ailleurs, mauvais point: le conclusif « We Are Cursed » donne l’impression de n’être qu’un long début de morceau lancinant qui ne prend jamais vraiment corps. Pendant presque 7 minutes on attend l’embardée, le coup de rein qui annoncerait le décollage vers un vrai feu d’artifice digne de ce nom… Mais celui-ci ne vient jamais. Bordel que c’est frustrant, d’autant que cela impacte négativement l’impression qui nous reste après coup… 

 

Alors oui, on ressort quand même impressionné de l’écoute de Vile Nilotic Rites. Mais malheureusement pas non plus captivé, et avec le désagréable arrière-goût laissé par « We Are Cursed ». Bref: bilan momie-figue, momie-raisin.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Vile Nilotic Rites est un album archétypal de Nile – imposant, véhément, occulte, menaçant –, sans doute plus équilibré et varié que la moyenne, mais à la densité telle qu’on n’y respire pas toujours à son aise. Autre défaut: il finit en relative eau de boudin. Du coup, bilan mitigé. Mais les non-claustrophobes amateurs de strangulation dans les profondeurs d’un temple maudit continueront de kiffer, parce que la déco est toujours aussi impressionnante.

photo de Cglaume
le 07/11/2019

9 COMMENTAIRES

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 07/11/2019 à 18:31:58

Une kro excellente par mon dominus à jamais, pour un album, qui, même si éloigné de la de la bataille de Qadesh d'antan, défonce encore bien son Moïse dans le désert.

cglaume

cglaume le 07/11/2019 à 19:09:45

Dominus? Mais non. Ou alors dans des rapports SM consentants :D

gulo gulo

gulo gulo le 08/11/2019 à 09:14:38

Riffs thrash, chant heavy théâtral, aération... Mais dites moi, est-ce qu'on ne reviendrait pas un peu vers les débuts, et un Worship the Animal qui est un de leurs tout meilleurs pour moi ??

gulo gulo

gulo gulo le 08/11/2019 à 09:15:05

(vraie question ci-dessus, en fait, au cas où ce n'est pas clair)

cglaume

cglaume le 08/11/2019 à 09:36:13

"j’ai lâché l’affaire suite à la sortie de In Their Darkened Shrines"

"le lapin jaune retrouve les Américains exactement là où il les avait posés la dernière fois. "

;)

gulo gulo

gulo gulo le 08/11/2019 à 10:59:01

Mouais ; me rappelle pas des masses de thrash et de heavy sur ITDS, mais OK.

cglaume

cglaume le 08/11/2019 à 14:17:32

Le chant heavy concerne un bout d'un morceau. Le côté Thrash, deux morceaux.

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 09/11/2019 à 19:00:23

Marrant cette reprise d'un des thèmes de LOTR à 6;15 de Seven Horns of War, au fait !

dimegoat

dimegoat le 04/12/2019 à 10:40:40

Il y a aussi le thème de Godzilla contre Mothra en ouverture du même morceau. Dans cet album Nile se plagie lui-même autant qu'il plagie les autres.

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