Counterparts - A Eulogy For Those Still Here

Chronique CD album (33:40)

chronique Counterparts - A Eulogy For Those Still Here

Counterparts est une sorte de péché mignon pour moi, et je sais très bien comment fonctionnent leurs albums, autant dans leur ensemble que dans leur rapport avec moi : au début, à la première écoute, je me dis à chaque fois « bon, d'accord, ils refont du Counterparts, mais cette fois ça ne me touche pas plus que ça ». Je ne me sens alors pas particulièrement porté par les nouveaux morceaux qui défilent sous mes oreilles. L'album fait toujours autour de la demi-heure, on n'est pas dans la surprise, j'ai l'impression d'être dans du déjà entendu.

Il faut dire que leur recette qui va chercher dans le hardcore mélodique à mi-chemin du metalcore, ça commence à faire un moment que de nombreuses formations la pratiquent avec plus ou moins de succès et d'originalité.

A noter par ailleurs que l'album était terminé depuis décembre 2021, mais que les difficultés actuelles de pressage de vinyles ont repoussé et repoussé la date jusqu'à cet octobre 2022. Ce qui a -probablement- poussé Brendan Murphy, leur chanteur, à faire fuiter l'album avec quelques semaines d'avance sur le net, comme il l'avait fait pour absolument tous leurs autres albums (si jamais vous cherchez la source de cette éventualité, à 3:10)

 

Et puis au bout du compte, à un moment, généralement un peu au hasard après avoir jeté un œil curieux aux paroles, celles-ci associées à une ligne de chant de Brendan viennent me percuter en pleine gueule et me faire redécouvrir, apprécier et même aimer les morceaux, en percevant l'émotion et la sensibilité de son écriture.

 

Sur ce nouvel et septième album A Eulogy For Those Still Here, c'est avec le second morceau « Whispers of your death » que ce petit rituel s'est produit. Et très précisément avec la ligne « It's hard to breath without you sleeping on my chest […] I promise to protect you until the day I die », qui peut sembler vraiment trop fleur bleue pour pas mal de monde.

Mais cette ligne, elle parle de Kuma, le chat de Brendan, régulièrement à l'honneur dans les tweets debilous du frontman de Counterparts sur l'app à l'oiseau bleu (et le titre du morceau d'intro est, si je ne me trompe pas, la date d'adoption de Kuma par Brendan). Il le dit lui-même, il ne peut plus imaginer sa vie sans Kuma : « Être son papa est sans aucun doute la lus importante chose que j'aie pu faire de ma vie, et aussi ce dont je suis le plus fier. Je l'aime plus que tout au monde et cette chanson est mon hommage personnel pour le fait qu'il m'aie littéralement donné une raison de vivre ». Au Furnace Fest, récemment, il détournait les paroles de leur morceau « Paradise and Plague » en toute fin de concert en disant "There's nowhere I'd rather be than with you at home with my cat", avant de partir. Son compte comme celui du groupe sont des coins du net où l'on peut régulièrement trouver de quoi sourire, tant le personnage est sympathique.

 

Et puis je veux dire, ce morceau est quand même en ce qui me concerne en pôle position pour prétendre au titre de clip de l'année :

 

 

Bref. Vous l'aurez compris, Counterparts n'est pas un groupe aux paroles socio-politiques, mais plutôt orientées vers une sensibilité au quotidien, aux détresses de chaque jour, à la difficile gestion des émotions dans un monde qui nous tire tous et toutes vers le bas si notre but dans la vie n'est pas d'écraser les autres pour notre propre bénéfice.

Ensuite, passés les trois premiers morceaux (sans compter l'intro), qui ont tous servi de single et restent dans la continuité de ce que Counterparts proposent depuis des années, mais toujours efficace, je dirais qu'il y a un bémol.

 

Parce qu'à chaque écoute, je me sens profondément agacé par les lignes de chant clair du début du morceau éponyme, que je trouve vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup trop cheesy, même mises en contraste avec la voix hurlée de Murphy qui vient doubler les pistes pour insister sur les paroles.

Et même si celles et ceux qui apprécient l'exercice pourraient être en désaccord avec moi là-dessus, je trouve que c'est une belle faute, parce que ce morceau et le suivant (« Skin Beneath A Scar ») cassent pour moi complètement la très bonne entame de ce disque. Dans le sens où ce dernier morceau a presque un côté « college pop punk » avec son refrain choral qui me renverrait presque plus à un générique de fin de Grey's Anatomy en un tout petit plus énervé qu'aux chansons précédentes, et qui, placé juste après l'autre, sombre un peu trop dans la soupe mielleuse à mon goût. C'est certes dans la continuité du morceau « Nothing Left To Love », dernière piste de l'album précédent, mais c'est pour moi un raté, comme je ne manquais d'ailleurs pas de signaler mon côté circonspect sur cette ultime chanson dans la dernière chronique.

Et c'est bien dommage ! Car dans les autres morceaux où les voix claires interviennent sur cet album (plus nombreuses que sur les précédents), elles sont globalement bien utilisées et apportent cette fois une réelle valeur ajoutée aux compositions, avec un petit côté punk rock appréciable (« Flesh to fill your wounds », « A Mass Grave of Saints », malgré le fait qu'elles reviennent trop souvent à mon goût).

Dans tous les cas, que l'on apprécie ou non, c'est l'album de Counterparts où les voix claires sont le plus utilisées, c'est toujours bon à savoir.

 

Voilà donc pour les critiques et les choses qui fâchent.

Pour le reste, dès le riff qui ouvre le morceau suivant « Sworn to Silence », on se fait direct renvoyer dans un morceau vraiment chouette. On considérera donc la paire de chansonnettes précédentes comme une reprise de souffle avant de repartir de plus belle, et personnellement j'accepte la faute de goût, parce que toute la fin de l'album est qualitative.

 

Sur l'ensemble de A Eulogy For Those Still Here, on appréciera la dynamique vocale de Brendan Murphy, sa capacité à évoluer du parlé à l'hurlé à pleins poumons en un rien de temps, ainsi que le grain très propre de sa voix hurlée. Indéniablement, c'est un très bon vocaliste de hardcore.

Du côté des guitares, après la énième saison de changements de line-up, on voit revenir sur ce septième album des Canadiens des vieux membre du groupe en les personnes d'Alex Re et Jesse Doreen. Ceux-ci posent des mélodies et une belle capacité de riffing efficace par dessus la section rythmique de Tyler Williams (basse) et Kyle Brownlee (batterie), pour des morceaux qui se bonifient vraiment à mesure des écoutes.

 

Et puis il y a les breakdowns. Toujours bien foutus, annoncés par des gimmicks vocaux (une phrase avec la dernière syllabe / mot percutant esseulée derrière un léger silence) et musicaux, on est souvent proches de ce qu'on pourrait poser comme la définition de l'emotional breakdown, à la croisée des chemins entre les acceptions musicale et personnelle de cette expression.

 

A noter aussi l'excellente production par Will Putney, par ailleurs comparse de Murphy (et de Billy Rymer de The Dillinger Escape Plan) dans le 'supergroupe' End, bien plus agressif, et qui viennent par ailleurs de sortir un très bon split avec les non moins excellents Cult Leader.

Sur le fond, A Eulogy For Those Still Here parle, jusque dans son titre, de la perte et de la sensation de deuil, mais envers des gens, des choses, des situations qui ne sont pas morts ou n'ont pas totalement disparu : tout ce qu'on perd tout en restant en vie, quand la vie nous éparpille, que les ami·e·s deviennent des connaissances, que les lieux dans lesquels on a vécu nous deviennent étrangers, que tout ce qu'on jugeait faire partie de notre vie continue la sienne, de vie, mais sans nous.

 

Et pourtant, une réelle perte marque aussi ce disque.

Kuma, dont on parlait plus haut et qui se trouve être la star du clip de l'année, est mort alors que le groupe finalisait l'album, des suites d'une maladie qui lui a été découverte peu après son adoption. Désolé pour le mini cliffhanger félin...

 

Au bout du compte, Counterparts livrent ici un bon album, qui reprend les choses là où elles avaient été laissées sur Nothing Left To Love, tout en y ajoutant d'appréciables variations, malgré quelques embûches à mon goût un peu trop claires sur le parcours. Donc deux morceaux qui coûtent deux points, boum, on est comme ça ici. Aucune pitié. Et si on n'aura sur A Eulogy For Those Still Here pas de grande pièce majeure telles que « Compass », « You're Not You Anymore » ou « The Disconnect » (malgré un « A Mass Grave of Saints » fort catchy) , les Canadiens offrent ici un album solide, qui les conforte dans leur position dans le haut du panier du style, malgré de très bonnes propositions faites par d'autres formations ces derniers temps.

 

A écouter en pensant à ces potes que vous ne voyez plus ou pas assez depuis pas mal de temps, et à qui vous devriez passer un coup de fil.

Allez-y, c'est l'occase de leur proposer d'aller boire un coup un de ces quatre ou de venir bouffer à la maison.

« Your friends are precious and they are slipping away », écrivait Jeffrey Eaton de Modern Life Is War. Et il n'avait pas tort. Alors écrivez-leur maintenant, qu'est-ce que vous avez à perdre ?

 

R.I.P. Kuma et toutes les personnes qui ont compté un jour dans nos vies.

photo de Pingouins
le 17/10/2022

4 COMMENTAIRES

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 17/10/2022 à 16:06:33

"Et puis je veux dire, ce morceau est quand même en ce qui me concerne en pole position pour prétendre au titre de clip de l'année" : ah ben d'accord...

Pingouins

Pingouins le 17/10/2022 à 16:07:48

Clip de l'année, je maintiens :D

Dams

Dams le 20/08/2023 à 12:57:22

Découverte tardive mais bonne découverte ! Très Killswitch Engage, dans le bon sens du terme. 
Par contre la pochette est dégueulasse...

Pingouins

Pingouins le 20/08/2023 à 13:58:40

Pour le coup c'est un de ceux que j'aime le moins, je pense. "Nothing left to love", "you're not you anymore" ou même "tragedy will find us" reviennent bien plus souvent chez moi.

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