Treaks - EGO

Chronique CD album (34:12)

chronique Treaks - EGO

J’ai recommencé une paire de fois cette chronique. Parce que parler intelligemment et sans maladresse de lutte contre le patriarcat, de male gaze, d’empowerment et de réappropriation du corps quand on est un homme mal déconstruit élevé par la télévision des années 90, c’est technique.

 

Et en même temps, ne pas en parler, ce serait trahir le propos de Treaks, tant leur premier album allie forme et fond avec justesse, avec pour projet pas si secret d’envoyer cramer tout ce qui continue d’empoisonner la vie des consœurs dont le seul crime est d’être dépourvues de chromosome Y.

 

Du coup j’ai demandé conseil à la femme qui partage ma vie, qui m’a dit « pourquoi tu parles pas simplement de leur musique ? ». Et j’ai rien trouvé d’intelligent à opposer à ça. Dont acte.

 

Après un premier EP (Neuroses) en 2020 pas dépourvu de qualités mais encore un peu sage, l’équipe a décidé de mettre de belles louches de noise et de no wave dans son rock indé, pour notre plus grand bonheur.

 

Et l’introductif « QUEEN » d’en faire la preuve par l’exemple en déroulant une grande partie des éléments qu’on sera amené à rencontrer au cours des 34 minutes à venir : une assise rythmique entre punk décharné et noise, bien en place (peut être un poil en retrait du mix au regard du chouette boulot abattu par Owen Cummins et Theophane Calvano-Grill), des effets synthétiques associés à des leads bien grinçants, et une chanteuse (Clothilde Arthuis) assez terrifiante de charisme, convoquant tout à la fois l’acidité de Julie Christmas et la gouaille de Sandra Nasić (Guano Apes), l’exubérance de Skye Sweetnam (Sumo Cyco) et les mélodies vocales sournoises de Skin (Skunk Anansie).

 

Partis de là, on déroule : « AGAINST THE WALL » amène son côté brit-rock (pensez « Bloc Party et Fugazi sont dans un bateau ») dansant, tandis que le monumental « TINY BRAIN » joue sur le ressassement, s’insinuant durablement dans un encéphale qui n’en demandait pas tant. La répétition fixe la notion, comme on dit. Et la notion en question c’est le consentement, donc c’est pas du luxe. On pousse les potards un peu plus loin, avec un « ANATOMY LESSON » basculant un peu plus du côté Psychotic Monkien de la Force, pour accompagner un propos mordant au possible (« I can’t forget my body »). « SMILING » pourrait presque passer pour une accalmie, un temps de respiration, avec ses accords trainants et sa rythmique apaisée. Mais quelque chose crisse, grince, se débat, dans les paroles de Clothilde (« I’m smiling when you hit me »), jusqu’à un final aussi concis qu’éblouissant. « BLOOD FAMILY » fusionne pop déglinguée et noise pour fustiger la toxicité des relations que l’on s’impose au nom de l’unité familiale, juste avant qu’arrive le temps d’une respiration plus rock, plus proche de leur premier EP, avec un « DIRTY » enlevé et un « OBSESSION » bipolaire, débordant d’ironie mordante, dans un esprit proche de ce que peut proposer SUN. Enfin, « SLEEP APART » et « EGO » reviennent un peu à la proposition de « QUEEN » : une synthèse de ce que peut proposer le groupe, entre immédiateté, rage, ironie acide et approche bruitiste.

 

Tout se tient dans cet album, tout fait sens. On est évidemment loin d’un punk certifié raw-undergound, mais c’est également là l’intelligence du propos : jouer sur l’immédiateté, l’accessibilité, quand ce qui se trame dans l’arrière-boutique est essentiellement constitué de bruit et de fureur.

 

Un putain de bon disque.

photo de Thedukilla
le 08/05/2025

1 COMMENTAIRE

pidji

pidji le 08/05/2025 à 08:31:21

Yes, belle surprise, un disque assez chouette à écouter.

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