Agnost Dei - Take A Look: 2010 A.D.

Chronique CD album (54:05)

chronique Agnost Dei - Take A Look: 2010 A.D.

Etant sans cesse à l’affût de sensations métalliques nouvelles, ma route croise fréquemment la trajectoire de groupes qui se forgent une identité en mêlant les divers sous-genres de la chapelle  metal de façon plus ou moins heureuse. Ainsi m’a-t-il été récemment soufflé à l’oreille le nom d’Agnost Dei, groupe russe qui, en plus de faire rien qu’à trouver des patronymes aussi habilement oxymoresques que sympathiquement impies, a sorti l’année dernièreTake a Look: 2010 A.D., un chouette 2e album suivant de peu l’EP Songs Of Dying Stars: The Tree of Life qu’il intègre d’ailleurs à sa tracklist , l’une des nouveautés de cet opus étant l’abandon de la langue de Tolstoï pour celle de Dickens (info qui, j’en conviens, vous laissera de marbre si vous découvrez le groupe).

 

Alors, de quel mélange stylistique étrange ces originaux nous gratifient-ils? Le genre indiqué dans la colonne de droite vous aura mis sur la piste: au cours de la petite heure que dure cet album, nos tovaritchs allient la « robot touch » d’un cyber metal futuriste, la théâtralité pompeuse du metal symphonique, le constant fourmillement technoïde des musiques électroniques avec la finesse et l’esthétisme d’un heavy prog’ classieux. Ce qui est à peu près cohérent avec les influences mises en avant, à savoir Pink Floyd, SYL, Fear Factory, Prodigy, Tchaïkovski, Tool, Rush, Sadist et Dany Elfman. Et je peux vous dire que le résultat est ambitieux, dense, et s’appuie sur des compétences techniques largement au niveau des prérequis en vigueur pour ce genre de challenge. Ce savant exercice d'équilibriste donne l’impression d’écouter le mélange d’un Biomechanical dans une version moins extrême avec le Pretty Maids de Future World qui aurait mis du Dream Theatre dans son moteur, le tout coloré de la touche pop geek metal d’un Machinae Supremacy. Il est de plus important de noter – pour les réfractaires les plus hermétiques – que le clavier tient ici une place importante, tant dans le cadre de ses interventions solo, où il prend la forme d’un chouette piano tout ce qu’il y a de plus classique, que pour son apport en orchestrations riches et fouillées. Il faudra aussi avoir la capacité de digérer les incessants zboïng-zboïng de la trame électronique de fond, ainsi que quelques rythmiques à la limite de la jungle (« Visions Of Future », « … Into My Soul »…).

 

Par contre ceux qui aiment qu’un album ait une dimension épique et donne l’impression de conter une histoire riche en rebondissements apprécieront ce Take a Look: 2010 A.D. dont je ne sais s’il propose véritablement une trame narrative cohérente (‘m’étonnerait vu la présence des morceaux de l’EP), mais qui en donne en tout cas l’impression tant le chant est habité, les ambiances sont évocatrices, les leads sont riches en valeur émotionnelle ajoutée, et l’ensemble est homogène. D’ailleurs on pourra penser à Queensrÿche par moment. Tiens, puisqu’on évoquait le chant il y a peu, précisons que celui-ci est légèrement retouché et doté d’une touche « synthétique » et sombre adaptée à l’ambiance dark/futuriste omniprésente, mais qu’il est également très typé heavy/prog, et possède une tonalité « nasale » qui ne remportera pas les suffrages de ceux qui ne jurent que par les gorges graves et les voix profondes (et non pas par les « voies grasses et les gorges profondes » bandes de libidineux …). Rassurons cependant les amateurs de testostérone métallique: les guitares font régulièrement saillir les biscotos, que ce soit dans un registre thrash, indus, voire « modern metal » – avec dans ce cas les habituelles galipettes rythmiques de circonstance. Ce qui n’empêche pas que la musique du groupe fasse intervenir par ailleurs des trompettes (sur « To the Emptiness »), des violons ou encore des couleurs world/ethno (notamment sur « XI***** (When you look to the sky) »)... Ainsi qu’une pincée de guitare flamenco sur « Not Here & Not Now », et des passages assez jazz expérimental sur « Black Hole ».

 

A noter aussi qu’Agnost Dei aime les instrumentaux et en propose ainsi pas moins de 4, aussi bien pour jouer classiquement les intros (« Take a Look … ») et les interludes (« P/s to P.S. ») que pour se répandre en orchestrations over the top (« Visions of Future ») ou proposer des parenthèses relaxantes (« XI***** (When you look to the sky) »). Tout cela nous donne un album très riche, proposant de chouettes mélodies, mais qui malheureusement peine un peu à véritablement nous faire décoller, la faute à un manque de folie, de génie ou de ce petit quelque chose qui transforme un très bon album en un disque de chevet. Je soupçonne tout de même que quelqu’un de plus versé dans le heavy/prog et les claviers se montrerait nettement moins tiède que moi dans l’appréciation finale de Take a Look: 2010 A.D. Bref, un morceau de choix pour les amateurs de mélanges osés et de constructions ambitieuses à la mode progressive, et une curiosité intéressante pour les autres.

photo de Cglaume
le 26/01/2011

0 COMMENTAIRE

AJOUTER UN COMMENTAIRE

anonyme


évènements

  • Seisach' 6 les 17 et 18 octobre 2025
  • ULTHA au Glazart à Paris le 27 juin 2025
  • Devil's days à Barsac les 9 et 10 mai 2025