Dérisoire - Sérendipité

Chronique CD album (22:10)

chronique Dérisoire - Sérendipité

Dérisoire est un groupe francilien que j’ai eu l’occasion de découvrir complètement par hasard lors d’une soirée estampillée grind dans un squat d’artistes perdu dans l’industrielle banlieue parisienne. Ce trio ouvrait le bal dans des conditions encore plus précaires que l’endroit où il se produisait, la chanteuse n’ayant pas de micro fonctionnel et le régisseur semblant être plus occupé à s’en rouler un p'tit pour la route en discutant Canigou avec une soixante-huitarde proto-goth accompagné de Jenlain, son Pitzu (un mélange de Shitzu et de Pitbull, enrichi en 8.6). Bref, une fois, le courant rétabli, la bière complètement éventée et les chiens au pied (la bave en sus), je découvre un groupe...bah...vraiment crédible entre un batteur coolos très en place (et qui occupa la galerie de quelques grooves bien tight pendant la résolution des problèmes techniques), un guitariste nerdos branché dans une tronçonneuse nucléaire et une chanteuse punkos qui aura pris possession de la scène (sol compris) avec une facilité déconcertante malgré son menu format. Bref, un bon groupe de grind, taillé pour le live, qui fait le taf, plutôt bien et surtout à fond, peu importe les conditions.

 

Mais le live a une force, une dimension contextuelle qu’il n’est pas forcément évident de transposer en studio. Car le groupe a signé chez CraCra Records pour son premier album Sérendipité. La sérendipité, pour ceux qui ne le savent pas, c’est le fait de trouver quelque chose (heureux et inattendu) que l’on ne cherche pas, à ne pas confondre à la zemblanité qui consiste à trouver quelque chose (malheureux et attendu) que l’on ne voulait pas trouver. Comme quoi, sur CoreAndCo, on peut se cultiver en lisant une chronique d’un album de - relis ses notes - expérimental cybergrind grindcore harshnoise noisecore. Pfioouuuu…Mazette..Tout ça? Bah non, en fait, non! Mais c’est pas grave, une erreur d'étiquetage est si vite arrivée. Reprenons en détail.

 

Expérimental? Non, mille fois, non! A part la qualité du son et de la production, l’ensemble n’est pas expérimental pour un fifrelin. Ca n’est pas perché, ça n’est pas nawak, ça n’est pas avant-gardiste, il n’y a pas de recherche, pas de fusion, pas de déconstruction, pas d’inventions, c’est du terre à terre bien terreux, du circuit court artistique, direct du fondement du producteur à celui du consommateur. 

 

Cybergrind? Non, la proximité avec Cephalic Carnage ou Genghis Tron (mes références de ce style) se mesure en année lumière et comme, c’est du grind, on n’a pas toute l’année donc non.

 

Grindcore? Ahhhhhh là, oui! C’est définitivement du grind, aucun doute. Production bien raw, irrégulière, batterie en mode mulasse, guitares oscillant entre moissonneuse catcheuse et la sulfateuse chiasseuse, voix aux antipodes du chant, discours dénonçant les travers de la societé, morceaux courts, structures simples, et pochette faite sous Paint (version Windows 3.1) mais ne manquant pas d'un certain cachet (on s'en fout mais j'ai bien aimé la typo). On a le kit complet du parfait album de grind. Mais le parfait album de grind n’est pas nécessaire l’album de grind parfait.

 

Harshnoise? Noisecore ? Ohhhhh??…Hmmm…Oui!! Surtout harsh plus que noise. Soyons honnête, le son est du niveau "démo" voire "brouillon de démo". Ectomycorhize sur le keupon, non seulement l’album semble avoir été enregistré à l’aide d’un barbecue mais en plus, ça ne joue pas toujours très carré. Et ça…vraiment…mais alors vraiment, c’est con. Parce que tout le monde le sait : tant que c’est en place, ça passe. Le morceau qui ouvre l’album, “Parasite”, illustre bien cet aspect approximatif. En outre, comme le mixage est un peu moisi du slip (voix trop en avant, guitares anémiques, snare totalement absente), ça n'arrange en rien l'affaire. Et c’est trop con ça parce que le grind, ça a beau être harsh, ça a beau être un bordel fréquentiel incroyable, ceux qui se démarquent partagent le point commun d’être en place tout en maîtrisant la saleté.

 

Alors, c’est de la merde? Bah non, désolé mais non. Pas tout à fait. Un peu quand même mais pas tout à fait. Le chant ne manque pas d’une certaine crédibilité même s’il ne souffrirait pas d’un peu de travail de mise en place (je ne parle que de la chanteuse parce que les chœurs masculins comme sur "Agony" sont largement dispensables). La prestation instrumentale et l'effort global n’a clairement rien du foutage de gueule mais la mise en boîte a sérieusement déconné et/ou été vite torchée, ce qui amoindrit bien trop les morceaux. C’est bien dommage car la plupart sont corrects dans le style : "Anorexmia", "Freedom, The Ants", "Dark M" (avec son côté BlackGrind qui vaut vraiment le détour), tant de sacrifiés sur l'autel du DIY... Autre point positif, les quelques samples vraiment cools et originaux, qui rappelleront à bien des souvenirs les habitués du RER D (femmes comprises).

 

Pour les fans hardcore d’albums de Grindcore bien rude qui sent mauvais comme un couloir RATP, cet album s’ajoutera sans peine à un bestiaire déjà plus que fourni. Pour ma part, le côté démo approximative m'aura fait lâcher l’affaire et c’est bien dommage car il aurait mérité meilleur traitement, Dérisoire ayant un certain potentiel. Sérendipité ou Zemblanité, entre les deux, mon cul balance, Dérisoire s’en balance, mais je leur souhaite malgré tout bon vent.

 

 

On aime bien: l’esprit, les samples, le potentiel ultra-caché (probablement crédible) et ultra-gaché par la prod

On aime moins: tout le reste

photo de 8oris
le 14/12/2022

4 COMMENTAIRES

cglaume

cglaume le 14/12/2022 à 13:06:21

Je suis fan de la chro (explosions régulières de smiles sur ma trombine poilue)… moins de l’album :)

Pingouins

Pingouins le 14/12/2022 à 14:35:11

Super chronique oui :)
"Sur l'autel" par contre non ? ;)
Sinon l'hôtel du DIY je veux connaître l'adresse !

8oris

8oris le 14/12/2022 à 15:00:41

Merci Pingouins c'est corrigé!

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 14/12/2022 à 16:37:25

Bonne chronique pour un mauvais groupe

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