Errata - Autre hemisphère

Chronique CD album (45:00)

chronique Errata - Autre hemisphère

Au début, il y a comme un air de déjà-vu.

Des chemises à carreaux, des cheveux sur le côté, des zigomatiques atrofiés sur les photos de presse et un nom latin assez peu optimiste (Errata = Erreurs).

 

En poussant le bouton play il y a un air de déjà-entendu...comme on n'en entend plus.

Souviens-toi de ces années durant lesquelles faire du screamo venait du coeur et n'était pas une occupation entre la PS2 et MSN.

A l'époque nous voyions le monde noir comme il l'était, comme il le sera en 2010 ou en 2013.

A l'époque déjà nous ne pensions qu'au chaos, au "jour sans lendemain" qui approche.

 

Et si nous sommes là des années plus tard, c'est parce que toute une génération de groupe a disparu. Toute une génération a grandi ou mué en une autre entité, tout aussi pessimiste, mais autrement hurlante.

Restent les enfants d'hier. Les jeunes d'aujourd'hui, cette connerie de "génération Y", ainsi désignée par des socio-journalistes. Une génération qui a découvert Envy, et tant d'autres, d'Italie, des Etats-Unis, sans oublier que la France souffre en beauté.

Le screamo a évolué, comme l'humanité selon Darwin, elle s'est relevée pour voir plus haut, plus loin ce qui se faisait ailleurs...et apprendre.

 

Errata arrive donc avec la pression d'un nouveau groupe qui s'engouffre dans une branche musicale longtemps observée, désormais décriée, parfois moquée pour ses codes devenus clichés...et quelque peu oubliée.

Les lillois foncent d'ailleurs tête baissée dans les clichés du genre, en empruntant même à d'autres dans la forme : 

le thème mythologique (et pas les épisodes les plus poilants)

le visuel (des formes géométriques !) sur fond flou...

 

Sur le fond c'est un peu plus compliqué.

Le screamo des années 2010's a fait l'audacieuse rencontre du "post-" que l'on sort à toutes les sauces.

Finis les titres à la Orchid de 45 secondes, terminé le screamo à Papa qui pleurait, essouflé, pendant 3 min (Mihai Edrisch).

My own private Alaska, Envy ces dernières années et un tas d'autres s'étaient engouffrés dans le mélange des genres.

 

Errata mélange et sépare les styles. Alterne et mixe.

Le résultat est beau, fort, nous fait subir de rares longueurs. On plonge très vite dans leur univers avec "Tour d'abandon" : violent, déchirant, il est aussi le morceau le plus court. 

Comme une mise en bouche.

On ne retrouvera pareille intensité que sur le superbe et explosif "L'arène prend le roi".

 

La suite se fait plus patiente. 6 des 7 autres morceaux durent tous plus de 7 minutes. Longuement introduits, les lillois veulent être précis, installer une ambiance où la morosité, la tristesse, la décadence prennent le dessus. A ce petit jeu Errata trouve toujours le détail marquant qui imprimera dans nos oreilles l'atmosphère du titre. Clairement identifiable sur "Entracte" ou la boucle sur "Le sang des silènes", ce détail tourne en tête longtemps après les écoutes...quitte à rendre certains passages addictifs.

 

A contrario, des longueurs demeurent. Des introductions un peu lourdes, prévisibles, balayées par l'élan d'honnêteté dans la voix et les changements brusques des musiciens.

C'est dans les périodes les plus post-rock que le cliché musical est le plus audible. "Narcisse est mort" a beau faire mouche avec ses spoken words (tout comme sur "Empreintes") et ses passages  "lacrymosants" (sic) sonnent le déjà-entendu à plein nez.

 

Mais même dans le cliché, comme l'instrumental "Dernière escale avant naufrage", Errata mêle les genres, intègre un clavier qui donne de la valeur ajoutée, varie les rythmes et les ambiances.

Le contenu réfléchi, bien écrit, bien produit a tout pour plaire...et touche.

 

Cet album a des airs d'épopée, de périple pour son auditeur. Entre les tourments les plus violents et les plus calmes...annonciateurs de catastrophes, Errata tente de marier le screamo à l'ancienne (avec de légers détails issus des vieilles origines punkcoreuses) avec le renouveau que la scène française aborde depuis quelques temps, y compris avec la vieille garde déjà bien installée (Sed non satiata, Le pré où je suis mort).

Encore bien sages, mais déjà bavards, les nordistes nous mettent en joie avec leur pessimisme et leur négativisme mythologique...  

photo de Tookie
le 05/12/2013

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