Challenger Deep - III. The Path

Chronique CD album (36:56)

chronique Challenger Deep - III. The Path

Dans le domaine sérieux qu'est la nomdegroupologie (parfois connexe avec une science annexe, la logodegroupologie), les spécialistes s'accordent pour dire que quelques tendances générales se dégagent : si c'est dégueu ou ça a l'air malade, c'est du death ; si ça joue les méchantes créatures et qu'il y a de la magie ésotérique, c'est du black (sauf s'il y a de la drogue ou une sorcière, là on bascule dans le stoner/doom) ; si ça sent la bagarre de rue (consciente, la bagarre), zou, hardcore.

Pour les groupes en post-machins, la nomdegroupologie constate souvent la recherche de 'le plus', que ça soit sombre, lourd, loingue, en haut, en bas, avec supplément noirceur, bref, 'le plus' (sauf si le groupe s'appelle Facteur, auquel cas c'est facile → poste-hardcore).

 

Pour les Biélorusses (résidant désormais en Lituanie, les dernières années Loukachenko expliquant peut-être le gap de neuf ans entre deux albums) dont l'album III. The Path nous intéresse aujourd'hui, ce sera donc Challenger Deep. C'est-à-dire le point immergé 'le plus' (on vous l'avait dit) profond sur Terre, tout là-bas aux tréfonds de la Fosse des Mariannes (James Cameron est allé s'y balader en 2012, l'année suivant le premier opus du groupe, peut-être une influence directe?). Autant dire donc qu'en lisant ce patronyme, les nomdegroupologues de la rédac' ont enfilé leurs palmes et leur tuba et s'attendaient à un album qui allait jouer de la pression (et probablement aussi de la dépression, qui va bien au style, mais on rentre là dans encore une autre science annexe dont je tairai le nom parce que je n'ai pas d'idée qui me claque en tête. Bref).

 

Sur ce troisième album (en plus de splits), avec lequel je les découvre, Challenger Deep viennent donc logiquement s'intégrer à la filiation et à l'héritage (certes modernisés) de Cult Of Luna & co., insérant cependant assez intelligemment d'autres références stylistiques à leur interprétation du post-hardcore / post-metal, en prenant notamment régulièrement un virage plus véloce que d'autres formations d'un style proche.

Ils revendiquent par exemple des vélléités black metal, et ce n'est pas faux qu'on peut y retrouver des proximités, dans les blasts (pas forcément communs dans le postcore et assimilés), dans les trémolos, sans pour autant que la ligne directrice du quintet ne vire au post-black, et trop peu à mon avis pour qu'on puisse même y apposer le qualificatif 'blackened'.

 

C'est une affiliation (au-delà du post) plutôt hardcore / screamo à laquelle je rattacherais volontiers III. The Path, et en particulier avec des groupes qui naviguent dans le bouillon de post tels que Throwing Bricks, les très bons Lillois de feu The March (extrêmement probablement fortuit mais tout à fait flagrant à mon sens dès le premier morceau de l'album sur « Sacrifice », notamment dans le timbre du chant), Amber ou encore Totem Skin. When Icarus Falls, aussi, peut-être, sur les versants plus atmosphériques et mélodiques du postcore. Et je m'excuse d'avance de ces quelques noms plutôt obscurs balancés à la volée, et dont je suis bien conscient qu'ils ne font pas la Une de Paris Match chaque trimestre, mais à chaque écoute, ce sont les mêmes eaux profondes dans lesquelles patauger que je retrouve chez ceux-ci et sur cet album.

 

Si sur le premier morceau « Sacrifice », volontairement directement impactant pour attaquer d'entrée, on peut se dire assez rapidement qu'il aurait gagné à avoir quelques mesures en moins, ce qui est paradoxal quand on évolue dans un style qui joue justement sur les répétitions et la longueur pour écraser les quelques neurones encore présents de l'auditorat (ça, c'est nous), Challenger Deep savent suffisamment régulièrement nous rehammeçonner l'oreille, le pathos, l'intérêt et la perdition pour que l'écoute soit très agréable, avec plusieurs moments très réussis et qui restent en tête, faisant de légers pas de côté vis-à-vis des poncifs du style grâce à leur capacité de métissage et de composition.

Le début de « Filth », chanté en russe, vient tout de suite faire prendre corps à la phrase précédente, avec la construction de très belles ambiances écrasantes et aériennes à la fois (sentiment d'immensité et son très lourd, ça va bien avec l'idée du fond de l'océan, finalement). Le plus court « Passion », russophone également, semble venir fonctionner comme la seconde partie de la paire, venant enfoncer le clou d'une très belle façon, avant que deux titres (à mon sens) plus anecdotiques, bien que pas mauvais, viennent ouvrir la troisième partie d'album, qui je ne sais pas pourquoi a quelque chose de plus introspectif, notamment à partir de « Indifference ». Peut-être le retour à l'anglais, pour moi qui ne comprends pas le russe. Mais dans tous les cas, je trouve cette fin d'album très réussie.

 

Et c'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi cet album de Challenger Deep est clairement aussi une question de mood, j'ai remarqué plusieurs fois où, confronté à une même section à différents moments et selon différentes humeurs, m'être dit « ah, ça ça marche très bien » ou « ah, boarf », bizarrement plus que chez d'autres formations, alors que c'est un style que je fréquente depuis longtemps et facilement. Alors on peut enlever le masque, tuba et autres accessoires empruntés à Subnautica, on ne mourra au bout du compte pas sous la pression.

Sans rien révolutionner, III. The Path est une très bonne copie rendue dans le style, et je serais bien en peine de vous dire si je le conseillerais plutôt à des personnes qui découvriraient le genre ou à une autre qui l'aurait déjà poncé : j'ai l'impression qu'il faut les deux approches à la fois.

D'où ce 'conseil' si vous aimez les musiques en post : tentez des écoutes de cet album à des moments différents, il pourra résonner d'une autre manière que la fois précédente, et peut-être bien vous convaincre. Oh, il y a même quelques petits 'blegh' qui traînent ici et là !

Et puis c'est de l'autoproduction, alors comme toujours, respect.

 

A écouter sans oublier les paliers de décompression à la remontée.

photo de Pingouins
le 29/01/2024

4 COMMENTAIRES

8oris

8oris le 29/01/2024 à 13:19:15

Un groupe de Poste-Hardcore qui s'appelerait "Facteur" : tu tiens un concept là. XD XD

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 30/01/2024 à 10:38:13

Tant que ce n'est pas un groupe d'im-post-eurs !

Dams

Dams le 01/02/2024 à 13:32:24

Je "post"e pour te remercier de cette bonne découverte !

Pingouins

Pingouins le 01/02/2024 à 14:29:29

A vot' service les po(s)taux 🐧

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