Am I Not - Apparent Void

Chronique Maxi-cd / EP (25:28)

chronique Am I Not - Apparent Void

Je le sentais, ça me titillait désagréablement le derrière de la boîte à neurones… Mais je n’arrivais pas à remettre le doigt dessus. Pourtant j’en étais sûr: j’avais oublié quelque chose. A priori pas de payer les factures, les huissiers et organismes de recouvrement étant plutôt discrets ces derniers temps. Les enfants dormant confortablement dans leurs lits, il n’y avait donc pas eu d’abandon malencontreux sur l’aire de la Porte de Corrèze en remontant l’A20. J’avais remis mon planning bimestriel réactualisé à mon boss, donc de ce côté-là, tranquille… Bordel, qu’est-ce que c’était que cette désagréable sensation persistante de loupé?

 

J’en étais là de mes réflexions, entre la cracotte à la confiture de griottes et le jus de raisin/clémentine/navet, quand le reflet inversé de la boîte de Tonimalt me frappa avec la force du sèche-cheveu dans la baignoire de Claude François:

 

T – L – A – M – I – N – O – T

 

Bon sang mais c’est bien sûr: Am I Not! Depuis le début de l’été que je m’écoutais Apparent Void, le 1er EP de la formation normande, et pas un instant je n’avais songé à en attaquer la chronique! Heureusement que ça ne boit pas de l’Ovomaltine à la maison, dis, mon vieux lapin!

 

Am I Not, donc, est un one-man-band (… groupe-constitué-d’une-unique-personne? Vous voulez vraiment que j’écrive ça Mme Francophonie?) bien de chez nous, qui brasse les genres dans la grande tradition du Metal Non Conventionnel hexagonal des Carnival in Coal, Zeal And Ardor, Sebkha-Chott, Chenille et autre Hardcore Anal Hydrogen. Autrement formulé, le lascar aux commandes du navire propose une zic à la fois indiscutablement Metal, mais clairement à l’étroit sur les rigides étagères du genre, les créations produites par l’entité étant du coup carrément iconoclastes, voire même franchement loufoques, ceci plus par nécessité que par simple envie d’amuser la galerie. Et puis à l’instar des références ci-dessus, l’artiste semble tout particulièrement attiré par le côté obscur de la piste aux étoiles, là où les démons taquins grignotent les oreilles des nounours en peluche et violent les poupées Barbie devant des Ken ligotés. Les compos proposées sont donc plus souvent dans l'esprit des sombres décors psycho-fantasmatiques de Delicatessen que de tubes de Lambada Metal, plus « léthargie tourmentée » que « Il était où, hein, le Youki? ».

 

Forcément, il aurait été difficile pour le nawakophile qui vous cause d’ignorer un artiste mentionnant comme points de repère stylistiques Mr Bungle, The Dillinger Escape Plan, Carnival in Coal, Queens of the Stone Age (ah?), Tool (oh?), Muse (hein?), Soundgarden (gloups?) et Zeal And Ardor. Du coup je n’ai même pas essayé. Et bien m’en a pris. Parce que comme précédemment annoncé, Am I Not est une entité multi-facettes, inspirée, audacieuse… Et foutrement intéressante! Si l’on voulait faire une description "vu du ciel" des 7 titres de l’EP, on ne pourrait qu’être lacunaire en tentant un

 

« Entre Metal extrême noisy et Rock intimiste, Am I Not navigue avec aisance et souplesse, empruntant des détours nombreux et parsemant ses compos d'espiègleries éparses permettant de dissiper la tension ambiante sans sombrer dans les clowneries musicales »

 

Mais pour rendre vraiment compte de la diversité de ces 7 titres, il faut en passer par un rapide track-by-track. Avec toutes les excuses de la maison:

 

* sur « Computing 00: Unawakening », la douce rêverie d’un Devin Townsend à moitié endormi se laisse traverser par de légères bouffées de féerie paresseuse

* « Computing 01: Non journey » démarre sur la brosse à crin mono-riffée d’un Psycho-Rock barré (cf. Polkadot Cadaver?) avant de partir dans l’hystérie d’un Metal noisy rappelant Hardcore Anal Hydrogen. Ou un Igorrr, dans son costume BM. Le tout finissant « évidemment » (!) sur une cavalcade Ennio Morriconesque.

* sur « Computing 10: Non end » par contre, c’est malaise non-stop, Doom dissonant plombé, hachage revêche et fin du monde. Brrrrrrrrrrr, ‘faut aimer!

* « Commercial » reprend les mélanges improbables avec dans le blender intro rétro jazzy, Stoner Rock hybride inclassable à la The Erkonauts, et final planant façon poisson rouge anesthésié dans le bocal de Major Tom (Can you hear me Ground Control?)…

* … tandis que « Teenage Hindsight » revient presque à un Nawak Metal délicat, qu’on aurait pu attendre du prochain Chenille, entre réveil difficile, semi-décollage orchestral, explosion Gipsy et tourments Blacky

* « Fairycurse » continue entre attirance et irritation, tantôt revêche, tantôt caressant, mi-séducteur, mi-provocateur

* ... avant que « Timelapse » laisse percer quelques influences Gojiro-Stoner (riffing plombé mais suffisamment gras), tout en se laissant finalement glisser vers un registre ambiant séducteur

 

Bien malin qui pourrait englober tout ça dans une poignée de qualificatifs!

 

Plus expérimentale que Nawak, plus sombre que dansante, la musique d’Am I Not n’évolue pas pile-poil dans le registre qui fait bicher votre serviteur. Trop de turpitudes, trop de sombres recoins. Ce qui explique que le slip cglaumien ne craque pas aussi fort que celui de certains collègues. En plus ça manque un peu de vrais hits, de ceux qu'un 6:33 ou un Chenille savent écrire. N’empêche, ce premier essai est foutrement bon! Et si cela peut vous aider à vous en convaincre: j’ai fini par acquérir l’objet, alors que bien souvent je me contente des exemplaires promos reçus (… privilège de chroniqueur qui peut éviter de se ruiner sans se compromettre dans des téléchargements assez peu légaux). Je ne peux donc que vous engager à tenter l’aventure, et à persévérer un brin, le temps que ça rentre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: reprenons la description lâchée en milieu de chronique: « Entre Metal extrême noisy et Rock intimiste, Am I Not navigue avec aisance et souplesse, empruntant des détours nombreux et parsemant ses compos d'espiègleries éparses permettant de dissiper la tension ambiante sans sombrer dans les clowneries musicales ». Les fans du visage le moins souriant de Chenille devraient y trouver leur compte.

photo de Cglaume
le 13/10/2017

1 COMMENTAIRE

Margoth

Margoth le 14/10/2017 à 16:34:48

L'homme-orchestre peut être heureux : pas moins de 2 membres du staff du 'zine qui se sont procurés son EP, le tout sans usiter de racolage mercantile de vendeur au porte-à-porte. Moi aussi, j'ai beaucoup aimé et espère bien qu'il continuera ce projet dans le futur (vu qu'il semble avoir pas mal d'autres projets sous le coude en parallèle)

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