Evil One - Militia of Death

Chronique CD album (47:50)

chronique Evil One - Militia of Death

La vague du retro-thrash, qui continue de charrier des tombereaux de Bonded By Blood, Merciless Death, Warbringer et autres gangs de jeunes gérontophiles, est en général vouée au culte des gangs de teigneux portant jeans et baskets et zonant dans les alentours du Golden Gate. Le mot d'ordre est simple: 'faut que ça saigne, que ça fonce, bref c'est du sérieux, du old school certes – avec pochette en mode comics courtesy from Ed Repka –, mais sérieux quand même. Municipal Waste est une exception notable à cette règle, la grosse tranche de fun décontractée qu’il nous sert à l’occasion étant une facette de sa personnalité à mettre à l’actif de penchants crossover marqués. Mais alors quid de la bonne humeur en bermuda d'Anthrax? Et l'happy German party thrash de l'école allemande, Tankard en tête, bon sang, il sent le gaz (non non, pas de blague d’un goût douteux ici)? Et l’époque effervescente où thrash, speed et heavy se mélangeaient joyeusement, ça n'intéresse pas nos jeunes têtes blondes patchées? Pas assez Web 2.0? 

 

Heureusement, surgie du fin fond d’une pochette apocalyptique signée Andreas Marschall, voici venir la réponse hexagonale à cette carence injustifiée dans le devoir de mémoire métallistique. Parce que sur Militia of Death, 3e opus des frenchies, Evil One rend hommage aussi bien au thrash US et à ses chœurs de babouins rustauds, qu’à la teutonic touch du metal d’outre-Rhin, le tout trempé dans un jus mélodiquement véloce, et saupoudré d’incartades vocales haut perchées – mais virulentes – qui combleront les amateurs de vieux speed metal. C’est catchy, enjoué, enthousiaste… Et ça file une patate grosse comme ça! En plus c’est rempli ras la gueule de guitares qui, en solo comme en twin, en collent partout et tout le temps, pour le plus grand plaisir des amateurs (…« de vrai metal » allais-je écrire!). Et ce sans parler d’une basse vrombissante qui ronronne avec moelleux et à propos, comme un gros bourdon calin.

 

Et des fois qu’on serait un peu dur de la feuille ou de la comprenette, le groupe met bien les points sur les i grâce à une brochette d’invités qui résume en 4 interventions ciblées là où résident le cœur et les racines du groupe. Un solo de Jeff Waters (Annihilator) vient ainsi nous rappeler qu’Anthrax n’a pas le monopole nord-américain du thrash qui s'enfunnise sur les bords. Celui de Pascal Betov (ADX), allié à ce chant aigu qui sent fort les cuisses de grenouille, rappelle un peu l’aventure Weird Visions. Celui de Herman Franck (Accept) – qui a assuré le mixage et le mastering – enfonce le clou qu’une sympathique cover de « Fast As a Shark » avait déjà planté bien profond. Et la performance de Gerre au chant sur « Militia of Beer » – version alternative du morceau titre dont la mosh part finale a été remplacée par un épisode à la bonne humeur typiquement bavaroise, et sur laquelle les textes ont été changés et bourrés à craquer de références aux morceaux de Tankard – finit d’établir l’arbre généalogique du groupe, qui ne pourra dès lors pas trop nous en vouloir si on s'attarde un peu longuement sur ses références. Pour parachever la fiche technique, on signalera que le groupe a bénéficié de la culture et l’expérience métallique d’Axel Wursthorn et de son Walnut Groove Studio pour l’enregistrement de son bébé. Ca fait beaucoup de bonnes fées autour du berceau!

 

Militia of Death démarre en trombe en tirant d'emblée 3 de ses plus grosses cartouches. Le morceau titre carbure en effet à la nitroglycérine et déborde d’entrain, et il est avantageusement suivi d’un « Evil Invasion » au refrain excellent et à la bonne humeur manifeste. Quant à « In the Dead of the Night », le 3e mousquetaire du premier quart d'heure, il est doté d’un riff saccadé et bondissant tout bonnement irrésistible. La suite est un peu plus inégale, le groupe ayant décidé de laisser également s’exprimer une facette plus sombre de sa personnalité. Et si vous voulez mon avis, ça fonctionne un peu moins bien. D’où un peu de chamallow à la moitié de « Straight to Hell », des trémolos dans la trame de « Baptized by Fire », et un petit côté sombrement traine-la-patte pour « Suicide Fanatics ». Mais cela n’entamerait pas trop la notation finale de l’album – qui plafonnerait sans doute à 8 / 8,5 – s’il n’y avait « Memories ». Maman...! J’avoue avoir toujours du mal à croire que ce morceau ne soit pas qu'une grosse farce tant les standards de la ballade rock sirupeuse y sont poussés dans leurs derniers retranchements. De l’extrémisme guimauvais (néologisme de circonstance) si vous voulez mon avis. M’enfin tout cela est vite oublié grâce à l’excellent « Instrumetal », qui porte parfaitement son nom, et qui lorgne du côté des plus grands exercices du genre – on pense bien sûr aux classiques de Metallica et consort, mais j’ai plutôt envie d’y voir un prolongement du « Of Strange Talking People Under Arabian Skies » de Tankard... Et c'est enfin la dernière tartine de houblonic metal, « Militia of Beer », qui permet à la banane de se ré-installer durablement en travers de nos trombines.

 

Le thrash’n’speed d'Evil One fait donc dans la joie et la bonne humeur communicatives, ainsi que dans une débauche de riffs et de leads où quantité et qualité sont côte-à-côté et à armes égales au rapport. Ici pas de prise de tête, mais une pêche d’enfer pleine d’excès de vitesse et de mélodies juteuses. La note est sans doute un peu sévère comparée à ce qu’elle pourrait être – notamment à cause de « Memories », ainsi que d’un certain manque d’homogénéité dans la qualité de la tracklist – mais ne vous y trompez pas: Militia of Death est un album qu’on se remet régulièrement, et qui diminue durablement la consommation d’anxiolytiques et de boissons énergisantes de l'auditeur régulier, ce metal de tradition remettant autant de kérosène dans le moteur que de beaume au cœur. Allez, l’essayer c’est l’adopter!

photo de Cglaume
le 18/04/2011

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