Estradasphere - Palace of Mirrors

Chronique CD album (59:00)

chronique Estradasphere - Palace of Mirrors

Non non, je vous rassure: vous n’êtes pas sur www.FolkloreAndCordéon.fr, et le zine n’a pas troqué la sueur et la distorsion pour les flonflons du bal des pompiers de Dubrovnik. « Palace of Mirrors » c’est un peu hors sujet ici, dites-vous? OK, c’est vrai, je dois reconnaître que ce dernier album en date d’Estradasphere est rempli sur deux bon tiers d’élucubrations folkloriques et autres Kusturica-eries débridées, d’orchestres navigant entre B.O. et pures pièces classiques, ainsi que d’empilements divers et variés d’instruments peu coutumiers de nos colonnes. Mais cette galette contient quand même un bon tiers de metal (presque) pur et (quand même) dur. Et puis Estradasphere est sans doute l’un des « rejetons » les plus fameux de feu Mr Bungle, aux côtés de Dog Fashion Disco et Secret Chiefs 3. Enfin – paf!! –, argument commercial imparable pour attirer le poilu: le groupe a eu dans ses rangs le batteur de Cephalic Carnage, et son batteur actuel a quant à lui rejoint Odious Mortem. Ah, ça ricane moins là d’un coup!

 

Mais commençons par un petit préambule informatif (un peu tard en début de 2nd paragraphe, j’en conviens): c’est avec ce « Palace of Mirros », 4e album studio longue durée du groupe, que je découvre ces zozos d’outre-Atlantique. Je ne pourrai donc pas briller en vous présentant les subtiles différences qui existent entre cet opus et ses prédécesseurs, ni ne pourrai me la jouer trve à coups de « c’était mieux avant ». Tout juste pourrai-je vous signaler que cet album est purement instrumental, exercice dont le groupe n’était apparemment pas forcément coutumier auparavant. Bon on continue quand même? Allez zou!

 

 

« Palace of Mirrors » est donc un mélange foutraque mais bien fait de – je me répète, mais comme ça, ça va finir par rentrer – musique folklorique extrême- et « plutôt proche »-orientale (bref, en provenance de l’est et centrée sur l’Eurasie), de musique classique et de bon vieux metal (extrême le metal, avec des morceaux de blast dedans!), le tout fréquemment empaqueté dans un emballage aux faux airs de B.O. Ah, j’oubliais: et pas mal de jazz aussi. Les instruments les plus bavards sont à cordes – du violon jusqu’à la guitare électrique –, puis viennent l’accordéon, le piano/synthé/clavier/xylophone, les cuivres, puis tout un tas de machins-trucs pas toujours orthodoxes, à la limite du Gaffophone. Une fois tout ça mis dans la marmite, le groupe – 6 gugusses épaulés d’une liste de musiciens longue comme la tracklist d’un split-Cd de grind – s’amuse tantôt à alligner les genres les uns derrière les autres, sagement rangés dans des morceaux distincts, tantôt à mélanger tout ça pour pratiquer tout à tour (et là je cite le groupe) du « "Bulgarian Surf », du « Romanian Gypsy-Metal » ou encore du « Spaghetti Eastern ».

 

 

C’est en général dans l’exercice du melting pot que les américains donnent le meilleurs d’eux-mêmes: sur un « The Terrible Beautypower of Meow » à la fois chaudement surf-rock et orchestralement violonesque, sur « Smuggled Mutation » et son furious tzigane metal, et surtout sur l’excellentissime musette metal de « The Return ». Parfois c’est encore plus foisonnant, comme sur « A Corporate Merger » (ce final électrique mes aïeux!) ou « Colossal Risk » (sorte de B.O. de western James Bondien) qui sont de belles pièces bien juteuses d’avant-gardisme jouissivement inspiré. Mais soyons honnêtes, certains essais sont bien moins accrocheurs: « Palace of Mirrors » – tout comme « Palace of Mirrors Reprise », sa reprise à la sauce Alice aux pays d’Amélie Poulain – est sympa mais un peu hors des clous en ces pages, ainsi que pas bien haut sur mon baromètre perso de la prise de panard musicale. Même chose pour les exercices plus orthodoxes que sont « Six Hands » (dépouillement & piano) ou « The Debutante » (exercice orchestral jazz/lounge). De plus, comme beaucoup de ces zigotos qui se plaisent à malmener les habitudes des auditeurs mélomanes, Estradasphere se sent parfois obligé de donner dans le poil à gratter musical qui hérisse l’épiderme, comme sur « The Unfolding Pause on the Threshold » et son bruitisme STOMP-esque oppressant, ou sur un « Flower Garden of an Evil Man » souvent grinçant, dissonant et forcément irritant.

 

 

Mais il est dur d’en vouloir au groupe pour ces « faux pas », d’autant que certains fans auront à coup sûr une vision totalement inversée de ce qui est bon et moins bon ici, tout ça dépendant du background musical de l’auditeur. A noter en outre, pour l’anecdote, que nos américains ont tendu quelques fils rouges tout au long de l’album. Le premier, volontaire, consiste en des incursions récurrentes dans des ambiances de grottes englouties (sur « Title », « The Unfolding Pause on the Threshold », le début de « Flower Garden of an Evil Man » et la fin de « Palace of Mirrors Reprise »). Le second, sans doute pas toujours volontaire au vu des références qui suivent (bien que le groupe ait dans ses habitudes de faire des reprises à tout va), consiste en l’inclusion plus ou moins explicite de thèmes connus au beau milieu des morceaux: le générique de « 30 millions d’amis » à 1:01 sur « The Terrible Beautypower of Meow », le martèlement kitsch au synthé du « Sans contrefaçon » de la vilaine fermière à 1:36 sur « Flower Garden of an Evil Man », le plus calculé thème de « C.H.I.P.S. » – si je ne m’abuse, ou bien de « La croisière s’amuse »? Ou autre? – à 2:35 sur « Those Who Know... », et ce classique de chez classique sur lequel je ne réussis pas à remettre un nom, à 1:20 sur « The Return ».

 

 

A lire certains fans du groupe, sur ce 4e opus Estradasphere aurait perdu en folie ce qu’il aurait gagné en personnalité. Personnellement, étant de fait imperméable aux considérations comparatives, je trouve « Palace of Mirrors » particulièrement jouissif, même si un peu dispersé, le spectre balayé étant quand même incroyablement large. Mais la maestria à l’œuvre, l’audace et la joie manifeste du groupe de jouer en transgressant allègrement les convenances permettent de profiter à plein de cet album, faisant aisément passer la pilule des passages moins directement calibrés pour nos cages à miel avides de sensations fortes. J’ai maintenant hâte d’entendre ce que peuvent donner les albums précédents (et ce que donnera la suite, bien entendu).

 

photo de Cglaume
le 11/07/2010

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