Exanimis - Marionnettiste

Chronique CD album (01:05:57)

chronique Exanimis - Marionnettiste

Quand des anciens élèves de la M.A.I. (un genre de Berklee à la française) sortent un premier album de death orchestral poussé par Klonosphere, tu te la joues Madame Irma et tu peux prédire que ça sera crédible mais tu peux aussi voir se pointer dans le coin de ta boule de cristal la possibilité de tomber sur quelque chose d’ennuyeux et trop démonstratif. Les techniciens de la musique ont cette tendance fâcheuse à écrire de la musique pour d’autres techniciens de la musique et certaines finesses de leur(s) langage(s) d'érudits peuvent facilement échapper aux néophytes. Mais finalement, tu n’es pas Madame Irma et tu ne l’as pas vue venir l'autre grosse claque de 2021.

 

Je ne sais pas véritablement par où commencer tant il y aurait de choses à dire sur cette œuvre absolument complète qu’est Marionnettiste.Complète car le groupe n’a pas fait les choses à moitié et a travaillé l’image autant que la musique. 

Côté visuel, l’album est accompagné d’un clip qui tient plutôt du court-métrage, d'illustrations de Loïc Muzy et un décorum (masques, costumes...) mystérieux plutôt classe. Pour un groupe qui débute, ils ont donc de quoi soutenir sérieusement leur propos.

Côté musique, Marionnettiste est une aventure épique et sonore d’une heure cinq minutes (accrochez-vous!) répartie sur 9 morceaux ou plutôt 9 mouvements qui suivent deux thématiques principales: le cauchemar et la manipulation.

 

9 morceaux qui se développent majoritairement à partir d’une recette aussi simple que ses deux uniques ingrédients sont complexes. 

Primo, du death très technique à tendance virtuose exécuté à merveille (amis guitaristes, vous y trouverez en vrac des plans à la Rhapsody et d’autres dignes de l’impayable Yngwie Malmsteen), du death qui groove ("Stampede Of The 10 000"), du death qui sweepe, du death qui néo-classique (du verbe néo-classiquer), bref du death lourd mais finement exécuté et diablement bien écrit. Les plans leads sont plein d'esbroufes grand-guignolesques et d'envolées lyriques grandiloquentes. Je walide!

J’entends souvent des guitaristes hyper techniques qui déclarent “ouiiiii, tout çaaaa, la technique, j’en use beaucoup mais c’est toujours au service de la musique”. Si vous voulez vraiment entendre ce que donne la technique au service de la musique, et même au service de la musicalité, Exanimis fait figure d’exemple, d’autant que les plans sont complexes mais jamais compliqués (on n'est pas dans le délire free-jazz fusion d'un The Faceless), et rarement fatiguants (bon, ok, contre-exemple avec les 2 minutes un peu poussives de sweep sur "The Slow Flow Of The Spume On The Shore"). Certains plans de "Cogs, Gears & Clockworks" m’ont aussi rappelé (avec beaucoup de plaisir), Dave Martone, un guitar-hero aussi funky et cool que méconnu.

Il y a aussi une grosse diversité de techniques utilisées, un véritable travail de recherche modale, l’arsenal est complet non seulement d’un point de vue technique mais aussi théorique. Forcément, cela ajoute une dynamique folle à l’ensemble. 

Le travail sur les batteries est aussi très bon, très écrit, digne d’un Ryan “RVP” Van Poederooyen (Devin Townsend Projet).

La basse est en soutien, en fond mais présente, très ronde et sautillante. On aurait aimé qu’elle, aussi, ait plus de place pour des envolées lyriques.

 

Le deuxième ingrédient, c’est l’orchestration. Et là, question arrangements, c’est de la pure dentelle, le souci du détail poussé à l’extrême et qui confère à l’ensemble une dimension parfois cinématographique, parfois théâtrale et d’une efficacité sans faille. La dernière fois que j’ai pris une telle claque, c’était le premier album de 6h33 qui semble désormais un peu palot. Tout est parfaitement écrit (et l’exercice est délicat), parfaitement programmé (et l’exercice est difficile) et parfaitement mixé (et l’exercice est complexe). Chapeau! 

Et, cerise sur le chapeau, tous les instruments de l’orchestre sont mis à contribution : soufflants, cordes, percussions, claviers (pianos, orgues...). Du coup, on n’est pas dans le death metal sympho leader price avec une nappe de violoncelle par-ci et des trilles d’alto par là. Même la voix semble avoir été écrite comme un instrument à part entière avec un gros travail sur les harmonies des chœurs, harmonies rendues possibles par le concours de quelques invités dont...Kermheat, le guitar-hero chevelu le plus barré de France (qui est professeur à la M.A.I, le monde est petit mais il est beau parfois). Côté registre saturé enfin, elles sont très efficaces et contrebalancent parfaitement le côté très baroque des instrumentations. 

On est donc dans le vrai "Orchestral": Marionnettiste pourrait se frotter sans rougir à une BO écrite par un Danny Elfman ou même un Hans Zimmer.

 

J’ai été moins un peu moins fan de l’intro acoustique de “The Slow Flow Of The Spume On The Shore” (j’ai trouvé la voix un peu plus faible et sa texture bizarroïde) et des éternels morceaux d’ouverture et de fermeture 100% orchestraux qui sont un diptyque un peu trop vu et revu dans les albums de ce genre.

Enfin, Marionnettiste est dense, à l’extrême. Il reste tout à fait ingérable mais étant par essence un album à considérer dans son intégralité, il ne sera pas facilement digérable. On y revient malgré tout sans peine, surtout si on se plaît à écouter les différents détails qui se cachent un peu partout dans les morceaux.

 

Intelligemment intitulé, Marionnettiste manipule habilement l’auditeur dans un univers riche et grand-guignolesque parfaitement dépeint par une interprétation excellente, un mixage de sorcier, une qualité d’arrangement d’une maturité ahurissante. Plus qu’un album, le résultat d’un travail d’écriture impeccable qui reste constant sans être linéaire.

 

 

On aime : le nec plus ultra de l’écriture orchestrale, une interprétation au top, un mixage miracle, du talent et de la virtuosité à tous les niveaux

On n’aime moins : très dense, le morceau acoustique un peu faiblard

photo de 8oris
le 03/05/2021

2 COMMENTAIRES

cglaume

cglaume le 03/05/2021 à 10:59:42

Ça fait envie dit ! Par contre Omar me confirmer qu'on n'écrit pas "Je walide" mais carrément "Sso Walid'"

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 03/05/2021 à 11:09:51

En plus: Omar m'a tué.

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