Ni - Les Insurgés de Romilly

Chronique CD album (39:24)

chronique Ni - Les Insurgés de Romilly

Alors il est vrai que le math-rock, il y a encore quelques grosses poignées de trimestres de ça, je n’y connaissais rien. Nada. Zoo de Peaub. Non, c’est vrai, il faut assumer ses lacunes. Sauf que la joyeuse déferlante des derniers And So I Watch You From Afar, Ultra Zook, PoiL et autres Chromb! flirtant dangereusement avec les zébulonneries du Nawak metal, j’ai naturellement été amené à me pencher sur la question. Et bien m’en a pris! D’autant que dans le genre, l’Hegaxone abrite une belle brochette de drôles d’olibrius, parmi lesquels les 3 derniers groupes cités, ainsi que – parce qu'à un moment il faut bien revenir au sujet de la chronique – Ni.

 

On vous avait déjà parlé de ces mâconnais à l’occasion de la sortie de leur dernier EP.  Et la conclusion était sodo’ gros mots (… putain de dyslexie!) la suivante: l’univers du groupe s'avérait un peu trop vicieux – voire même douloureux – pour nos pauvres petits nerfs qui aiment que le popotin s’agite quand les oreilles sont arrosées de musique. M’enfin le retour du groupe en 2015 étant l’occasion de livrer au monde son tout 1er album, on se disait qu’il y avait moyen que le propos soit devenu plus accessible – les artistes se faisant rarement suer la couenne à sortir une galette longue durée dans le but masochiste de faire fuir l'auditeur à coups de compos violemment hermétiques.

 

Et pourtant: sur Les Insurgés de Romilly, Ni persiste et signe dans la voie  d’un « Hystéro-Ongle incarné Math-Rock noisy » sur lequel les guitares confectionnent des morceaux selon une approche pointilliste bondissante, quand ce n’est pas – à l'opposée – en traînant la patte lors de plages tripantes pleines de volutes de distorsion stridente. Certes, c'est avec plaisir que l'on retrouve, de loin en loin, au milieu de ce vaste panorama instrumental, ces effusions vocales cartoonesques rappelant fortement Ultra Zook. Mais les fréquents bâtons polyrythmiques qui nous sont mis dans les roues, les structures perpétuellement accidentées, le flot ininterrompu d’informations sans doute pas 100% contradictoires mais peu linéaires, le manque de cette accroche reptilienne nécessaire à l’ouverture du robinet à endorphine font à nouveau et irrémédiablement chuter l’enthousiasme. Et bien que l’intellect’ reste assez solidement accroché au fil de ces 8 histoires musicalement accidentées – même s’il peine à en dessiner une carte d’ensemble –, les nerfs, eux, finissent par fatiguer, et l’attention par vaciller.

 

M’enfin il serait injuste d'insinuer que Les Insurgés de Romilly n’est qu’une longue et pernicieuse décharge électrique dans les parties, à éviter absolument à moins de ne connaitre d’érections que stimulé par la génène. Car outre l'inclusion de points de repère réguliers prenant la forme de samples gentiment fendards (« Nous avons leurs testicules entre nos doigts… » / « Le public a le droit de savoir ce qui se passe! » / « Les hommes se noyaient et ils n’ont pu être sauvés par la faute de ce rock’n’roll pornographique » / …) et de quelques passages relativement nawak, le groupe réussit à rendre son propos plus fluide – et, dans la foulée, plus sexy – sur un « Flaquadin » s'inscrivant presque dans la lignée de ASIWYFA. Et puis nos amis s'appliquent à ce que ce périple tortillonneux emprunte des virages à chaque fois différents: plus « djent » ici, plus planant là, plus dissonant pour l’un, voire parfois plus funky, ou plus noisy pour l’autre. Ce qui fait que si on pensera à Sebkha-Chott sur « Gringuenaude », on entendra plutôt un Kong désarticulé sur « Torfesor ».

 

Quoique finement construit et sympathiquement déconnant, Ni continue donc de nous la jouer à rebrousse-poil. C’est qu’il s’entête à prendre chemins de traverse et drogues psychédéliques pour confectionner sa tambouille math-rock accidentée. Du coup on a la fâcheuse impression de jouer le rôle de l’auditeur maso dominé par une maîtresse nawako-sado particulièrement vicieuse…

… Mais il ne serait pas étonnant que cette image "Cuir & Gag Ball" attire tout autant d’auditeurs pervers qu’elle ne découragera d’oreilles délicates!

 

Bande de malades, tiens!

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: dans la lignée stylistique des Ultra Zook, PoiL et autres Chromb!, le 1er album de Ni continue dans la veine « rebrousse-poil » de l'EP précédent. Et de fait, son math-rock instrumental est moins nawak et bondissant qu’il n’est retors et difficile d’approche. Stimulant pour les amateurs de casse-têtes musicaux, Les Insurgés de Romilly doit par contre être évité comme la peste en situation de bad trip.

photo de Cglaume
le 17/07/2015

5 COMMENTAIRES

Alex666

Alex666 le 17/07/2015 à 16:07:56

Perso je suis ultra fan ! Et puis on oublie souvent qu'il y a 15 ans Ni, c'était diatriba, le pionnier du mathrock made in France ... Je trouve que les comparer à ASIWYFA est une insulte à leur travail ! Et puis cet album, plus je l'écoute, plus je le trouve parfait, si ça peut les encourager.

cglaume

cglaume le 18/07/2015 à 10:48:57

Arf, on fait plus "insultant" qu'une comparaison avec ASIWYFA quand même ! :) Même s'il est vrai qu'ils ne s'agitent pas exactement dans la même chapelle, et que les membres de Ni sont peut-être en effet actifs depuis plus longtemps au sein de cette scène...

Alex666

Alex666 le 18/07/2015 à 15:11:09

Haha, je dois être un peu trop anti ASIWYFA :=)

Sinon, c'est une belle chronique mais...
Je te conseille d'aller les voir live tout de même, peut être seras-tu plus emballé ?
Je les ais vu dans la drôme pendant la tournée de cette année, c'était ... monstrueux !

cglaume

cglaume le 18/07/2015 à 22:52:30

Tout le monde me dit d'aller les voir live... Je finirai bien par craquer ;)

jardinets

jardinets le 23/08/2015 à 21:59:45

certes, les maths peuvent rebuter, mais là (et surtout en live et de toute urgence) ils deviennent subitement sympathique... Non , non , un good trip!!!


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