Emiliano Sicilia - Devotion Materialize

Chronique CD album (49:17)

chronique Emiliano Sicilia - Devotion Materialize

Ne cherchez plus! On a trouvé le successeur de la "Lambada", de la "Soca dance" et de "Saga Africa": la chanson de l'été 2010 s'appelle "Splatter On a Bluegrass", et elle vous colle des coups de soleil jusque sous le maillot de bain à grand renfort de refrain latino, de gratte sèche qui fait saigner les doigts, de country déjantée, de beats electro et de metal vivifiant agrémenté de growls joyeux… Bon, le problème c'est que ce titre date de 2007: on n'est donc plus franchement dans le gros buzz estival. Sauf que si vous collez ce morceau sur la platine du DJ de Castouillette les Bains, sûr que vous allez voir les cheveux pousser sur le dance floor et les jupettes multicolores virer au vinyle le plus noir. En même temps, collez ce morceau dans une soirée batcave et vous verrez l'assemblée des chauves-souris présentes finir collé-serré comme dans la plus brésilienne des pubs pour Schweppes.

 

D'où sort-il donc ce tube bigarré et enthousiasmant? De "Devoltion, Materialize", 1er album d'Emiliano Sicilia, guitariste complètement frappé du groupe mélodico/gothique italien Regardless of Me. J'avoue ne pas connaître ces derniers, mais je vous parie un paquet de Carambars aux endives que leur musique est aux antipodes de ce premier essai solo. En effet la rondelle dont il est ici question est un savant mélange de guitar hero-eries, d'indus guilleret à gros penchant électro, de nappes de clavier (uniquement là pour les atmosphères et pour booster la densité sonore, rarement pour prendre le leadership mélodique) et de délires furieux. Imaginez le Satriani d'"Engines of Creation" – sa patte rock'n'roll joyeuse et fonceuse, sa décapotable qui use la gomme sur la corniche par grand beau soleil, le tout coulé dans un moule plus mécanique qu'à l'accoutumée – imaginez Satriani disais-je, allongé tranquillement sous les cocotiers, décidant soudainement de s'essayer au metal extrême, et demandant pour l'occasion à Max Cavalera de balancer de temps à autre des beugleries typées Nailbomb. Vous visualisez le truc?


 

Ajoutez à ça des pétages de câbles dus à une trop forte consommation de Pina Colada, et vous vous retrouvez avec une tronçonneuse façon Jackyl assurant l'accueil en début de "Cyber Room", le téléphone qui sonne sur "Neurosallon" et le voisin qui vient sonner (et toquer !) à la porte sur l'excellent "The New Reality Suite" – sans doute pour se plaindre des gremlins qui ricanent bruyamment, ou de tout ce raffut provenant d’une ménagerie digne de l'arche de Noé. Oui, on nage bien en plein cirque ici! D'ailleurs la fanfare du cirque en question est particulièrement bien garnie: aux côtés de la reine guitare, on trouve piano, accordéon ("Splatter On a Bluegrass"), trompette ("The New Reality Suite"), violons (sur le début de "The Green Mirror"), ce qui permet de passer du tango à la country, de passages classiques à du gros rock, de l'indus à la pop, de la techno au thrash/death, au gré de l'humeur du moment.

 



Là-dessus Emilio s'offre quelques incartades plus égocentriques et nous montre que nom de nom, monter et descendre un manche avec plus de doigts qu'il n'en faut pour mimer le mille-pattes en ombres chinoises, ça le connaît! Mais il n'est pas de ces guitaristes narcissiques qui se mettent en scène tous nus devant la glace une heure durant: ici les morceaux existent par eux-mêmes, et pas seulement comme terrain de jeu pour l'artiste. La gratte revient très souvent au metal qui bute, au bon vieux (hard-)rock, voire à des passages sereinement célestes que le père Devin Townsend n'aurait pas renié (cette fraîcheur matinale à 0:24 sur "The Green Mirror", cette ascension tranquille à 4:47 sur "Cyber Room" …). Bien que les morceaux s'étendent souvent en longueur, la lassitude ne s'installe jamais, Emilio changeant régulièrement la couleur et le tempo des passages, stimulant sans cesse l'attention et l'intérêt. L'une de ses ficelles les plus efficaces consiste d'ailleurs à alterner strictement morceaux instrumentaux (les impairs) et titres chantés (les pairs), ces derniers ménageant chacuns des refrains hyper accrocheurs. Sur "3000 zombies", le loustic va même jusqu'à faire copuler un crooner du dimanche, des Babidoubidou ouap ouap féminins et du bon vieux grunt des familles pour un bœuf d'anthologie.


 

Vous l'aurez compris, "Devoltion, Materialize", c'est l'album pétillant qui sort des enceintes à la buvette des bikers de la plage, c'est les couilles metal dans le bermuda hawaïen, c'est Scoubidou contre les vampires dans la boite électro de St Tropez, c'est de la guitare qui fonce, groove, rocke et rolle avec une patate grosse comme ça. Si cet album ne vous colle pas une banane à rivaliser avec le Joker, il ne vous reste plus qu'à aller vous pendre. Emilio Sicilia: représentant officiel des Beach Boys dans la famille metal, pour vous servir!

photo de Cglaume
le 18/07/2010

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