Freak Guitar - The Road Less Traveled
Chronique CD album (58:14)

- Style
Fantaisies Guitar Hero geek - Label(s)
NTS - Date de sortie
2 juin 2004 - Lieu d'enregistrement Apple Horn Abusemen
écouter "Print This !"

Quand un guitar hero déverse son savoir-faire et ses états d’âme au sein d’un disque où il ne cohabite qu’avec lui-même, sa pomme et son ego, c’est rarement pour amuser la galerie. Plutôt pour l’épater. CoreAndCo ne comportant que peu de diplômés en musicologie parmi ses rédacteurs (on entend plus souvent dire « Qu’on serve à boire ! » que « Conservatoire » dans la rédac’), il n’est pas étonnant que très peu d’albums de ces petits prodiges de la 6 cordes soient chroniqués dans nos colonnes. Remarquez, on en trouve quand même. Comme le Devotion Materialize d’Emiliano Sicilia, qui – ceci explique cela – doit autant à Mr. Bungle qu’à Joe Satriani. Car cela a beau être contre-intuitif, les fans de Zappa vous le confirmeront : fun et virtuosité ne sont pas forcément incompatibles. Et peu d’albums confirment cette affirmation avec autant d’éclat que The Road Less Traveled.
Mais il est déjà l’heure du petit topo « recontextualisation ». Mattias IA Eklundh est le chanteur / guitariste virtuose de Freak Kitchen. La virtuosité et le côté joyeux luron du Monsieur auraient dû conduire votre interlocuteur – grand fan de Metal technique et de Nawak – à maîtriser sa discographie sur le bout des mitaines. Et pourtant, pas du tout. Je vous jure, j’ai essayé de me faire greffer des oreilles supplémentaires afin d'augmenter ma capacité d'absorption, mais cela n’a rien donné de probant ni passé mes journées à un forfait de trente heures. Et malheureusement, la Cuisine Zarbi fait partie – comme tant d’autres – des impardonnables impasses résultant de cette condition d'être humain auriculairement limité. Je ne passerai donc pas 10 lignes à vous tartiner ce que Wikipedia saura raconter de manière bien plus succinte. Rappelons juste que, quand il ne porte pas sa toque de chef, le Mattias se livre à d’autres activités musicales. Solo, cette fois. Celles-ci se déroulant, depuis 1999 du moins, dans le cadre du projet Freak Guitar. The Road Less Traveled est la 3e de ces échappées solitaires, la 2e sous le nom de la Guitare Chelou.
The Road Less Traveled, donc, ce sont vingt-trois compos qui s'avèrent en général relativement brèves. Et instrumentales – à l’exception de « Happy Hour », sur laquelle Mr Eklundh ajoute ses cordes vocales aux six spécimens accrochées à son instrument.
Mais décollons le nez de la fiche technique pour nous concentrer sur ce qui importe vraiment : quand on lance l’album sur notre player préféré, au lieu d’avoir l’impression de feuilleter un impressionnant mémoire de doctorat en paganinisme guitaristique, on a plutôt l’impression d’assister à un spectacle à la fois poilant et érudit. Un sorte de « duo impossible » réunissant Jérémy Ferrari et Lorànt Deutsch, version Virtuose du Médiator. Et franchement, ça fait toute la différence avec les habituels épanchements maestrophones.
Évacuons à présent les quelques points sur lesquels il pourrait y avoir crispation :
1. oui, plus qu’occasionnellement, les compos souffrent d'une prod' un peu synthétique. Du fait de l’utilisation d’une BAR (je n’ai pas vérifié, mais c’est parfois assez évident), et d’une guitare aussi geek qu’aiguë, au rendu flirtant parfois avec les sonorités chiptunes – « Insert Coin » est le représentant le plus évident de cette approche parfois à la limite du pénible
2. non, Mattias ne réussit pas toujours à éviter le trop fameux travers du zicos onaniste qui se fait plaisir de manière un peu égoïste, sans vraie valeur ajoutée pour l’auditeur – cf. « One-String Improvisation », « Difficult Person Music », « Toxic Donald » et « Toxic Mickey »
3. même si le bonhomme nous est très sympathique, ses créations tombent parfois un peu à plat. Ainsi « Asteroid 3834 » – que j’aurais pu également citer dans le premier de ces trois points – finit assez vite par saouler, malgré sa brièveté. Quant à « Ketchup Is a Vegetable », c’est le genre de piste qui se perd dans des tortillons riffés sans jamais vraiment dénouer le gros sac de nœuds résultant
Mais tout cela ne pèse pas lourd face aux trépidentes aventures vécues par nos oreilles. En effet on kiffe-on kiffe-on kiffe, que ce soit sur « Print This ! » (version moderne du « Typewriter » de Leroy Anderson, revu et corrigé à l’époque de l’imprimante laser), sur « Caffeine » (au thème parent du « Titine » de Chaplin, joliment ennawakifié et empolkaïfié), « The Battle of Bob » (détour par les mondes d’ASIWYFA et Ultra Zook), « Chopstick Boogie » (morceau à la fébrilité aiguë, avec des bouts de Ska et de gros Metal dedans) ou « Little Bastard » (où un Satriani qui pète le feu se la joue Rock). Pour autant ici tout n’est pas que zébulonneries. Tiens : le morceau-titre sent le printemps, un peu comme s'il s'agissait d'une compo extraite d’un reboot nerd de The Extremist. « Father » dépoussière les vieilles photos de ces chouettes soirées passées avec votre défunt daron. Tandis que « The Woman in Seat 27a » n’est que rêveries amoureuses et ruissellements sereins. Et comme dans les vieux pots on peut décliner de suculentes recettes, Mattias nous offre en bonus une version alternative du « Smoke on The Water » de Deep Purple, une superbe réappropriation du thème de Fletch aux Trousses, et une encore plus géniale réactualisation du « Mirror Swing » de Stéphane Grappelli et Django Renhardt, les mains dans les poches et des cuivres plein le salon.
Ecouter The Road Less Traveled, c’est un peu comme ouvrir un boite de Quality Street : on y découvre une véritable débauche de couleurs, on ne sait où donner de la tête, c’est surprise heureuse après surprise gourmande... Et même si cela fera sans doute un peu mal au ventre des plus fragiles et aux dents des plus gloutons, l’expérience s’avère pétillante, riche en émotions positives, et au final assez grisante.
... On plaint les diabétiques !
La chronique, version courte: deuxième épisode des aventures solo de Mr Eklundh (cf. Freak Kitchen) sous le nom de Freak Guitar, The Road Less Traveled est une corne d’abondance guitaristiquement geek et musicalement fun, regorgeant de trouvailles, de sourires en coin et de soleil. Certes, les pixels sont parfois un peu trop apparents. Certes, quelques titres s’avèrent un peu trop branlagedenouillesques. Pour autant, l'album fait naître des sourires complices sur les bouilles ainsi que des envies de partager cette découverte avec les potes. C'est un signe qui ne trompe pas : ce bougre de Mattias a bel et bien réussi à planter son hameçon !
9 COMMENTAIRES
Adrian le 12/05/2024 à 22:42:03
Wow la nostalgie
el gep le 12/05/2024 à 23:55:44
C'est vrai que ça fait vraiment très longtemps que je n'ai pas écouté Joe Satriani.
Et vous ? Ne vous êtes-vous pas dit la même chose dernièrement ?
C'est quand la dernière fois que vous vous êtes dit ''c'est vrai que ça fait vraiment très longtemps que je n'ai pas écouté Joe Satriani''?
Il est peut-être temps d'écouter Freak Guitar alors (moi pas ce soir, merci, je vais me coucher, je crois que j’aurais dû le faire avant de me dire que c'est vrai que ça fait vraiment très longtemps que je n'ai pas écouté Joe Satriani).
cglaume le 13/05/2024 à 06:36:09
😁
Ici Satriani revient sur la platine un peu tous les ans, en cette période où on commence à manger en extérieur : un petit Satriani sur le balcon, et le taboulet semble encore un peu plus frais !
Crom-Cruach le 13/05/2024 à 14:43:17
En gros le son est un peu craignos, ça se branlouze le bigoudi et ça tombe parfois à plat mais... 8/10 !
cglaume le 13/05/2024 à 15:05:01
SUR QUELQUES RARES PISTES ça se branlouze le bigoudi et ça tombe parfois à plat. N’utilisez pas les armes simplificatrices et déformant des courants politiques les moins fréquentables cher collègue 😝😝😝
cglaume le 13/05/2024 à 15:05:28
« déformantes », d’ailleurs
el gep le 13/05/2024 à 18:45:45
Ca n'a encore rien à voir avec Freak Kitchen ou autre, mais mon grand-frère écoutait Joe Satiani quand j'étais tout môme. ''The Extremist'', ''Surfing With The Alien'' ou ''Flying In A Blue Dream'' (je crois, je fais de mémoire), n'avaient plus aucun secret pour moi (peuh!, fastoche!).7
Mais il aimait aussi me passer ''Et il tua son petit frère'' des Bérus avec un rire sardonique, me demande bien ce qui pouvait l'faire rire.
J'avais décidé vaguement de détester tout ce qu'il aimait, alors je préférais Stevie Ray Vaughan à Joe Satriani. J'ai eu du mal à détester Alice Cooper. Je n'y suis pas arrivé en fait...
Mais bon après on s'est mieux entendu et il est venu à nos concerts bizarres de Pounks.
el gep le 13/05/2024 à 18:47:07
Joe Satiani, ahah ! Ça fait encore plus italien !
Crom-Cruach le 13/05/2024 à 19:25:38
# Cyril : tu devrais être correcteur au bac.
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