Dying Grotesque - Celestial
Chronique CD album (36:15)

- Style
Swedeath - Label(s)
Archivist Records - Date de sortie
29 novembre 2024 - Lieu d'enregistrement Intermodulation Studio
- écouter via bandcamp
Tu habites Kiev. C'est ta 106e alerte aux missiles/drones de l'année. Tu en as marre de courir jusqu'au métro pour t'assurer un abri plus sûr que ton deux pièces au 4e étage. Qu'est-ce que tu fais ? Tu regardes la 2e saison de Squid Game en tétant une canette d'Obolon ? Tu pètes un câble et te tapes la tête contre les murs en bavant sur ton t-shirt Nihilist ? Non : tu sors la 6-cordes et la pédale Boss HM-2, et tu fais vomir toute la bêtise humaine à travers ton enceinte, en faisant trembler les murs plus fort que les ogives lancées par l'autre connard de wannabe-a-tsar.
Bien évidemment, il ne s'agit que d'un tableau caricatural imaginé par un Français pelotonné bien au chaud dans le confort de sa banlieue tranquille. Car si Dying Grotesque est, en effet, une formation ukrainienne qui ne s'est pas remise de sa découverte du son à la Skogsberg, la vérité c'est que les gugusses ont commencé à cracher leurs torrents de décibels basaltiques dès 2018, autrement dit bien avant que les disputes de voisinage ne dégénèrent véritablement, poussant leurs compatriotes sur les routes et dans les tranchées. Il ne s'agit donc pas là d'une réaction sonore à l'agression, mais bien d'une passion pour la grosse distorsion. Et en l'occurrence, ici celle-ci n'est pas seulement grosse : elle est maousse. Car sur ce deuxième album, le groupe ne se contente pas de guitares un peu marécageuses et de quelques nappes de brume, histoire de donner l'impression que la Créature du Marais a élu domicile dans leur intérieur Ikea. Non : ici ça vrombit comme si la tronçonneuse de Dismember était passée en mode essorage dans le lave-linge de Grave. Ça crachouille épais comme dans un bavoir d'Ehpad. Ça roussit les poils des feuilles comme pendant l'évacuation d'une Twin Tower aussi brûlante que branlante. Ça fait grésiller la tartine façon grille-pain.
Carrément dur à cuire, donc, le Swedeath des zozos.
D'autant qu'Andriy « Nordwind » maltraite ses fûts à des cadences plus élevées que le swedeaster moyen.
Pour autant, même si c'est l'impression qui peut rester une fois les huit pistes traversées, Dying Grotesque ne se contente pas de nous maintenir pendant 36 minutes dans une gigantesque centrifugeuse cradingue. Car cet épais vortex est aéré – ainsi qu'il est de coutume chez Fred Estby et ses compères – de judicieuses mélodies. Et si celles-ci évoquent bien souvent la vision épique de fontaines herculéennes d'où jaillit le bouillonnant magma d'Hadès, le propos se veut occasionnellement plus serein, lorgnant vers les discours veloutés de Dan Swanö (brièvement, à partir de 2:25 sur « Purification », ou à la toute fin de « Mortality »). Nos amis s'autorisent par ailleurs quelques originalités, qui ne méritent certes pas l'appellation d'extravagances, mais qui indiquent que l'on n'est pas ici en présence d'un sous-sous-clone de Fleshcrawl. Ainsi les guitares rugissent-elles parfois en quinconce stéréophonique (à 3:02 sur « Nuclear Meadows »). Ainsi devine-t-on des notes de piano qui jouent à cache-cache sur « Lilith ». Et tous ces efforts et cette ferveur d'aboutir parfois à des pics d'endorphine. Sur une bonne partie de l'introductif « Nuclear Meadows ». Sur le majestueux final de « Purification ». Ou, plus intense encore, sur toute la deuxième moitié de l'excellent « Point of View ».
Pourtant Celestial peine à s'introduire dans le cercle restreint des albums véritablement marquants. La faute, principalement, à une volonté un peu trop jusqu'au-boutiste de multiplier les plans, riffs, et changements de rythme, sans user suffisamment de ces saines répétitions qui fournissent repères et confort d'écoute. Il est bien sûr tout à leur honneur de refuser de sixfeetunderiser une musique qui pourrait rapidement se vautrer dans la paresse d'un groove bovin rehaussé de quelques accélérations sans imagination. Mais le groupe pousse le bouchon un peu trop loin, asséchant parfois la cyprine en même temps qu'il chasse la routine. Rien de véritablement rédhibitoire non plus, mais c'est parfois un peu frustrant.
N'empêche : quel plaisir de plonger dans un bain de boue aussi expert, et de se faire masser la couenne par des mains aussi vigoureuses !
La chronique, version courte : la tronçonneuse de Dismember qui s'affaire et gigote sans fin dans le sèche-linge de Grave, c'est un peu l'image avec laquelle on ressort de Celestial, le second album des Ukrainiens de Dying Grotesque. Vrombissant et bourbeusement groovy, cavalant plus vite que la moyenne de la scène, provocateur de quelques frissons coquins sous notre épiderme tuméfié, cette cuvée serait un vrai coup de cœur si les zigotos n'avaient pas aussi souvent tendance à en mettre plus haut que le bord. N'empêche, si la guerre se jouait sur le terrain du Swedeath, les Russes se seraient pris une belle branlée !
1 COMMENTAIRE
Crom-Cruach le 04/02/2025 à 10:13:38
Une chronique dont la qualité est inversement proportionnelle au bouzin concerné.
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