Jonathan Davis - Black Labyrinth

Chronique CD album (50:24)

chronique Jonathan Davis - Black Labyrinth

S'occuper de l'album solo de Jonathan Davis, on aurait pu croire que c'était du gâteau. Après tout, venant du chanteur de Korn, ça ne peut qu'être aussi simple à juger qu'un album du groupe qui l'a fait connaître : quelques jours d'écoute, on tape sa chronique à l'arrache et c'est plié en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Bon, ok, je fais ma vilaine langue, je garde toujours aujourd'hui ma très grande affection pour la formation pionnière du neo metal. D'où le fait que je n'ai pas pu m'empêcher de me procurer ce premier effort solo – si l'on excepte sa participation à la bande originale de La Reine Des Damnés – qui serait selon ses propres dires comme « l'aventure d'une vie » dans le sens où il aura passé pas moins d'une bonne dizaine d'années à le composer. Et à l'image de ce temps très long de gestation, se prendre Black Labyrinth dans la tronche n'est pas une chose aussi facile qu'on pourrait bien le croire.

 

L'avoir vu au Hellfest m'avait déjà mis la puce à l'oreille sur le pot-aux-roses : Jonathan Davis n'a clairement pas pris le chemin de la facilité pour son opus solo. Il ne s'agit pas là d'une pâle copie de Korn blindée jusqu'à la gueule de chutes de studio moyennes/médiocres n'ayant pas été sélectionnés pour apparaître sur un disque de la bande de Bakersfield. Même si bon, je n'irai pas pour autant défendre l'indéfendable : il y a quand même de la sérieuse base Korn là-dedans (« Everyone », le seul cas vraiment Korniesque jusqu'au bout des ongles). Pas dans ses plus grandes spécificités comme les guitares lourdes et basse ronflante mais plutôt par le chant – logique me direz-vous bien qu'on reconnaîtra qu'il est moins torturé que sur un album de Korn quelques structures (le break d'avant-fin de « Walk On By » notamment) ou approches mélodiques (« Happiness »). De cette base immuable, on pourra reconnaître le très grand effort de lui offrir un habillage tout beau, tout neuf, tout frais en utilisant tout un tas d'influences que Davis ne pouvait pas forcément utiliser avec son groupe.

 

Et c'est justement en cela que Black Labyrinth est une plaque si complexe. Il faut ici s'affranchir des habitudes, accepter que ce chant si caractéristique qu'on a toujours associé avec Korn s'appose sur des éléments instrumentaux dont le mélange paraît totalement incongru de prime abord. Surtout que les influences vont bien au-delà du metal qui paraîtrait même assez minoritaire dans toute cette tambouille. Le cas le plus parlant reste sans doute « Final Days » qui prend toutes ses bases dans la musique traditionnelle orientale, avec tous les instruments traditionnels en règle qui vont avec, sur laquelle se greffe les lignes vocales caractéristiques du chanteur, de la même manière que l'on retrouve cette approche arabisante sur le break central de « Basic Needs ». De la même manière que l'on peut retrouver du quasi-funk lourdement sous-accordé sur « Walk On By », une approche plus légère limite pop/rock calibrée radio sur « Underneath My Skin » et « Your God » et bien entendu la part électro chère au cœur de Davis qui nous l'a montré à bien des reprises dans Korn que l'on retrouve disséminée un peu partout sur Black Labyrinth, à plus ou moins grande échelle. Le cas le plus flagrant étant certainement « What You Believe » qui amène comme une sorte de renouvellement très intéressant et réussi à ce qui avait été développé sur The Path Of Totality (dont l'intéressé a porté la démarche quasiment à lui seul à n'en point douter) avec son côté très transe un brin dubesque, rappelant par moments certains travaux de Trent Reznor. On retrouve également ce même genre de démarche à titre plus expérimental sur le bien étrange « Gender ». Ou simplement à s'arrêter à des teintes indus' très cold wave/dark wave dans l'esprit (« The Secret », « Medicate », « Please Tell Me »).

 

Bref, le spectre d'influences du monsieur part loin et les premières écoutes font assurément bizarres... Et laissent pas mal circonspect de prime abord tant les associations peuvent paraître incongrues, pas forcément toujours très cohérentes et que tout ce schmilblick part peut-être un peu trop loin en terme de pot-pourri au niveau de la cohésion d'ensemble. Il serait bien dommage de s'arrêter à ce simple constat de première approche car la magie finit par opérer à force de prolonger les écoutes. Tout se marie au final très bien, aussi varié et inhabituel cela peut-il paraître de prime abord. Même si on ne peut s'empêcher de sentir un je-ne-sais-quoi de gênant : avoir l'impression d'être un peu laissé sur le carreau. Il y a comme un petit truc qui bloque afin de se mettre complètement dedans, un peu comme si l'on avait été jeté dans le délire d'un autiste. On le comprend, on trouve ça intéressant, si ce n'est complètement fascinant, bien foutu, bien fini, avec énormément de nuances et de détails qui se dévoilent au fil du temps mais on n'arrive pas pour autant à y plonger à corps perdu. Une sensation étrange qui s'estompe quelque peu à force d'écoutes mais qui ne disparaît jamais totalement. Ce qui fait qu'on ne peux pas forcément se résoudre à hisser ce Black Layrinth de Jonathan Davis plus haut en terme d'appréciation pure et dure, quand bien même il le mériterait sûrement.

photo de Margoth
le 19/10/2018

2 COMMENTAIRES

Tookie

Tookie le 19/10/2018 à 09:09:37

Pour paraphraser des juges de talent : "Pour moi c'est un non."

J'adore Davis. Vraiment. Je pense même qu'il s'agit d'un des meilleurs chanteurs de sa génération. Mais cet album, il a mis 10-15 ans à le créer. Ok, très bien, pas de soucis. L'ennui c'est qu'en 10-15 ans, il a évolué, voulu faire des tas de trucs différents, touché, retouché retravaillé, recréé. Le résultat est incohérent, inégal, imbuvable et surtout : insipide.

Le vide de ce disque on le doit à une prod qui pourrit les qualités du bonhomme, à une écriture pas très fine. Mais je suis tout à fait d'accord quand tu parles de Reznor. Sauf que ça m'emmerde, désolé je sais que ça va faire bondir du monde mais NIN ça m'a jamais excité, et je trouve ça beaucoup moins bien que Reznor.

En fait, j'suis super déçu, parce qu'on dirait des chutes de mauvaises idées des mauvais albums de KoRn. Il y a bien quelques petits moments sympas, un titre ou deux cool, mais c'est loin de faire honneur à son chant (vraiment, je ne comprends pas la prod' qui traficote tout et ne valorise pas ses qualités) et sans aucun doute ses qualités de musicien. J'ai par contre de sérieux doutes sur celles de compositeur.

Et ça m'fait mal de penser ça.
Peut-être en attendais-je trop.

Margoth

Margoth le 19/10/2018 à 09:33:05

Bon alors là, Tookie, je ne vais vraiment pas te jeter la pierre. Je comprends complètement ton ressenti (un peu ce que je disais en début de dernier paragraphe), les premières écoutes ne se sont pas passées sans heurts de mon côté non plus. Et franchement, je pense que je n'aurais pas vu sa prestation au Hellfest où ces morceaux étaient présentés de manière plus simples, et n'aurait pas laissé autant de temps et d'écoute avant de m'atteler à la chronique, je pense qu'elle aurait davantage penché vers le négatif également.

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