Flummox - Southern Progress
Chronique CD album (56:57)

- Style
Avant-Garde Dark Nawak/Prog Cabaret Metal - Label(s)
Needlejuice Records - Date de sortie
11 avril 2025 - Lieu d'enregistrement Twin Oak Studios, The Falcon's Nest
- écouter via bandcamp
Je vous vois venir. Vous vous dites : « Pas mal ce typhon frappant entre chien et loup ! Mais pourquoi diable ont-ils ruiné leur pochette en collant au premier plan ce match de MMA entre un mulot et une vipère ? » …
Ils sont comme ça chez Flummox (… qui, au passage, veut dire « sidérer » en anglais) : ils aiment challenger nos standards en termes de bon goût. Il n’est donc pas étonnant que ceux-ci aient choisi de mettre instruments et talent au service d’un Prog Metal certes couillu, mais surtout nawako-avant-gardiste, canal Dark Cabaret (le sourire de l’Auguste étant offert en option). Ah ça, les amateurs de zébulonneries ravagées du bulbe vont être dans leurs petits souliers, car Southern Progress c’est tout à la fois
- les extravagances expérimentales de Sleepytime Gorilla Museum et Unexpect
- les timburtonneries foraines des Stolen Babies et Akphaezya
- le foisonnement froidement cartoonesque de Circus of Dead Squirrels
auxquels il faut ajouter de fréquents emprunts à l’univers merveilleusement dérangé de Devin Townsend – parce que tantôt les bougres frétillent dans un chaos typiquement SYLien, tantôt ils ouvrent des parenthèses pleines de petits angelots baignant dans une chaude lumière céleste. Vous voyez le genre.
Si le cinquième album de ces Américains du Tennessee est aussi gratiné, c’est que leur quotidien dans cet état l’est tout autant. Il faut dire que les zigs affichent explicitement leur identité queer alors qu’ils vivent au cœur de la célèbre Bible Belt, en plein milieu de Trumpland. À moins d’être un bébé lapin inscrit à un cours de cuisine organisé par des renards pédophiles, on ne voit pas trop comment la situation pourrait être plus inconfortable. On aurait pu imaginer qu'ils exprimeraient leur frustration en grindant dans les chaumières, ou en crustant dans les églises, mais non : c’est en trublionnant tels des jokers bienveillants que ceux-ci ont choisi d’éveiller les esprits. Après tout, ce n’est pas toujours en tapant fort que les messages rentrent le mieux dans les caboches… Et puis, mine de rien, les nawakeries de nos amis sont solidement assises sur de méchants accès de Metal extrême : leur force de persuasion s’appuie donc sur une respectable puissance de feu.
C’est via onze pistes adroitement packagées dans un solide filet narratif que Flummox dépeint l’absurdité de leur (de notre !) monde. Tantôt les zigotos ont les boules et sont bien décidés à tout casser (cf. « Femto’s Theme », et l'excellent Nawak Blackened Death d’« Executive Dysfunction » qui se termine dans un formidable déchaînement de Metal extrême symphonique). Tantôt c’est lassitude, abattement, et courts-circuits à tous les étages (cf. « Nesting Doll » et « Locust Eater »). Le mieux étant quand nos amis laissent leur folie s’exprimer sans entraves, celle-ci prenant soin de toujours venir avec sa pote l’accroche, afin de voler plus haut encore au-dessus du nid de coucous. On s’en régale dès « What We're In For... », qui laisse entrevoir toutes les références citées en début de chronique, qui permet de découvrir la voix étrangement androgyne de Alyson Blake Dellinger, et qui emballe le tout dans une compo qu'on pourrait croire signée Pervy Perkin. On s'en sert de plus grandes louches encore sur le morceau-titre, qui fait de fréquents tours dans les mondes sautillants de 6:33 et Moron Police, et qui va même emprunter des gimmicks Surf Rock à Mr. Bungle – rendez-vous à 2:45. Puis sur un « Always Something Going Down », qui tout à la fois swingue et se perd dans un brouillard schizoïde…
Pour autant, ma promptitude à contracter la Nawak fever ne doit pas contribuer à faire passer sous silence quelques faiblesses comparables à un gros rhume aux sports d’hiver – elles ne gâchent pas véritablement la fête, mais ces petits cailloux dans la chaussure rendent l’expérience moins idéale. Ainsi, une prod’ – un mastering ? – parfois un peu « confuse » transforme certaines effusions en un joli bordel brumeux. Par ailleurs, la fin de l’album perd un peu en panache, du fait d’un « Flumlindalë » un peu indigeste (trop de bavardages décousus et diffus), puis d’un long « Coyote Gospel » sonnant trop souvent comme un gros foutoir Nawak débordant de confusion saturée. OK, rien de rédhibitoire, mais de même qu’une fixation à la va-vite empêche la ventouse du GPS de bien coller au pare-brise, à l’identique ces quelques imperfections empêchent l’auditeur de complètement adhérer au propos des Américains.
Ballot, vous avez dit ballot ? Comme c’est ballot…
... Rien, toutefois, qui puisse empêcher l’album de finir dans la liste des sorties Nawak incontournables de 2025.
La chronique, version courte : sur Southern Progress, Flummox prêche la queeritude en plein cœur de la Bible Belt trumpienne. Pour mener à bien cette mission-suicide, il a adopté le Metal extrême extravagant d’Unexpect, les accents Cabaret inquiétants des Stolen Babies, et le propos foisonnant de Circus of Dead Squirrels. Sans oublier une touche de Devin Town-SYL, parce que ça fait toujours classe au-dessus de la cheminée. Et ce mélange de Death et de Nawak, de folie et de mordant, d’aigreur et de douceur, s’avère n’être que miel et joyeuse pétillance pour les oreilles des amateurs de musiques sombres mais délurées.
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