Les Disparus De La Photo - Interview du 13/06/2019

Les Disparus De La Photo (interview)
 

Tout d'abord, salut à toi Jean Philippe et merci de répondre à mes élucubrations. Pardonne-moi, je ne sais pas ce que je fais, je ne suis pas du tout un habitué de l'exercice.

Ah j'aime ce début qui pose le contexte géographique, historique, socio-économico-culturel (oui, bah le contexte, quoi...). J'adore aussi le passage docu volé, dans le DVD bonus, sur les No Fuck Bébé, qui évoque justement tout cela de la plus belle des façons...

Mais avant de développer sur ton film, et plutôt que de parler du passé, peux-tu en premier lieu nous parler du présent : quels groupes de ta région connais-tu, ou conseillerais-tu ?
As-tu encore le temps/l'envie de te tenir un peu au courant ?
J'aimerais bien savoir car moi-même me sens un peu (pas complètement!) déconnecté, et si je connais pas mal de groupes plus de mon côté de la « frontière » (Belfort, grosso merdo), je connais mal ce qui se passe à moins de 20 bornes de chez moi (Audin', Montbéliard et Cie les amis), c'est dingue !

 

Salut, j’ai lu ton intro et ton dossier et j’ai l’impression que tu y apportes toutes les réponses nécessaires. Ça obéit certainement à un maelstrom incontrôlé puisque « qu’il y a trop, trop d’informations maintenant »

Oui je me tiens plus ou moins au courant mais par personnes interposées, si j’ai interviewé tous ces gens c’est parce qu’ils ont dressé des ponts et entretenu cette culture musicale.

Je ne te conseillerai pas tel ou tel groupe je n’en ai pas l’autorité ni la légitimé. Ma réflexion s’est articulée sur le fond.

Niveau temps c’est compliqué et j’ai pu prendre le temps de te répondre calmement depuis Toronto, pris dans divers projets audiovisuels chronophages.

J’ai eu l’opportunité de tenir le micro dans PrisonLife quand Sam me l’a proposé ce qui me tient tendu et me permet de m’exprimer dans ce style mean groovy et misanthrope que l’on pratique.

J’ai envie de te retourner la question et de connaître sur quelles bases on peut aujourd’hui conseiller un groupe plutôt qu’un autre :

En fonction de s’il répète en SMAC? S’il a des subventions? Si sa tournée est payée par l’état? allons mec tu t’es égaré là ha ha!

 

(NDR J'ai pas l'impression de m'être égaré, non. Après, il n'y a pas besoin d'une légitimité ou d'une autorité quelconque pour conseiller des groupes qu'on apprécie... pour plein de raisons différentes. Pas besoin de diplôme de la « D.I.Y. Attitude » ni crédibilité particulière hormis la musique en elle-même et l'investissement ressentis et l'envie de les partager. C'était très innocent en fait comme question. Envie de découvrir et de faire découvrir de ma part, point barre. NDR)

 

Et d'ailleurs, au niveau du contexte géographique, comment tu t'expliques cette « frontière » dont je parle (si pour toi y'en a une, bien-sûr...), et que pour ma part je sens assez bien, entre le côté Belfort et le côté Montbé ?

C'est pas un peu dommage, ça ? « L'entre-nous » c'est jamais bon à long terme...

Tu crois que ça a quelque chose à voir avec Peugeot VS Alstom (R.I.P. ! hinhinhin !), ahahah ?!!

 

Si tu me prends par les sentiments…

Alors qu’une personne sur 10 possédait une voiture, on arrivait tous à se retrouver à la Poudrière de Belfort, à l’Atelier des Môles de Montbéliard, au Nelson Bar D’Audincourt, au Pinky Bar de Nommay (…) en Suisse à Porrentruy, au SAS de Delémont, parfois pour les plus fous d’entre nous à Besançon ou à Mulhouse au Noumatrouf.

En 2019 on a tous une voiture à 20 000 balles (NDR ARGH ! Oh non ! NDR) et on reste bien sagement collés à Netflix, Youtube (…)

Plus les forfaits internet ont été abordables, plus la bande passante de qualité et plus les écrans plats de grande dimension à un prix défiant toute concurrence, et plus les gens se sont renfermés. C’est mon analyse. Je me trompe peut-être mais avant tout c’est une affaire de ressenti.

Il y avait déjà l’omniprésence d’une mentalité peu « tirée vers le haut » (je précise que venant de moi ce n’est pas méprisant du tout puisque j’en ai fait partie 41 ans), mais en plus, à nouveau les moyens sont mis pour que le plus petit nombre développe ne serait-ce qu’ un esprit critique, sans même parler d’une radicalité d’esprit, j’entends là ; se positionner quelque part dans ta life en étant conscient de ce que tu sais, ou de ce qui te manque à savoir.

Il a manqué la culture de la curiosité pour faire simple.

 

À mon sens et dans un ordre bien plus général que le simple fait de « faire du Rock » s’apparente plus maintenant à la perpétuation d’une tradition qui a fait rêver une à deux générations qu’à une véritable révolution intellectuelle. Cu de Kicking Records le dit assez désabusé dans le documentaire; le Rock c’est de l’entertainement, il ne faut plus y chercher quoi que ce soit de profond.

 

Jean Baptiste Thoret lors de sa présentation de « We Blew It » au Sinister Ciné-Club de Besançon postulait sur une phrase qui m’est restée alors que j’étais en plein milieu de la série d’interviews pour les Disparus.

« Quand les gens allaient au cinéma dans les années 60/70 c’était pour trouver des réponses »

J’étais dans cette démarche à 15 ans, j’écoutais du Hardcore et j’entrais dans des salles qui me faisaient peur pour les mêmes raisons.

Est-ce que tu as l’impression que pour la plupart des mecs qui font du Rock c’est la même chose? moi je ne crois pas, tout finit par se résumer à l’esthétique, au cosmétique, vide, abscons, une bande d’amis qui répètent et boivent des canettes en se récitant leurs leçons.

OK j’ai tort et sûrement très tort puisque je ne me déplace plus qu’à quelques concerts choisis, ou ceux des potes pour soutenir le truc. En toute sincérité je suis hermétique, j’écoute toujours les mêmes 50 vieux trucs, comme autant de mantras.

J’avais un idéal naïf, je suis toujours végétarien et ma pensée s’articule autour de la science, le renforcement de l’esprit critique et la philosophie dont je me blinde la cervelle en podcast à longueur de journée.

Dans PrisonLife les lyrics sont misanthropes mais je m’arrange pour qu’elles raisonnent et laisse une problématique pour les 1% qui vont les lire et avec lesquelles on auto-alimentera une pensée déjà largement posée et convenue au fil des 30 dernières années.

 

Oui les concerts existent, oui des gens se bougent et font le nécessaire pour ne pas se faire endormir et proposer ce qu’ils aiment. Je n’ai jamais dit le contraire de ça, ni tiré sur personne. Dézoome et tu vois déjà mieux les contours du film.

 

 

Bon et donc l'esprit usine règne toujours à Montbé ? Qu'en est-il aujourd'hui ? Qu'est-ce qui a remplacé l'usine, le cas échéant ? L'usine, c'est déjà pas le rêve, mais alors quel avenir normé est-il proposé à la place ?

 

La bonne question c’est : « quel avenir se choisissent les gens? » c’est sur que la glu est puissante à Sochaux, mais ça a changé, ça mise pas mal sur les intérimaires qui, quand j’en croise ne parlent que de leurs primes de nuit, de tournée et du fait qu’ils vont pouvoir partir en vacances parce qu’ils ont accumulé des jours dûs.

Tout ça avec un teint blafard, les yeux enfoncés au fond du crâne et fières de se sentir plus malins qu’un système qui les supplante depuis toujours, et de très loin.

Encore une fois, j’en fais partie, et même si je suis à mon compte depuis 2008, c’est encore dans mes veines et putain que c’est acide.

 

Pour ma part, j'aurais du mal à le dire, et c'est peut-être le problème. On n'a jamais autant collé au « No Future » littéral.

 

Pour moi le « No Future » ça a toujours été comme le « Touche pas à mon pote » ça s’est auto-détruit dans l’œuf.

 

D'ailleurs le Rock pourrait peiner à lutter contre « l'ennemi », puisque l'ennemi est flou... L'ennemi pourrait bien être lui-même, au moins en partie... Le Rock mangé par le divertissement...

 

Le Rock, s’il a lutté ou uni quelques minorités c’était certainement plus dans ses balbutiements, que de manière contemporaine.

Quand la notion de minorités et de besoin vital d’expression correspondait à une époque où il n’y avait encore que des chorales, des bals et que l’information circulait au ralenti et était facile à réprimer par les autorités quand elles se sentaient menacées dans leur intégrité impériale.

Je pense plus que chaque gazier qui a commencé à chanter l’a fait avec ses tripes en hurlant à la mort, plutôt que dans une réflexion de changement collectif.

(je généralise bien évidemment).

 

L’ennemi, il faut arrêter de penser que c’est les autres, ou le système,.

L’ennemi c’est d’abord soi-même, je pense contre moi-même, je remets en question mes certitudes, et parfois ça me conforte, je prouve que ma pensée tient la route, ou je révise mes positions.

 

Me parleras-tu d’éducation alors? Très tôt dans l’enfance? De parents responsables de développer l’esprit critique de leurs enfants plutôt que de leur farcir la tête de certitudes orientées par leur propre expérience ? De pensées ésotériques, d’horoscope, d’ovni, présence d’un ami imaginaire à la fois bienveillant et cruel ? Me parleras-tu de la position de l’état dans tout ça? De la responsabilité individuelle?

Si c’est le cas je te répondrai : démerdez-vous avec vos doutes et vos certitudes, je me débrouille avec les miennes ha ha !

Alors pour répondre à ta question, tu penses bien que le Rock c’est une écharde dans le pied de la pensée unique, c’est sûr, mais c’est dans le même temps une simple idée ectoplasmique dans un monde réel, concret, implacable.

Pure utopie, belle utopie, utopie.

 

Il y avait une essence oui sinon on aurait pas ressenti cette tension pendant les concerts, l’opposition communautaire à un monde que l’on réfute en bloc.

Mais c’est passé, tout passe, et tout se fait avaler par le grand trou qu’on ne peut combler c’est-à-dire le besoin permanent de nouveauté, de se divertir, de « débrancher le cerveau » après une journée de travail.

 

 

Et sinon, franchement... T'as pas l'impression d'avoir fait un film à charge, là ? Car c'est un peu ce que je ressens, moi.

 

Si j’ai fait un film à charge, c’est le but. Des centaines de films très bien existent déjà sur le thème de la diversité des genres, des associations, des militants des groupes sur la route, des vidéos de live etc…

C’est déjà fait et je n’allais pas passer deux ans et demi de ma vie à faire une redite de tout ce qui a déjà été dit sur le sujet, ceux qui le font le font très bien et je te conseille de voir UxÅ sur la scène HxC suédoise dont voici le teaser : https://www.youtube.com/watch?v=4ed2p5F2p70

Et aussi Diesel sur le parcours du band punk Uncommonmenfrommars: https://www.youtube.com/watch?v=rbbeANHNJ6o

 

N'as-tu pas un peu coupé les participants quand ils disaient peut-être « mais y'a encore ça qui se passe, y'a untel et unetelle là-bas, tel groupe, tel collectif, tel mini-festoche à taille humaine... » ?

 

Si bien sûr, je fais un film sur la disparition de nombre de composantes de la scène, je ne vais pas dans le même temps maximiser l’avis opposé.

C’est à charge, mais tu remarqueras également que ceux qui le disent dans leurs interviews ne le disent pas avec un flingue sur la tempe.

 

45 interviews, 35 questions à chaque personne fois environ 1h30 de rushes à chaque fois ça fait du matériel.

Obligé de dégainer la lame et trancher. Eux qui savent savent et ont compris ma ligne, les autres ne seront pas d’accord et souvent ce sont ceux qui organisent et se bougent qui sont les plus réactifs dans ton sens. Je trouve que c’est sain, et quelque part je suis fier d’avoir amplifié la rumeur sur ces thèmes ça doit servir de base de réflexion, ce n’est pas un dogme.

 

Du coup je me suis dit qu'à cela, on pourrait réagir de différentes façons, en voilà trois :

- on te suit, on arrête tout, de toutes façons tout est foutu. Gnnniaaa !

- c'est pas parce que t'es blasé qu'il faut se sentir obligé de blaser les autres, éh-hé ! Des tas de gens font encore plein de choses et se démènent pour vivre le truc et le faire vivre, non ?

- ou on nuance dans tous les coins, on dit ça craint un peu tout ça, oui, mais le monde change, du coup le monde du rock change aussi, comme semble le dire Elie à un moment : c'est peut-être juste la fin d'un cycle, tout est Cycles, pas forcément la Mort. Tout va évoluer et faire une révolution complète, comprendre un tour complet pour revenir grosso merdo au même point, hé, va savoir ? Ou peut-être quelque chose de nouveau et positif va finir par émerger de toute cette merde ?

 

Ha oui, les cycles de la grosse machine à laver historique. Si tu veux, si ça te rassure ha ha!

D’ailleurs un truc revenait souvent, le fait que la dernière grosse « vague » Rock c’était Nirvana, et qu’avec sa fin, tout avait définitivement muté de manière radicale.

Et je te dirai aussi que dans le cas où ça tournerait en rond et retour à la case départ, ça ressemble à un gros échec dans l’essence même du truc.

Et dans la seconde option que tu proposes alors je t’annonce que ça a lieu déjà depuis un moment, c’est le streaming, les algorithmes et la sélection qualitative auto-nivelée. C’est bon ça non? Plus à réfléchir, t’ouvres la bouche, ça tombe dedans, tu le reproduis, et 25 jours après tu changes de trend.

Révolutionnaire.

 

 

Arf... L'autre jour je parlais avec un pote de toute la clique de groupes excellents qui nous entourent près de chez nous et je lui disais « Putain mais le gars des Disparus de la Photo, il sait tout c'qui s'passe, là ?!? ». Mon pote me répondit que s'il y avait pas mal de groupes chouettes et une belle émulation musicale et amicale, il y avait en comparaison peu de CONCERTS.

Putain, c'est vrai.

 

C'est le nerf de la guerre, non ?

 

Tout à fait, ça et les lyrics, l’attitude sur scène, l’engagement, ça doit sentir la tripe bon sang. Ce n’est pas tant que je veux que ça saigne, non, je suis pacifiste justement, mais voir des bands qui mettent leurs pompes ou tournent le dos au public, qui font des blagues grivoises entre les songs… non.

Je parle de ce que je ne sais pas me diras-tu, et tu as ben raison, mais je peux te dire aussi que j’en ai vu un paquet de groupes comme ça et qu’à 41 balais, tu deviens sélectif, forcément.

J’habite en face de la Rodia de Besançon et à 5 minutes en bike des Passagers du Zinc et on ne peut pas dire que j’aille à tous les concerts.

 

Mon problème à moi c’est ce que je ne ressens plus, pas ce qui se passe autour de moi, je sais très bien que des choses se passent et c’est très bien, mais mon ressenti a disparu, tiens donc, c’est moi qui ai disparu de cette foutue photo d’idéaliste transi.

 

Et c'est vrai que chez nous, c'est vraiment la galère niveau lieu où s'exprimer, ou sortir... Une fois que t'as enlevé les SMACS, ahahah !

 

Ça sent le roussi oui, mais comme tu le disais plus haut chacun est libre de s’organiser, en a-t-on vraiment l’envie et la patience?

 

Faut dire que les cafés crèvent depuis un bon bout de temps, alors les cafés-concerts, n'en parlons pas...

Pis tiens, l'aut' jour je revois un pote d'Avignon qui me dit que même une des SMAC locales a fermé, là-bas. Une SMAC ! AVIGNON !

 

Merci pour l’info, ça prouve en un sens que ce dispositif reste quoiqu’il arrive tributaire d’un public paresseux et pourtant ultra exigeant, toujours en train de critiquer sans rien faire.

 

D'ailleurs, même « à l'époque » tout n'était pas parfait, nique sa mère la nostalgie !, ces lieux duraient rarement, étaient parfois tenus par de vrais truands (je me rappellerai toujours ma première arnaque au cachet...)...

 

Justement, « A l'époque »... Tu dis avoir joué avec ton groupe de 1996 à 2001. Ça fait 5 ou 6 ans, ça. C'est pas si long... oh ouais, OK, OK !, tu peux en faire et en vivre des choses en 5 ans, ça peut être énorme, bien sûr, mais tu as vraiment vu tant de choses changer aussi rapidement ? Quels sont donc ces changements fondamentaux selon toi ? La disparition du fameux Cube et autres ? La raréfaction du public ou son vieillissement ?

 

Contrairement à d’autres bands on a peu tourné, on était bien plus un band local. En 2001 on a splitté, Buen le batteur a joué dans Hawaii Samurai, Lucien dans Lost Boys un peu plus tard, et moi j’ai continué Nothing To Prove avec David et Olivier en trio où je chantais, un dernier CD Necronomicon auto-produit en DIY au son dégueulasse, et un split avec Munky Posse We are the tools of our tools.

Puis j’ai enchaîné avec un 11 titres sur mon projet perso Suicide Lévitation, dernière tentative de proposer un jet de tripes, qui plus est en pleine dépression et totale perte de repères.

Sur ce dernier band j’avais déjà monté ma boîte de Vidéo à l’époque Videolab, et je filmais les premières heures du Moloco hors les murs.

J’ai beaucoup appris et j’ai eu à faire à des gens qui dans le domaine sont très compétents. Rien à dire, et je pense encore que c’est le cas, mais qu’il s’est produit un décalage de plusieurs dimensions, et qu’eux aussi galbent à « rassembler des publics » tellement variés !

Peut-être aussi que la quantité a tué la qualité, l’effet de sélection. Je comprends qu’avec une prog de 4 soirées/semaines plus personne n’arrive à suivre avec une ligne directrice claire et homogène, même si de leur point de vue de programmateur ça semble demeurer le cas.

 

Les facteurs sont nombreux et dans mes choix de montage j’ai vraiment mis un point d’honneur à respecter une certaine neutralité contextuelle à travers la parole de mes invités. J’avais envisagé une suite sur la musique 3.0, 4.0 etc… mais dans un esprit anticipé et non documentaire pour le coup. (NDR Hé, intéressant ! NDR)

 

Ou est-ce que ça ne serait pas toi-même qui a changé, aussi ? Tu ne regrettes pas de ne pas avoir un peu plus persévéré ?

Je pense avoir persévéré.

 

J'ai pour ma part vécu de grands et bons moments avec les Punks au sens large bien après 2001 et jusqu'à récemment...

Je n’ai jamais dit que ce n’était plus le cas. Je le suggère pour base de réflexion, avec à peine de provocation mais pas tant que ça.

 

Du coup, n'as-tu pas succombé à la résignation ? J'espère pas...

Non, je suis résilient, sans quoi je n’aurais pas proposé ce film.

 

Et d'ailleurs, as-tu véritablement complètement arrêté la musique ? Car mon testicule gauche me susurre que tu aurais rechuté... PrisonLife, tu connais ?

Mes réponses précédemment.

 

Au fait, tu es au courant que même aujourd'hui en 2019 on n'est pas obligé de s’inscrire à des tremplins, à suivre des formations « coaching vocal voix saturées » ou tout accompagnement de groupe à la zob complètement niqué de la tête dès le départ (j'ai jamais eu envie qu'un salarié que je connais pas issu d'une structure subventionnée vienne me dire comment régler mon ampli ou comment composer mes morceaux, bordel!), ou de se mettre subitement à l'electro darkwave witch house pour tenter de coller au cul chiasseux de la mode ?

 

Oui je le sais, mais ne vois-tu pas la même chose que moi dans les salles, dans les locaux de répétition ? (NDR Pas que ça, justement et heureusement ! NDR)

 

Il est aussi question de rébellion dans le film. Comme quoi les gens ne seraient plus que des mous et ne se rebelleraient guère... Exactement ce que je pense de mon côté... Et PAF !, dernièrement, des cohortes de gilets jaunes foutent la merde. Les gens sont peut-être pas si endormis que ça finalement ? Bon OK, ça s'excite sur le prix de l'essence et du jambon beurre principalement, mais... pas seulement ! Bref, ça te rassure un peu ou pas du tout ? (Gilets Jaunes? Quel est le rapport avec le Rock ? Aucun, ils dansaient la zumba sur les autoroutes.)

 

Merci de parler de l’exemple des Gilets Jaunes, outre l’envie de décortiquer ce mouvement ; et sur la durée de son existence assez hors norme, et le fait que ce terme de Gilets Jaunes s’ajoute à la longue liste des étiquettes pour mieux simplifier, j’aurais tendance à te dire que ces gens demandent un changement à une hiérarchie qui ne semble devoir s’opérer que par plus de pouvoir d’achat. Même si parfois les mots « auto-gestion » et « démocratie directe » sont lâchés, je ne vois pas comment considérer une fin ou un changement favorable au stade où on est arrivés.

Pareil pour le Punk et le Hardcore.

Tu ne m’entendras pas dire entre les morceaux qu’il faut se battre pour…ou parler du grand soir. Ce n’est pas pour rien qu’on conclut le set par à la fois ''Hardtimes'' enchaîné à ''World Peace'' de Cromags. Pour moi tout est là. LA solution c’est les gens, et le problème aussi.

Démerde toi avec ça.

 

Rébellion, toujours un grand mot... Les zikos et les fans de zik de notre génération (ou pas) se sont-ils embourgeoisés, en quelque sorte ? J'veux dire, je me suis rendu compte de quelques autres symptômes : collectionnite, matérialisme, frénésie d'achat... beaucoup d'argent, bêtement, derrière tout ça. Et du fétichisme pas toujours innocent.

Alors que l'apparition d'internet niquait ça, le côté mercantile, du moins. Gratuité, découverte, partage, des « pointus » virtuels peuvent te passer le flambeau au moyen de blogs, forums... Et ce, que tu sois paumé au milieu de Giromagny, à la cambrousse en périphérie d'Arras ou dans le Marais à Paname.

Aujourd'hui avec Facepute ça continue, ou c'est déjà passé à autre chose ? Je n'ai pas Faceprout et compagnie, je ne saurais le dire, j'ai lâché l'affaire avant même de commencer... Déjà un vieux con, quoi... Tu as suivi, toi ?

 

Oui, avec l’apparition de ma boîte, l’outil de com gratuit et le réseau que tu peux générer avec Facebook, je n’avais pas le moyen de m’en priver.

Je suis partagé sur ce thème et je suspends mon jugement, tout n’est pas clair pour moi alors que je soutiens la pensée du hacker dans sa VRAIE définition, celle que tu évoques avec la gratuité du savoir et de la communication.

Mais pas forcément celle du « produit, de l’objet » qui a et sert toujours de passerelle. C’est un morceau de tripes, ça va avec et je ne le réfute pas.

Je commence souvent la présentation du film en salle par « Je suis un imposteur, j’ai maxi 20 CD et 6 vinyles chez moi (…) » Mais cela regarde chacun, il n’y a jamais eu une seule façon d’écouter de la musique, d’y penser, de se renseigner dessus. La tradition orale m’a permis de recueillir des centaines d’anecdotes sur tous les groupes que je connais, et/ou que je ne connaissais pas encore.

Facebook et la zik, autre problème, je suis à l’étude pour un autre doc, bien plus tard quand ça finira par s’effondrer, comme beaucoup du reste.

 

En fait, tu crois pas que les problèmes que connaît le Rock/Punk/Hardcore sont les mêmes que ceux que connaît notre pays en général ?

Comme si nous étions arrivés au bout de quelque chose, au fond du vide de sens du capitalisme, par exemple ?

 

Oui, de toute évidence, ça fait 70 ans qu’on vit dans une paix civile, ça nous a privé de beaucoup de nos sens, de nos instincts de remise en question. Les canaux de pensée et leurs réflexes associés sont devenu à la fois chaotiques, et autoroutiers. Mélange improbable, et explosif.

 

 

Et au final, tu as réalisé ton film en D.I.Y. ?

Tout, partie ?

 

J’ai reçu 800 € des Productions de l’impossible et 1000 € du Moloco en partie au titre de mes recherches sur le patrimoine sociologique lié aux usines Peugeot et au Football, mais aussi parce que le Moloco était en pleine réflexion sur certains des thèmes que j’abordais, une collaboration intéressante. À noter que j’ai voulu leur donner la parole, ça n’aurait eu aucun sens de postuler sur tout cela sans leur laisser la parole.

Le reste je l’ai assumé seul et sur le peu de temps libre que j’ai gratté,comme d’hab.

Depuis un an j’ai vendu environ 300 exemplaires en ligne et de la main à la main.

Ça me permet de vivre, c’est important que ce film soit vu, je le donne assez souvent à des personnes à qui j’en parle, il y a de la perte et en tant qu’entrepreneur je n’ai pas la logique d’une asso. Dur pour moi de raisonner comme ça mais c’est comme ça.

 

Comment as-tu procédé, tu avais un plan, c'est celui qu'on trouve dans le film ou t'as pas mal dévié ?

Tu te sens plutôt analyste ou archiviste ?

 

J’avais une idée solide de dépeindre les origines de notre génération et de notre immersion dans une scène existante, puis quand nous avons construit la nôtre.

35 questions, les mêmes pour toutes et tous, puis montage de type transversal : L’un commence une phrase, l’autre la termine ou l’enrichit, voire la contredit.

Il est certain que pendant le montage et à chaque nouvelle interview il fallait que je change mes « briques » de place, que j’enrichisse, que je cute, que je module.

Je me suis arrêté de monter 4 jours avant la diffusion du film en salle pour générer le DCP de l’Avant-Première qui a à peine bougé depuis.

Je suis autodidacte, j’emploie la méthode qui me correspond le mieux, mais je ne peux ni me revendiquer de l’un ou de l’autre. Pour le faire j’aurais dû avoir une équipe qui pousse et source mes recherches. Là c’est du survol, je dois être honnête, et j’ai privilégié mon travail en solitaire pour conserver le propos sans aucun compromis.

 

 

Et ces extraits d'émissions télé casés dans le DVD bonus, comment as-tu eu le droit de les ré-utiliser ?

Peux-tu nous le dire ou crains-tu pour ta vie ?

 

Réponse dans la question : « Antoine, si tu nous lis »…

 

 

Oh wesh, j'pourrais continuer pendant des pages mais y paraît qu'faut qu'jprenne mes cachets... Un mot ou mille (si vraiment tu y tiens, c'est possible...) pour la FIN !?!?

 

Merci pour ton interview très détaillée, j’y ai répondu sans me relire comme un gougnaffier mais là je dois tracer au Gym avec mon pote de Toronto qui m’héberge le temps que je trouve du taf. Les Disparus de la Photo ainsi que UxÅ et Diesel qui sont tous trois sous-titrés en anglais seront proposés là-bas lors de mon séjour. À suivre.

 

J’ajoute bien sûr que le documentaire est disponible au prix de 24€ FDP inclus sur www.lesdisparusdelaphoto via PayPal ou par envoi postal de chèque.

112 minutes de documentaire et 1h45 de bonus.

N’hésite pas à me solliciter le cas échéant pour tout autre demande et bravo pour ton analyse de la mienne, repense qu’on s’est ben compris.

 

Jean-Philippe Putaud-Michalski

 

 


 

Un grand merci d'avoir carrément joué le jeu, Jean-Philippe! Repense qu'en voilà des réponses!

photo de El Gep
le 10/07/2019

1 COMMENTAIRE

cglaume

cglaume le 10/07/2019 à 13:10:31

Super interview !

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