Ina-ich - ii3

Chronique CD album (46:14)

chronique Ina-ich - ii3

Ina-Ich. Jamais sur Core And Co vous n'en avez entendu parler. Un gros tort en soi parce qu'il faut admettre que ce groupe, à défaut de jouir d'une solide reconnaissance, envoie du pâté. Gravement. Au point de se hisser parmi une de mes plus belles révélations musicales de ces dernières années. Alors, quand on voit passer la date d'un nouvel opus, on trépigne d'impatience tel un gosse. Et lorsque, quelques jours plus tard, on voit passer un mail de demande de chronique, il n'y a pas à réfléchir : on joue les charognards et on se jette dessus fissa, fissa.

 

Si les débuts avec un premier album éponyme se montraient déjà prometteurs en 2007, il a vraiment fallu attendre le second jet sorti quatre ans plus tard, L'Année Du Tigre, pour que le groupe tournant autour du duo franco-vietnamien, réunissant la vocaliste/pianiste Kim-Thuy Nguyen et le batteur Aurélien Clair, montre réellement un potentiel certain. C'est bien simple : aucune fausse note à retenir de la fournée 2011 qui dévoilait un panel d'influences et de styles variés, allant du rock à la variété française en passant par l'incursion de quelques éléments traditionnels asiatiques, bidouilles électroniques ou encore des plans et phrasés vocaux se posant à la limite du rap. Une bonne tambouille musicale très fusion se posant comme très accessible même si elle ne se révèle pas toujours évidente, très radiophonique par moments tant les refrains se caillassent aisément dans les cervelets. Mais ce qui pose Ina-Ich à une place particulière, c'est sa frontwoman se posant comme un personnage comme on n'en fait plus. Imaginez un peu ce que pourrait donner une Catherine Ringer bridée shootée aux amphèt'. Une voix au timbre particulier et caractéristique – on pensera d'ailleurs à celle de la vocaliste des Marseillais de Bad Tripes qui s'y apparente pas mal – alliée à une véritable force d'écriture dans la langue de Molière que l'on aimerait voir plus souvent dans le paysage francophone.

 

Il a donc fallu patienter cinq ans pour que Ina-Ich nous livre une nouvelle fournée. Plutôt long sur le papier qui s'explique par une vie de groupe plutôt chaotique, entre recherche d'indépendance musicale en terme de business et autres problèmes de personnel assis sur des sièges éjectables. Ina-Ich ne semble pas vouloir faire comme tout le monde et ce n'est certainement pas par hasard qu'on leur a offert l'opportunité de chauffer le public de Shaka Ponk – qui met, lui aussi, en avant son indépendance quant au business du disque – sur leur dernière tournée. Le combo semble enfin un tant soi peu stabilisé aujourd'hui avec l'arrivée d'un troisième larron qui est entre autre connu comme étant le bassiste et réalisateur de M. Et c'est sans surprise que l'on voit un petit troisième sobrement intitulé ii3 débouler dans les bacs. Et franchement, il faut admettre qu'il n'a pas dû être évident de le pondre car il se doit à la fois d'enfoncer le clou afin de prouver que L'Année Du Tigre n'était pas qu'un vulgaire coup de bol et faire preuve d'un minimum d'évolution, histoire que le groupe ne se pose pas comme un vieux couple routinier avant l'heure.

 

Beaucoup d'appréhensions qu'Ina-Ich fait dégager d'un revers de main. Car le combo modifie quelque peu sa recette et la radicalise davantage vers un électro/rock plus franc, même si toujours métissé de ci et de là. L'évolution est là et la mutation protège de cette sensation de « moins bien » dans le sens où la comparaison avec le passé s'avère hors de propos. Voir d'ailleurs un tel parti-pris conforte cette opinion d'avoir affaire à un descendant illégitime des Rita Mitsouko dans cette recherche de toujours repousser les limites artistiques au point de muer vers de nouveaux horizons avec crédibilité.

 

Nul doute qu'avoir partagé la vie avec Shaka Ponk en tournée a beaucoup influencé ce troisième opus tant on y retrouve une fougue électronique et énergie commune. Sauf qu'Ina-Ich a au moins eu l'intelligence de conserver de ses racines ainsi que son intégrité, chose qui manque cruellement à son ex-colocataire des routes françaises dans ses derniers travaux. ii3 se révèle majoritairement aussi saturé que sautillant dans sa première moitié. Totalement dans l'air du temps, on pourra taxer les Parisiens d'opportunistes. Mais diablement efficace dans leur martèlement calibré. Comment leur en vouloir alors que des « Lève Toi », « Fais Nous Un Tube » ou encore « L'Argent » pour ne citer qu'eux ont le pouvoir de rentrer dans la tête dès la première écoute ? Comme si un marteau-piqueur nous fendait la boîte crânienne bien profondément pour prêcher la bonne parole.

 

Et de bonne parole, Ina-Ich n'en manque pas. Car si opportuniste peut-on le considérer musicalement dans ses hits en puissance, les textes de Kim-Thuy ont le pouvoir d'estomper très largement le côté le plus péjoratif du constat initial. Contestataires, la fureur punk semble avoir bercé la Franco-Vietnamienne dans sa plume tant celle-ci se révèle sans concession. Le tout sans vulgarité aucune, parfois finement romancé et/ou imagé, il n'en demeure pas moins que chaque thématique choisie est défrichée en mettant le doigt où cela fait mal avec une prise de position véritablement furieuse, presque écorchée, comme s'il s'agissait de la dernière tribune qui pouvait s'offrir à la vocaliste. Et dans le fond, sur des points tels que l'industrie musicale (« Fais Nous Un Tube »), l'obsession monétaire (« L'Argent »), les diktats des modes (« Rien A Foutre ») et de l'apparence (« Comme Un Garçon ») comme tous les autres, il faut reconnaître que les avis exprimés sont loin d'être à côté de la plaque, même si c'est à chacun d'en juger.

 

La seconde moitié de ii3 nous ramène davantage au Ina-Ich originel. Plus de délicatesse, plus d'émotion, la mise en avant du piano renforce un côté écorché vif vraiment poignant (« Maman », « Tes Silences », « Je T'Emmène »), même si la saturation à mi-chemin entre organique et artificiel ne se cache jamais trop loin. Seule zone d'ombre au tableau : un titre de clôture franchement dispensable. Si « Au Bout De Ses Doigts » fait écho à « Ton Incandescent Corps » de l'album précédent en terme d'escapade plus friponne, il faut reconnaître que la monture 2016 loupe le coche face à celle de 2011 qui était vraiment une réussite en la matière.

 

D'un autre côté, un faux pas sur une douzaine de titres proposés, ce n'est pas la mer à boire. Car Ina-Ich arrive encore à nous livrer une offrande solide qui, à défaut de le dépasser, se hisse au même niveau que L'Année Du Tigre. Certes, l'identité est si nette et cet écho lointain à Shaka Ponk dans ses hits feront que ii3 ne mettra pas tout le monde d'accord. Mais clairement, il ne laissera pas indifférent, signe éminent que le trio parisien détient bien cette petite étincelle que l'on nomme communément « talent ».

photo de Margoth
le 21/10/2016

2 COMMENTAIRES

cglaume

cglaume le 21/10/2016 à 12:16:27

** troll ** Ca ferait pas limite "ChianT" lu à l'envers le nom du groupe ? ** troll **

Xuaterc

Xuaterc le 21/10/2016 à 13:03:54

C'est pas inintéressant, ça.

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