Hürlement - Interview du 15/01/2017

Hürlement (interview)
 

 La mort sera belle va bientôt sortir, pour vous c'est le soulagement du travail accompli ou le début de l'aventure ?

Sans parler du travail d’écriture qui est étalé sur les années précédentes selon les morceaux, le boulot sur la mise en place et l’enregistrement remonte déjà un peu. On a préparé une démo de l’album pour nous-mêmes en juin 2015, des prises crados en vitesse à la maison pour juger de l’effet des compos et des tempos. L’album a été enregistré en studio en octobre 2015, et depuis on l’a écouté quelques millions de fois (au moins) pour le mix. Tout ça fait que ça ne peut pas être le début de l’aventure, elle est déjà en cours. L’arrivée du master avec le son définitif a redonné une petite fraîcheur à l’écoute, et il y a le plaisir de voir les gens découvrir les premiers morceaux sortis et y réagir, mais je pense que la satisfaction du travail accompli ne viendra que lorsqu’on aura le LP entre les mains, en janvier. Je me dis toujours que si je ne hais pas cet album après m’être lavé le cerveau avec à ce point pendant un an, c’est qu’il ne doit pas être si mal !

 

Du coup ça a été un travail de longue haleine est-ce parce c'est votre 3ème album et qu'on dit que c'est un cap pour un groupe?

Est-ce qu’on ne dirait pas aussi que le deuxième et le quatrième sont un cap ? Je suis sceptique sur ces maximes (et quand j’entends l’expression « album de la maturité », je sors le fusil). Il y a eu plus de travail sur cet album, d’abord parce qu’on a mis en pratique les leçons et l’expérience des précédents, sans doute surtout parce qu’on gagne doucement en moyens techniques ou financiers. Le temps passé vient aussi du fait qu’on y travaille quand on peut (il faut parfois s’occuper de détails accessoires comme payer le loyer et nourrir les enfants) mais, par exemple, on n’aurait jamais pu avoir un mix/master de cette qualité en deux semaines comme un énorme groupe (et il faut saluer le long boulot d’Axel Wursthorn là-dessus). On n’est pas très rapides à la base, mais paradoxalement cet album est allé plus vite que les deux précédents, on peut espérer que le prochain sera un peu moins lent à sortir à son tour.

 

 Comment fonctionnez-vous pour créer vos chansons musique d'abord paroles après, ou l'inverse ?

On est deux à écrire les morceaux, François (guitare) et moi. Lui en apporte certains sans le chant mais avec des paroles en français, et j’y ajoute la ligne vocale. Dans ce cas, j’écris la mélodie de chant à partir de ses paroles, que je modifie un peu au passage pour les adapter au débit, ajouter ou couper des passages selon les besoins de la structure, et avec un travail plus formel sur le rythme, les euphonies, allitérations, etc. Pour le corps du morceau, je sais qu’il part souvent d’un thème ou d’un titre, d’autres fois juste d’un riff. « Grenadiers », par exemple, lui a été inspiré par une peinture d’Édouard Detaille. Pour l’autre moitié, c’est moi qui apporte un morceau complet, avec instruments, chant et paroles. Soit je pars d’une mélodie qui me tourne en tête, soit d’un titre ou d’un bout de phrase que je trouve accrocheur et qui amène le reste, mais j’ai aussi des fichiers avec des bouts de mélodie ou de rythmiques qui attendent de venir compléter un morceau du bon style, un jour. Si certains restent inutilisés, je pourrai toujours les recycler dans vingt-cinq ans quand on sera un groupe de vieux bedonnants rincés de leur inspiration... On est déjà semi-vieux et bedonnants, la moitié du travail est faite.

 

Comme à votre habitude vous mélangez chansons en français et chansons en anglais. Ça ne t'a jamais tenté de présenter de 2 versions d'un même album avec une version française et une version anglaise ?

Ce serait sans doute amusant, à condition de ne pas sortir l’une des deux versions comme une simple adaptation un peu médiocre à un marché, comme on l’a trop souvent vu. Ne serait-ce qu’en écriture, ce serait un exercice de style pour obtenir un résultat assez bon. Mais honnêtement, je pense que ça n’arrivera jamais : si on a le temps et l’énergie (et les moyens !) de sortir un nouvel album, ils seront consacrés à du nouveau contenu, pas à des redites. Je me dis souvent aussi qu’on devrait réenregistrer le premier album, qui a été produit dans des conditions déplorables (en gros : dans une chambre à coucher avec du matos à deux balles), et le faire tant qu’on a la fraîcheur qu’il faut. Mais de la même manière, ça n’arrivera sans doute pas. Hürlement n’est pas un groupe rapide, et on va plutôt travailler sur le quatrième album, puis le cinquième, etc. Les autres vont déjà me traiter de gros lourd quand je vais débarquer avec les nouvelles compos à bosser dans quelques semaines, elles attendent bien au chaud que le boulot sur la sortie du troisième album soit terminé.

 

D'ailleurs qu'est-ce qui vous pousse à écrire un morceau plutôt en français ou plutôt en anglais ?

La plupart du temps, François écrit en français (formulé comme ça, ça parait logique) et moi en anglais. On garde les deux car on aime les deux et les deux font partie de notre paysage musical. Mais il y a des exceptions, j’ai quelques textes en français, et là le choix est uniquement à l’humeur du moment, il n’y a pas de principe. Il y a des titres ou des accroches qui viennent dans l’une ou l’autre langue, c’est comme ça, et le morceau en découle.

 

Écouter/lire vos textes donne l'impression que vous êtes de gros lecteurs, je me trompe ? Et si c'est bien le cas qu'aimez-vous lire en particulier des documentaires et romans historiques, de la fantasy... ?

Alexis : Nous sommes des gros lecteurs avec des barbes. En science-fiction ou fantastique, j’ai écumé un peu tout ce que je trouvais à une période, du meilleur au pire. Ça continue en moins frénétique, il y a pas mal de conneries qui empiètent sur mon temps de lecture. Je deviens plus sociable et donc plus inculte, on ne peut pas tout faire. Pour l’historique, j’ai adoré Steven Runciman et Amin Maalouf, mais c’est rare. Je lis plutôt des romans, de la BD et du documentaire politique, souvent américains ou anglais, ça colle bien à mon boulot (traducteur) mais ce serait pareil sans.

François  :  Question heroic-fantasy, j'en suis resté à Tolkien et au Club des Cinq. Je vais faire mon petit pédant : mes lectures actuelles sont presque exclusivement consacrées à des livres ou articles universitaires en lien avec mes activités de recherche. Je suis docteur en histoire romaine, spécialisé dans l'étude des légions de la fin de la République et plus généralement intéressé par l'histoire militaire en règle générale. J'élargis mes lectures à d'autres périodes historiques notamment avec des revues de valorisation ou de vulgarisation, sources inépuisables d'inspiration pour mes textes (« Grenadiers » est né de la simple observation du tableau de Lepic à Eylau). Sinon j'aime bien lire Astérix, aussi.

 

 En fin d'album il y a 3 morceaux « estampillés » Brothers in Arms. C'est quoi pour vous ? Un « mini » concept ou 3 parties d'une seule chanson ?

Disons un mini-concept. Les morceaux sont distincts, c’est une trilogie sur le même thème. Du fantastique guerrier, très intellectuel. Il y a aussi des reprises musicales de l’un à l’autre, mais elles sont plutôt camouflées.

 

Pour moi « See you in Hell » est clairement l'un des sommets du disque c'est ton sentiment aussi ?

J’ai déjà du mal à isoler des favoris sur les albums des groupes que j’aime, alors sur le nôtre... Si on me mettait un flingue sur la tempe, je dirais sans doute "Tribute to my enemy" et "Conquérant", qui sont les plus épiques, mais j’aurai peut-être changé d’avis dans six mois. Pour "See you in Hell", les autres se sont un peu payé ma tête quand je l’ai déballé, pour tout le début qui est assez différent de ce qu’on fait habituellement. Mais une fois qu’il a pris corps en répétition, tout le monde l’a adopté. En tout cas il est très marrant à chanter, pour l’atmosphère « poing levé » et parce qu’il y a un peu de tout techniquement.


si on reste sur l'idée de concept, un concept-album c'est quelque chose qu'il vous plairait de faire ?

Pour l’instant, ce n’est pas trop compatible avec notre façon d’écrire, ni avec l’alternance des langues qui en résulte, mais l’idée est forcément intéressante. Pour La mort sera belle, on a fixé une direction générale à l’avance (« épique »), j’imagine qu’on pourrait se mettre d’accord sur l’intention d’un concept et organiser le travail en amont. Le problème est aussi que je n’aime pas l’idée de se dire : « Hé, sortir un concept album c’est super classe, on va faire ça, trouvons quelque chose. » Pour moi, il faut qu’un thème impose la forme plutôt que l’inverse. Peut-être un jour. Pour le septième album, en 2067.

 

Au Halmets fest (et je prends le pari que ça sera la même chose au PMFF VI) vous avez joué sous forme d'un quintet avec Julien Rousseau d'ADX comme 2ème guitariste, les infos sur l'album ne le créditent pas... fait-il désormais partie de Hürlement ?

Ce sera effectivement la même au PMFF. Julien a intégré le groupe comme second guitariste depuis quelques mois, ce n’est pas encore annoncé car nous avons décidé de garder la surprise jusqu’à débarquer sur scène avec lui au festival pour le nouvel album. Le hasard des dates en a fait une occasion à ne pas manquer. Le concert du Halmets Fest n’était pas prévu, nous avons remplacé Manigance au pied levé le jour même. Nous répétions déjà avec lui, et comme la date n’était pas énorme, on a pu se faire ce petit plaisir sans gâcher la surprise (et en prétendant à moitié que ce n’était qu’un délire ponctuel). En fait, nous ne cherchions pas de deuxième gratteux, une configuration live où chaque instrument occupe sa sphère me va très bien. Mais il nous l’a proposé et comme il collait parfaitement à l’ambiance et l’esprit du groupe, on a décidé de passer à cinq. Ça nous permettra de restituer toutes les mélodies croisées des albums. Il n’est pas dans les musiciens de La mort sera belle tout simplement parce que tout était déjà terminé, en accord avec lui on est restés sur le vrai line-up de l’album sans l’ajouter juste pour la photo comme on voit parfois. Si tu regardes le livret, tu verras qu’il y a tout de même sa place — note qu’on a failli mettre « cinquième roue du carrosse », ça nous aurait tous fait marrer, mais une référence beaucoup plus classe s’est imposée. Il pourra arriver qu’on refasse des dates à quatre en cas de conflit avec le calendrier d’ADX, mais Julien est bien membre à part entière et sera sur le prochain album.

 

Si on reste sur ADX,  Betov vient poser un solo sur « Guerrier » comment ça c'est décidé et comment ça s'est déroulé ?

Le lien avec ADX était déjà fort avant l’arrivée de Julien, et l’est toujours plus aujourd’hui. Nous sommes fans du groupe à l’origine et le restons aujourd’hui, c’est une influence musicale et thématique forte, mais ça a depuis longtemps dépassé ça pour devenir familial. Ils m’avaient déjà convié à enregistrer quelques chœurs sur Ultimatum juste pour faire plaisir au fan que je suis, j’étais heureux comme un gamin attardé (... que je suis). Une participation de Betov était évidente pour nous, et sur cet album nous avons enregistré les guitares dans de meilleures conditions (i.e. pas chez nous à la cave) et avons enfin pu l’inviter. "Guerrier" semblait parfaitement coller à sa patte caractéristique, il y a un parfum d’ADX dans les influences et les variations mélodiques de la rythmique qu’il a reprises dans son solo l’accentuent encore. Un peu après l’enregistrement de l’album, lui et moi sommes retournés une demi-journée au studio Walnut Groove d’Axel Wursthorn, et comme c’est là aussi un lien d’amitié à force de se côtoyer pour la musique, ça a dû se décomposer en vingt minutes pour chauffer et planter les prises et le reste du temps à échanger des calembours ignobles et refaire le monde.

 

L'album en plus du CD et du vinyle va sortir en cassette, c'est quelque chose qui vous tenait à cœur ou c'est juste le label qui a proposé et vous avez trouvé l'idée sympa ?

Plutôt la deuxième solution, on n’est pas des acharnés de la cassette comme on peut l’être du vinyle, mais Laurent d’Emanes nous l’a proposé pour la petite touche supplémentaire comme c’est un peu à la mode super-true du moment, et on est toujours heureux de faire les choses à fond. Mais on fait petites natures à côté des potes de Herzel qui ont carrément posé leurs burnes de titane sur la table d’acier et sorti Unis dans la gloire en cassette uniquement, alors pour se rattraper on publiera le quatrième album exclusivement gravé sur tablette d’argile.

 

Peut-on revenir sur ton aventure avec Blasphème ? Qu'est-ce que ce genre d'expérience t'a apporté ? Est-ce que c'est compliqué de se mettre dans les chaussures de quelqu'un d'autre, de chanter ses mots et de partager le chant avec quelqu'un d'autre (Olivier de Shannon) ?

C’est très simple, ça m’a apporté le bonheur de chanter des morceaux que j’adore avec un groupe dont je suis fan depuis longtemps. Rien que ça, c’est Noël. Au-delà, une amitié avec le groupe et son équipe qui dépasse depuis le cadre de la musique. L’accueil dans la bande a vraiment été excellent envers Olivier et moi, on s’est instantanément sentis à la maison. D’un point de vue musical, reprendre le flambeau de Marc est un sacré défi en soi, et c’est l’occasion pour moi de changer un peu de style par rapport à Hürlement, ça reste du heavy mais dans un registre plus posé, moins chargé en agressivité. En tant que fan, je vibre à ces morceaux depuis longtemps, donc me projeter dedans n’a pas été difficile, au contraire, le chemin était déjà fait. Pour le partage des morceaux, on s’est facilement entendus dessus, on en avait chacun certains auxquels on tenait particulièrement et le reste s’est fait naturellement. En plus, on peut s’amuser avec les chœurs et harmonies.

 

Je te remercie pour cette excellente interview et je te laisse le traditionnel mot de la fin!
Merci à ceux qui ont fait du PMFF un concert et une sortie mémorables, et on vous attend sur les prochaines dates. Nouvel album et nouveau line-up, on est prêts à casser le mobilier !

 

photo de Papy Cyril
le 23/01/2017

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