Psykup - The Joke of Tomorrow
Chronique CD album (40:48)

- Style
Smartass Neo Metal / Autruche Core - Label(s)
Verycords - Date de sortie
11 avril 2025
écouter "I Will Let You Down"
On le sait que Julien Cassarino est un cinéphile averti. On se rappelle de Succube, le second album de Manimal, ainsi que de mille détails et autres microfragments de péloche cachés dans l’univers de Psykup. On sait également que le gugusse scribouille de-ci de-là pour faire avec les films ce que l’on s’évertue à faire ici avec les albums. On n’est donc pas trop étonné de constater que, sur la pochette une fois de plus superbe de The Joke of Tomorrow, soient convoqués à la fois Ça (à moins qu’il ne s’agisse des Killer Clowns From Outer Space ?) et Rocky Balboa (ou plutôt Bronson, vu que le porteur de gants n’est plus porteur de cheveux). Le tout étant certainement immortalisé dans la chambre où Paul Sheldon était retenu prisonnier dans Misery. Quelles que soient les références exactes qu'il faut y avoir, ce visuel illustre parfaitement l’« expérience Psykup », à la fois fun, musclée, esthétique, tendue, décalée… Et frappant fort !
Commencer la chronique du 6e album des Toulousains par un quasi-hors sujet sur le cinéma, ce n’est pas [uniquement] faire preuve d’un manque flagrant de focalisation et d’efficacité : c’est [aussi] adopter une approche un peu alternative, et par là tenter de coller autant que faire se peut à la démarche d’un groupe à forte personnalité, qui n’en a jamais fait qu’à sa tête... Et cela fait à présent 30 ans que ça dure !
J’allais finir la phrase précédente par « …, sans notables changements », sauf que, pour le coup, cela aurait été particulièrement inadéquat étant donné que, pour la toute première fois en trente lunes, le micro de Ju est partagé avec quelqu’un d’autre que MiLKa. Pour ceux qui ne liraient pas Paris Match, petit apparté people : l'autre chanteur-fondateur de Psykup a en effet préféré se mettre en retrait après qu’il a été mis en cause par deux jeunes femmes dans la cadre d’une vague #MusicToo apparue par projection du mouvement #MeToo sur la sphère musicale – pas plus immaculée qu’une autre, a priori. Les cordes vocales qui vibrent à l’unisson de celles de Ju appartiennent donc désormais à Matthieu Romarin, prénomonyme de son prédécesseur, mais aussi chanteur d’Uneven Structure, formation Prog / Djent chaudement recommandée par le zine où vous vous êtes présentement arrêté (on vous laisse cliquer sur ces liens qui vous guideront là où vous pourrez constater ce que l’on en pense).
The Joke of Tomorrow est donc l’aboutissement de trois décennies de création débridée, un nouveau départ vocal aussi réussi que celui de James Bond après que le relais a été passé à Daniel Craig (Matthieu se fond dans le décor avec un naturel fou, et est bien plus convaincant dans le registre extrême)… Mais c’est aussi et surtout la suite logique de la démarche entreprise depuis Ctrl + Alt + Fuck. Autrement dit une collection de morceaux plus directs (j’ai pas dit « simples », ni « pop »), plus ramassés (pas une piste n’atteint 4 minutes 30), plus accrocheurs. Alors ne croyez pas que Psykup a abandonné ses parenthèses jazzy décalées pendant lesquelles, entre deux lancers de roquettes, il nous sert infusion et petits fours. Mais sur ces quarante-et-une minutes là, vous ne trouverez plus aucun de ces dédales sophistiqués où, jadis, on se perdait parfois. Le joueur d’échecs retors est devenu boxeur… Quoique, pour être honnête, il ait plutôt la carrure d'un escrimeur, les touches violentes et soudaines n’excluant pas une sacré finesse !
Si l’on apprécie The Joke of Tomorrow encore plus, même, que son prédécesseur, c’est qu’il fait plus souvent mouche, sans rien perdre de sa personnalité.
# Et ce dès « I Will Let You Down », titre-éclaireur qui fait cohabiter sonorités Techno/clubbing et grosses déflagrations quasi Death Metal – sans oublier, of course, la vitalité d’un Neo Metal bondissant, et un refrain doucement hypnotisant. Si vous aimez les plats épicés, vous l’apprécierez d’autant plus que parmi les fameuses épices se cachent des piments qui brûlent méchamment la gueule !
# Pour éviter le track-by-track, on s’autorisera des ellipses afin de ne se focaliser que sur les morceaux les tous meilleurs (élus par un jury impartial constitué d’une bonne douzaine de reflets de ma pomme dans divers miroirs). On passe donc à « Same Player », qui ne se contente pas d’être accompagné d’un clip excellent, pensé pour les fans de retro gaming, mais qui réjouit également par l’adoption d’un registre Nü Chiptune Metal cassant des briques comme Arkanoid et chassant le spectre de la dépression comme un Pac Man en mode Ghostbuster.
# « Bigger Than Life » continue d’envoyer des tartes, mais avec un net supplément de moelleux, ceci étant dû non seulement à des plans plus funky, mais également à l’adjonction d’un chant féminin aussi inattendu que bienvenu : celui-ci d’Anna Ramade, à propos de laquelle vous en saurez plus si seulement vous vous donnez la peine de cliquer sur le lien, juste là, à quelques petites volées de caractères en amont d’ici.
# Vous voulez toujours plus de tubes ? Zappez jusqu'à « Losers Only », qui balance du riff distordu, montre les crocs, assure sur le refrain, et dose au quart de poil tous ces éléments qui nous font nous sentir chez les Toulousains comme si l’on était chez nous
# Et je vous ai gardé le meilleur – « Burn After Hearing » (encore un clin d’œil cinéphile !) – pour la fin. Car ce titre boxe dans la catégorie des gros hits à la fois vicieux, hypnotisants, maousses-costauds et irrésistibles. Submergé par ses secousses pachydermiques, on sent la fosse se déchaîner tout autour de nous. Titillés par son aiguillon guitaristique aigu, on ne peut réprimer le sourire de l’esthète qui voit tous les éléments se combiner en une symbiose parfaite. Pas un poil de travers sur ces trois minutes vingt-huit de pure énergie dans les gencives.
Il n’aurait pas été inapproprié de mentionner encore les marcopoloteries d’un « Death in the Afternoon » qui nous emmène crapahuter loin vers l’est, « Fear is the Key » et son groove délicieusement malsain, ou le morceau-titre qui termine l’aventure sur une jolie touche aussi fédératrice qu’apaisante (… un peu trop, d’ailleurs, peut-être ?). Sauf que l’on se retrouve une fois de plus à découvert auprès de la Banque des mots – c’est qu’on en dépense beaucoup trop en ces colonnes ! Vous avez de toutes façons saisi l’essentiel – et peut-être même plus : The Joke of Tomorrow voit Psykup continuer son parcours discographique sur une pente toujours aussi ascendante. Et de là où il est à présent rendu, il commence à jouir de panoramas impressionnants ! Et si demain ressemble effectivement de plus en plus à une grosse blague – je ne vous fais pas un dessin, allumez la télé, lisez les journaux (pas les réseaux sociaux : pour les infos il n’y a rien de pire !) –, les Toulousains nous donnent ici une bonne raison d’espérer que le soleil accepte enfin de sortir son nez de derrière les putain de nuages de l’actualité !
La chronique, version courte : accueillir un nouvel album de Psykup, c’est connaître le plaisir que nous procure ce pote que l’on ne voit pas assez souvent, au moment où on le découvre enfin sur le seuil de notre porte. Il n’a pas changé : le même grand sourire chaleureux. Et en même temps on voit bien qu’il n’est plus ce grand ado certes stylé, mais également bizarrement fagoté : il a l’air bien plus sûr de lui. Pour le coup, The Joke of Tomorrow arrive les bras chargés de belles idées, de grosses accroches, d’un nouveau chanteur taillé pour le job, et de cette éternelle folie douce mise au service d’un Metal à la fois explosif et sophistiqué. Toujours à cheval entre Neo, Prog, Pop, Death – toujours un peu Nawak, quoi – le groupe ajoute à son arsenal de nouvelles compos qui tuent la mort (« I Will Let You Down », « Same Player », « Burn After Hearing »…), et des fonds conséquents à son capital sympathie.
3 COMMENTAIRES
Tookie le 09/05/2025 à 09:09:29
S'il ne contient pas les meilleurs titres depuis le revival du groupe (ce qui ne l'empêche pas d'en avoir d'excellents), c'est pour moi -dans sa globalité- leur meilleur album depuis..."L'ombre et la proie" !
Ta chronique est suffisamment longue pour avoir couvert à peu près toutes mes pensées (et au-delà) sur cet album qui sera dans le TOP10 de l'année.
C'est fun, direct et ça fait plaisir de les réentendre en si grande forme...sans compter l'apport de Matthieu Romarin qui, même si son registre est un peu plus classique, apporte une brutalité et une énergie qui va très bien au groupe !
Xuaterc le 09/05/2025 à 16:28:36
Je suis le groupe depuis son premier EP et le chant de MiLKa m'a toujours freiné. Mais, même si ce n'est pas la plus grosse personnalité vocale du milieu, je suis assez client de ce que propose Matthieu Romarin chez Psykup. J'avoue avoir retrouvé, pour mon plus grand plaisir des sensations du Temps de la Réflexion
pidji le 09/05/2025 à 16:44:01
Première écoute aujourd'hui même suite à la chronique. Et agréablement surpris !
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