Ni - Interview du 27/01/2024

Ni (interview)
 

Je dois commencer cet entretien par un aveu. Je vous ai découverts avec votre dernier album, et ai constaté que vous existez depuis un bon moment, alors nous allons orienter cette interview pour celles et ceux qui comme moi vous découvrent. Commençons par le nom. Il paraît qu’on l’écrit sans la capitale, tout en minuscules. J’ai lu une chronique dont l’auteur insistait sur cette règle à chaque fois qu’il citait votre nom.

 

Ni : ça dépend. Si c’est au début d’une phrase, il convient d’utiliser une majuscule, mais au milieu d’une phrase, t’es pas obligé. Y en a qui mettent un point d’exclamation après. D’ailleurs, ce serait plus pertinent d’avoir cette ponctuation de manière systématique, ce serait plus facile de nous trouver sur Google. Le nom du groupe, c’est un suicide commercial dès le début, de toute façon. Mais ça se prononce comme chez les Monty Python.

 

Alors, la référence à Sacré Graal est évidente, et le titre de votre dernier album est en ancien françois. Vous maîtrisez l’ancien françois ? Vous êtes plutôt Louise Labé, François Villon, ou Chrétien de Troyes ?

 

Ni : Plutôt Rabelais. Le vieux français gargantuesque, généreux. Pas romantico dépressif mais plutôt dans l’exagération. Et la bonne humeur.

 

Adonc, qui êtes-vous ? Vous venez de Bourg-en-Bresse et ni est bâti sur les cendres d’un autre groupe, Diatrib(a) avec les parenthèses, plus facile pour le référencement.

 

Ni : cet ancien groupe comptait déjà dans ses rangs les 2 guitaristes et le batteur de ni. Il a existé entre 1999 et 2009, et puis on a rencontré Ben (Benoit Lecomte, bassiste) et l’aventure de ni a commencé.

 

NI !

 

Musicalement, vous me parliez de Gargantua, comme référence. Effectivement, votre musique s’avère très dense, ça part dans tous les sens. Les références musicales auxquelles on pense quand on vous écoute sont King Crimson, Magma, un pont entre le jazz-rock et le math-rock… Vous validez ces références ?

 

Ni: Pourquoi pas, mais on n’a pas toutes les mêmes, individuellement, même si, en ayant grandi tous ensemble, on en a en commun. On s’intéresse à tout ce qui relève de la musique rythmique, comme ce que peut faire Meshuggah ou Goat, le groupe japonais. Mais ce qui nous a surtout fasciné, c’est l’énergie du rock, la déflagration que tu peux te prendre en live. C’est cette intensité qu’on recherche. On se souvient d’un concert de Rroselicoeur qui nous avait marqués, quand on était encore lycéens.

 

En termes de composition, comment vous travaillez pour arriver à quelque chose d’aussi dense et à quel moment vous vous dites que vous avez un morceau fini ?

 

Ni : C’est traître comme question, car on ne sait jamais. En réalité, il arrive un moment où on l’intuition que là, il n’en faut pas davantage. Mais d’une manière générale, c’est souvent un des musiciens qui propose un titre clé en main qui se tient du début à la fin. Il apporte une version déjà bien aboutie. Puis, arrive une seconde étape pendant laquelle on transforme cette mouture tous ensemble. En réalité, on nous colle souvent l’étiquette de math rock, mais on parle volontiers de graal’n’roll, soit la recherche du riff ultime qui va nous faire vibrer. Si tu découvres ni, tu as cette impression que notre musique s’avère très dense, mais à la base, ça se voulait déjà plus foutraque. On a unifié au fur et à mesure le propos. En essayant de garder constamment une certaine forme de groove.

 

Votre musique est totalement instrumentale. Les titres orientent-ils la composition, ou les trouvez-vous une fois les morceaux composés ?

 

Ni : La musique vient toujours en 1e. Sur les 3 derniers albums, on a d’abord composé, puis on a défini des thématiques. Sur un album, on a fouillé la thématique des insultes que la langue a oubliées. Puis, on a exploré les phobies. Comme celle de la page blanche, c’est plutôt ironique pour des morceaux passablement fournis. Sur le dernier album, on parle des fous du rois et autres bouffons. D’ailleurs, l’artwork, qui saute aux yeux, est un détail d’un drapeau, l’étendard de la mère folle, en Bourgogne au 17e siècle. La position représentée s’appelle « le pet en gueule ». On trouvait que ça allait bien avec notre thématique.

 

NI !

 

Les titres des chansons, le concept de vos albums, donnent des pistes de lecture à l’auditeur. Pour autant, bien que votre musique soit entièrement instrumentale, on entend parfois des hurlements, des borborygmes, des cris. Envisagez-vous, par la suite, d’intégrer davantage de texte et de chant ?

 

Ni :Non, on raconte des histoires par la musique, mais ces histoires se racontent également dans l’esprit de l’auditeur. D’ailleurs, les interventions de la voix s’effectuent souvent à la fin du processus de composition, et même si, au milieu des cris, on intègre parfois des mots, on tient à ce qu’ils ne soient pas directement intelligibles. On n’est pas fermé pour autant au chant, on apprécie nombre de chanteurs, mais ce n’est pas un objectif pour nous d’en intégrer à notre musique. Ce côté instrumental peut renvoyer à la techno, qui invite l’auditeur à se plonger dans la musique avec ses propres armes.

 

Dernière question : parlons du live, puisqu’on va assister à votre concert juste après cette interview. Comment préparez-vous vos concerts ? Comment faites-vous pour retranscrire l’énergie des versions studio sur scène ?

 

Ni : On aborde le live avec l’expérience des années, à présent, ne serait-ce que physiquement. Il nous faut toujours plusieurs dates pour nous rôder, et maîtriser l’énergie dépensée sur scène. Mieux la gérer, en s’octroyant des passages plus posés, alors que sur les 1e dates d’une tournée, on a tendance à vouloir tout donner sur toute la durée du concert. Surtout à la batterie, le poste le plus physique. Quand tu proposes une musique qui se veut complexe, tu te dois de fournir un travail de préparation en amont pour que sur scène le rendu s’avère automatique, que tu n’aies pas à te poser de questions. Mais il ne s’agit pas de réciter sa leçon, pour ne pas devenir très austère. Et puis, il faut savoir qu’on pense notre musique avant tout pour le live. On ne compose rien qu’on ne puisse pas rejouer sur scène. Et puis, il reste le facteur chance. Ce soir, on en est à une bonne vingtaine de dates, alors on estime qu’on est calé. Mais ça reste du spectacle vivant.

 

Verdict dans quelques minutes, alors !

 

NI !

 

photo de Moland Fengkov
le 10/04/2024

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