Echidna - Manifests of Human Existence

Chronique CD album (52:29)

chronique Echidna - Manifests of Human Existence

Si je vous parle du coffre de l’Oncle Picsou, vous visualisez le gros bunker cubique, le plongeoir et le vieux grippe-sou qui se relaxe en faisant la planche dans sa piscine à pièces d’or. Eh bien toutes proportions gardées, de temps en temps, moi aussi j’enfile ma tenue de barboteur en eaux musicales troubles afin de partir me ressourcer dans le tiroir des achats trop vite mis de côté. Alors forcément, pas de quoi y faire de belles longueurs comme dans le bassin du canard avare, mais ce n’est pas si grave: car plutôt que d’y jouer au nageur qui fait des brasses, j’attrape ma canne à pêche pour tenter d’en sortir de belles prises. C’est ainsi que dernièrement j’ai remonté le Manifests of Human Existence d’Echidna – dont je me rappelais tout juste l’existence, satané acheteur de CD compulsif à petite tête que je suis!

 

Echidna, c’est une bande d’amoureux de beaux riffs tarabiscotés qui n’a eu le temps de sortir que le présent album pour exposer sa vision du Death Technique. Et si l’on croit initialement que ladite vision est relativement classique et classieuse – « Whispers » restant fermement cramponné aux jupons du Human de Death – on découvre que leur point de vue est bien plus compliqué que ça. Car en milieu de morceau les protestations de la basse fretless, quelques stridences et autres échardes rythmiques font tout à coup lourdement pencher la balance en direction d’Atheist. Et la chose d’être confirmée sur « Political Sickness in D# Hijaz Kar », dont les riffs accidentés sont assez caractéristiques de la bande à Kelly Schaefer, mais dont le titre et une belle pause molletonnée réclament en plus la paternité de Cynic. Puis « Grieving Silence » nous ôte définitivement toute trace de doute tant le tricot qui y est échafaudé est aussi sophistiqué que foufou et chaotique. Et le clavier qui vient ajouter des nappes cosmiques dès la fin du premier tiers temps d’évoquer aussi bien les ciels étoilés de Unquestionable Presence que les canevas piquants de Sadist.

 

Arrivée à ce stade, la ménagère de moins de 50 ans amatrice de Tech-Death à napperons finement brodés se sent comme dans ses pantoufles, et s’apprête à profiter des 7 dernières compos en claquant de la langue et dodelinant de la tête pour montrer son approbation face à tant d’habiles zigouigouis technico-mélodiques… Comment pourrait-elle se douter que froide est la douche qui va bientôt se déverser sur sa tête?

 

Car « Dogma of Cain » démarre tout en hésitation, en broussaille et en boucles riffées tortillonnes. Alors oui, tout cela reste relativement impressionnant, mais s'adresse bien plus à la tête qu’aux tripes. Déchargé le sex-appeal (… mouais), définitivement brisée la ligne mélodique: on cherche son chemin à la torche dans ce morceau proggy-avant-gardiste de près de 7 minutes. Ça susurre, ça casse le rythme, ça balance des leads distordus, ça syncope à reculons, tout ça pour, au bout de 5 minutes 30, balancer un accordéon bêtement guilleret et une tirade soporifique. Arf, on ne nagerait pas en plein « conceptuel » pour amateur d’art moderne là?

 

Et la pièce en 3 actes « Tractatus Cerebri » d’enfoncer profondément le clou avec, pour commencer, de l’Avant-garde Metal bien expérimental proposant en pagaille du BM, des discours divers et un violoncelle plein de frissons gothiques. « Driven Into » redresse un peu le manche via un retour à la mélodie et à une base Techno-Thrash lorgnant vers le Coroner de Grin. Malheureusement tout ça fleure encore un poil trop le « conceptuel » pédant... Et la dernière partie du triptyque nous confirme ce que l’on craignait durant 4 minutes d’un délire avant-garde égoïste peu apte à satisfaire les désirs des Technophiles ici rassemblés. Ces beats synthétiques, ces élans symphoniques, cette mise en scène atmosphérico-prétentieuse, ce piano fan de « musique concrète », tout rebute un auditeur initialement aguiché par l’appeau à Schuldiner-addict. « The Pendulum » va remonter la pente de quelques mètres en revenant au bon vieux répertoire d’Atheist – qu’il parsème alors d’un magma caoutchouteux Meshuggah-friendly, peu après la barre des 3 minutes. Et « Human Serpent » continue l’effort, bien que les moments de plaisir soient trop rares au milieu des plans tarabiscotés. Et pour être bien sûr que le chroniqueur ne regrette pas la note peu reluisante qu’il s’apprête à attribuer, Echidna finit d’arroser les oreilles avec un « In Fathomless Depths » qui s’éternise dans d’insupportables détours snobinards.

 

Alors c’est vrai, ces sympathiques Grecs ne nous ont rien fait. Oui, l’album date et aurait très bien pu continuer sa sieste sous la poussière. Reconnaissons-le, le niveau technique – en terme de maîtrise des instruments, mais également en terme d’écriture – est plus que respectable. Alors pourquoi ressortir cette relative vieillerie, surtout si c’est pour en dire plus de mal que de bien? Bonne question. Parce que si cela n’avait pas été nous, personne d’autre ne l’aurait fait. Et qu’on est aussi là pour vous dire « Attention, ça pique! ». Parce qu’au détour d’un CD Baby ou d’un eBay, on peut se blesser les oreilles avec de relatives nouveautés comme avec de vieux couteaux rouillés. Non, non, ne nous remerciez pas…

 

PS : cet album est sorti un 1er avril. Se pourrait-il que… ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: quand on ajoute négligemment Manifests of Human Existence dans sa playlist Techno-Death après que le premier titre ait crié « Chuck Schuldiner!! » dans nos oreilles émoustillées, on ne se doute pas que ce sont en fait de longues minutes d’errance dans un monde expérimentalo-prise de tête qui nous attendent pendant près d’une petite heure. Alors oui, les 4 premiers titres citent Atheist, Sadist, Cynic et Death dans le texte. Mais sur le reste de l’album, c’est plutôt bienvenue à Boboland. Il faudrait demander à Xuaterc si je suis trop dur, tiens, pour voir…

photo de Cglaume
le 06/05/2019

4 COMMENTAIRES

8oris

8oris le 06/05/2019 à 19:13:06

J'étais curieux concernant cette histoire d'accordéon :D
Effectivement, c'est pas hypppper subtil, de même la fin du morceau.
Les morceaux qui suivent sont archi randoms mais dans le "mauvais" sens du terme (car le random a un sens, c'est plutôt un peu à gauche, légèrement en dessous...non, plus à gauche, oui voilà, c'est là).
Autant l'aspect chaotique peut se révéler intéressant quand il se dilue savamment dans un ensemble plus construit (UneXpect, Mr.Bungle) ou qu'il est lui-même construit (Meshuggah), autant s'il représente l'intégralité d'un morceau, l'intérêt est moindre (qui a dit "Behold The Arctopus"?). Bref, il ne faut pas que la cerise sur le gâteau se transforme en clafoutis (parce que, honnêtement, le clafoutis, c'est pas terrible) et là, c'est open-bar clafoutis .

A noter aussi que les morceaux en plusieurs "mouvements" dans le métal, il faut toujours se méfier. Ca sent souvent les artistes qui pètent plus haut que leur slip mais qui ont finalemement plutôt tendance à crotter leur fond de culotte qu'autre chose.

"Conceptuel pédant", c'est un peu un procès d'intention mais c'est vrai que cet album est vraiment bizarre avec quelques bons trucs et une myriade de truc très plats.

cglaume

cglaume le 06/05/2019 à 19:56:59

Attention hein : si tu continues à faire des commentaires aussi fouillés, on va te recruter de force ! :D

Xuaterc

Xuaterc le 07/05/2019 à 08:02:31

Vite, il faut un troll pour rétablir l'équilibre cosmique.
Et pourquoi, quand on parle de Boboland, mon nom est cité? J'ai une tête à manger des baies de goji, rouler en fixie et à faire de la reconstitution médiévale?

cglaume

cglaume le 07/05/2019 à 09:40:09

Tu es plus tolérant aux circonvolutions esthétisantes que moi, c'est tout :D

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